Le massacre de 118 civils innocents, il y a 66 ans à Ghar Ouchetouh : au paroxysme de l’horreur

Ghar Ouchetouh, une grotte creusée par la nature à flanc de montagne à Taghit, dans l’actuelle commune de Taxlent (Batna), fut le théâtre, il y a 66 ans, d’un crime horrible de l’armée française qui massacra de sang-froid 118 civils désarmés, principalement des femmes et des personnes âgées, en utilisant des gaz chimiques interdits qui […]

Mars 22, 2025 - 22:37
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Le massacre de 118 civils innocents, il y a 66 ans à Ghar Ouchetouh : au paroxysme de l’horreur

Ghar Ouchetouh, une grotte creusée par la nature à flanc de montagne à Taghit, dans l’actuelle commune de Taxlent (Batna), fut le théâtre, il y a 66 ans, d’un crime horrible de l’armée française qui massacra de sang-froid 118 civils désarmés, principalement des femmes et des personnes âgées, en utilisant des gaz chimiques interdits qui firent atteindre à ce crime le paroxysme de l’horreur.

Les habitants du village de Tarchiouine évoquent encore ce massacre perpétré les 21, 22 et 23 mars 1959 et le racontent tel qu’il leur a été relaté par certains survivants qui l’ont vécu, en plein mois de Ramadhan.

Personne n’a oublié les deux jeunes hommes de la région, ceinturés d’explosifs, que l’on poussa dans la grotte pour les faire sauter au milieu de civils non armés.

Personne n’a oublié non plus qu’à la suite de cette déflagration, qui se fit entendre à des kilomètres à la ronde, les parois de la grotte furent tellement ébranlées que d’énormes rochers s’en détachèrent, écrasant des dizaines de corps dont quelques-uns étaient inanimés en raison de l’inhalation de gaz chimiques lâchés depuis l’entrée de la grotte par les soldats français.

Selon les témoignages de certains survivants du massacre, Mohamed Frik (gardien de la grotte, à l’époque) et Omar Mezghiche, « l’attaque de la grotte par l’ennemi a provoqué des scènes horribles de corps entassés les uns sur les autres, entre morts carbonisés et morts par asphyxie au gaz ».

Selon Mohamed Frik, « le chaos était tel que la majorité des personnes qui n’étaient que blessées, ont fini par succomber à leurs blessures dans d’atroces souffrances ».

Seules « quelques personnes ont pu s’échapper de la grotte aussitôt après le début de l’attaque aux gaz toxiques, mais la majorité des fuyards s’est heurtée aux soldats de l’armée française postés aux abords de la cavité », souligne ce témoin, ajoutant que « deux personnes ont d’ailleurs été tuées par balles ».

 

    La grotte d’Ouchetouh constituait un refuge pour les habitants avant son attaque

 

Les mêmes témoignages indiquent que les habitants de Taxlent et des régions voisines, considérant la cavité naturelle comme « sûre » car profonde et faisant face au mont Rifaâ, s’y réfugiaient à chaque fois que l’armée coloniale effectuait un ratissage.

D’ailleurs, attestent les témoins, les chefs de la Révolution firent de cette grotte, tour à tour, un hôpital de campagne pour soigner les combattants malades ou blessés, puis un atelier pour confectionner des uniformes pour les Moudjahidine.

S’agissant de la découverte de la grotte par les forces coloniales, les Moudjahidine Belkacem Kharchouche et Abderrahmane Abidri soutiennent qu’elle a fait suite après une bataille qui s’était déroulée dans la montagne de Rifaâ, donnant lieu à l’encerclement de la zone puis par une opération de ratissage soutenue par les forces de l’OTAN.

Sentant un mouvement des troupes ennemies, les habitants de la région, à la vue d’un hélicoptère de combat survolant la zone, confortés dans leur certitude que les soldats français n’allaient pas tarder à arriver, se réfugièrent dans la grotte, ignorant à ce moment-là que c’était la dernière fois qu’ils allaient pénétrer à Ghar Ouchetouh.

Comble d’infortune, les forces françaises, contrairement à leurs habitudes, empruntèrent un itinéraire passant par l’oued de Tarchiouine qui longe la grotte. Le 21 mars 1959, un Moudjahid qui s’était caché à Ghar Ouchetouh, convaincu qu’une attaque était imminente, tira sur un soldat qui s’approchait des lieux. Cela conduisit aussitôt après, affirment les témoins, à un siège en règle de la grotte.

Les soldats français commencèrent par lancer des grenades offensives à l’intérieur de la cavité en attendant l’arrivée de renforts et de matériel. N’obtempérant pas à l’ordre de se rendre, les occupants de la grotte essuyèrent plusieurs attaques féroces qui se poursuivirent les 22 et 23 mars, aboutissant au massacre de 118 martyrs.

Les témoignages recueillis par l’APS soutiennent que les corps de nombreuses victimes se trouvent encore à l’intérieur de Ghar Ouchetouh dont le seul accès est bloqué par les rochers déplacés par les énormes explosions des deux bombes vivantes et les tirs nourris du siège mis en place par les forces coloniales.

Selon Belkacem Kharchouche et Abderrahmane Abidri, un certain nombre de corps ont été retirés, bien plus tard, avec beaucoup de difficultés pour être enterrés au cimetière des Martyrs de Tinibaouine, à Taxlent.

Le Dr Yazid Bouhenaf, spécialiste en Histoire à l’université de Batna 1, affirme que les crimes français en Algérie, notamment les massacres commis contre des civils désarmés, sont des crimes contre l’humanité et rappelleront pour l’éternité le caractère abject des tueries perpétrées par la France coloniale.

Le ministère des Moudjahidine et des Ayants-droits a débloqué un montant de 5 millions de DA pour la réhabilitation du monument historique qui honore la mémoire des martyrs de ce massacre et rappelle la barbarie de ses auteurs, a fait savoir la directrice de wilaya du secteur, Nawal Boukhabia.

Cette responsable a affirmé que l’opération de réhabilitation du monument, aujourd’hui en voie d’achèvement, s’inscrit dans le cadre de la préservation de la Mémoire et du rappel du lourd tribut payé par les Algériens durant la glorieuse Révolution.

La réhabilitation du monument comprend sa restauration et l’agrandissement de la superficie au cœur de laquelle il est implanté, ainsi que la réalisation d’une stèle où sont gravés les noms des 118 martyrs tombés au champ d’honneur à Ghar Ouchetouh.

A l’heure actuelle, des efforts sont déployés pour ouvrir un chemin permettant d’y accéder, a assuré Nawal Boukhabia.

Cette grotte devenue célèbre, creusée à flanc de montagne, au fond d’un ravin près de l’oued Tarchiouine, dont le lit serpente à proximité du village éponyme, est située dans une zone montagneuse et rocheuse, très accidentée, qui nécessite, pour l’atteindre, une marche d’environ 2 km à travers un sentier sinueux et dangereux.