Qui n’a pas encore vaincu peut avoir déjà perdu
Il était question hier de l’ultimatum courant jusqu’au 8 du mois prochain posé par le ministre sans portefeuille Benny Gantz à Benjamin Netanyahou, où il lui enjoint de se fendre d’un plan de guerre, faute de quoi il serait obligé non seulement de donner sa démission mais d’en appeler au peuple pour le renverser. Une […]
Il était question hier de l’ultimatum courant jusqu’au 8 du mois prochain posé par le ministre sans portefeuille Benny Gantz à Benjamin Netanyahou, où il lui enjoint de se fendre d’un plan de guerre, faute de quoi il serait obligé non seulement de donner sa démission mais d’en appeler au peuple pour le renverser. Une mise en demeure qui serait inconcevable si Israël était en train de gagner la guerre. Bien entendu, Netanyahou a déjà pris le parti de faire comme si Gantz n’avait rien exigé du tout. Si l’ultimatum était venu non pas de lui mais de l’extrême droite, ç’aurait été une autre affaire. Mais comme ce n’est pas le cas, ses jours à la tête du gouvernement ne sont pas comptés. Ce qui le ferait tomber, pour autant qu’il conserve le soutien des extrémistes de droite, partisans d’une solution finale de la question palestinienne, ce serait une défaite militaire évidente. Ces alliés-là revendiqueraient le génocide plutôt que de le nier. Cela fait des semaines que le chef du gouvernement israélien dit sans relâche qu’une offensive sur Rafah est une nécessité, que son annulation, comme le demandent y compris les meilleurs alliés d’Israël, par crainte qu’elle donne lieu à un carnage sans précédent parmi les civils, serait synonyme de défaite pour Israël.
Ce disant Netanyahou s’est toujours gardé de qualifier cette défaite, d’en préciser la nature, ou la portée, mais si on prend en compte qu’il se sert d’elle comme d’un argument irréfragable, force est de l’entendre dans l’absolu, c’est-à-dire se rapportant à toute la guerre, à une guerre terminée par conséquent. Jusque-là, on savait qu’une armée perdait des batailles mais seulement quand celles-ci sont menées. On apprend de Netanyahou qu’il s’en perd aussi qui ne l’ont pas été, et que c’est même celles-là qui font perdre les guerres. A bien l’entendre, il serait possible de perdre une bataille même importante sans que cela implique que c’est la guerre en entier qui est perdue. Par contre toute la guerre est perdue si une bataille finale, comme celle de Rafah, est, pour des raisons humanitaires entre autres, déprogrammée. Netanyahou justifie ainsi sa nécessité : au début de la guerre, dit-il, le Hamas disposait de 25 compagnies, l’armée israélienne lui en a pris 21, il lui en reste 4, qu’il est urgent d’anéantir, autrement il reconstituerait ses forces, toutes ses forces, et non seulement tout serait à recommencer, mais Israël aurait perdu, et c’est lui qui aurait gagné la guerre, toute la guerre. Or si c’est lui qui gagne, Israël est perdu pour toujours. Une logique insaisissable préside à cet exposé des motifs. La nécessité de la bataille finale serait mieux établie si Israël ayant perdu toutes les autres batailles devrait se rattraper en une seule, celle de Rafah, censée terminer la guerre. De ce point de vue, on comprendrait pourquoi Israël devrait partir à l’assaut de Rafah, car c’est là que se joueraient et le sort final de la guerre et son propre avenir en tant qu’Etat du Moyen-Orient. Si Israël avait remporté les autres batailles, celles du nord et du centre, et celles du sud, il pourrait annuler la dernière, celle de Rafah, sans que cela nuise en quoi que ce soit à ses victoires précédentes. Il est clair que tel n’est pas le cas. Jusque-là, en fait, il a détruit Ghaza et massacré des dizaines de milliers de civils, mais il n’a toujours pas vaincu. Or qui n’a pas encore vaincu peut avoir déjà perdu.
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