Violences conjugales et titre de séjour en France Le préfet doit apprécier l’opportunité d’une mesure de régularisation
Par une requête, enregistrée le 9 août 2023 auprès de la 2ème Chambre du tribunal administratif de Melun, Mme LO, demande au tribunal : d’annuler l’arrêté du 11 juillet 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai […] The post Violences conjugales et titre de séjour en France Le préfet doit apprécier l’opportunité d’une mesure de régularisation first appeared on L'Est Républicain.
Par une requête, enregistrée le 9 août 2023 auprès de la 2ème Chambre du tribunal administratif de Melun, Mme LO, demande au tribunal : d’annuler l’arrêté du 11 juillet 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; d’enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d’un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Mme LO soutient qu’en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : elle n’a pas été précédée d’un examen particulier de sa situation personnelle ; elle est entachée d’une méconnaissance du champ d’application de la loi dès lors qu’elle est fondée sur l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui ne lui est pas applicable ; elle méconnait l’article 6-2 de l’accord franco-algérien. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est dépourvue de base légale dès lors qu’elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ; elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme LO ne sont pas fondés. Mme LO, ressortissante algérienne, née en Algérie, est entrée régulièrement en France en 2020, sous-couvert d’un visa touristique, puis s’est vue délivrer un certificat de résidence d’un an en qualité de conjointe de français. Elle a demandé le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention « conjoint de français ». Par une décision du 11 juillet 2023, dont elle demande l’annulation, la préfète du Val-de-Marne a refusé de renouveler le certificat de résidence sollicité, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
Les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent séjourner en France et les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Si un ressortissant algérien ne peut dès lors utilement invoquer les dispositions de l’article L. 423-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à la délivrance et au renouvellement du titre de séjour lorsque l’étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l’opportunité d’une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation portée sur la situation personnelle de l’intéressée. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la rédaction de la décision attaquée, que Mme LO était titulaire d’un titre de séjour en qualité de conjoint de français, dont le renouvellement lui a été refusé en raison de l’absence de maintien de la communauté de vie. Toutefois, il résulte également des pièces du dossier, en particulier des photographies et du procès-verbal de dépôt de plainte établi en 2022, que la communauté de vie a cessé en raison des violences conjugales dont l’intéressée indique avoir été victime. La préfète, qui ne fait aucune mention de cette circonstance dans sa décision portant refus de titre de séjour alors qu’il lui appartient d’apprécier l’opportunité d’une mesure de régularisation au regard de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, n’a ainsi pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme LO, de telle sorte que la décision doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Eu égard aux motifs du présent jugement, l’annulation de l’arrêté contesté implique que la préfète du Val-de-Marne ou tout autre préfet territorialement compétent réexamine la situation de Mme LO et qu’elle lui délivre une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’elle ait à nouveau statué sur son cas. Il y a lieu de prescrire à cette autorité, ou à tout autre préfet territorialement compétent, d’y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. La 2ème Chambre du tribunal administratif de Melun a donc décidé d’annuler l’arrêté du 11 juillet 2023, par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer à Mme LO un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d’enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de Mme LO dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Référence : Jugement du tribunal administratif de Melun du 24 octobre 2024, n°2308379
Par Me Fayçal Megherbi, avocat
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