Réveillon/ Le musulman a tout à fait le droit de faire la fête Par Aziz Benyahia
Décidément, les salafistes ne désarment pas, même s’ils se prennent souvent les pieds dans leurs contradictions. Ils veulent revenir aux temps des premiers musulmans (essalaf), mais avec accès à Internet haut-débit autant que possible et porter les mêmes barbes pour faire comme on leur a dit. Les apparences, toujours les apparences. Le Coran attendra. Alors, […] L’article Réveillon/ Le musulman a tout à fait le droit de faire la fête Par Aziz Benyahia est apparu en premier sur Algérie Focus.
Décidément, les salafistes ne désarment pas, même s’ils se prennent souvent les pieds dans leurs contradictions. Ils veulent revenir aux temps des premiers musulmans (essalaf), mais avec accès à Internet haut-débit autant que possible et porter les mêmes barbes pour faire comme on leur a dit. Les apparences, toujours les apparences. Le Coran attendra. Alors, ils se contentent de ce qu’on leur dit de dire et faire ce qu’on leur dit de faire, en attendant les mascarades à venir. Après les baignades interdites aux femmes et leurs vêtements «sataniques», et la «débauche» des non-voilées, voilà qu’ils remettent le couvert à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Or cette année, Noël et El Mawlid Ennabaoui tombent le même jour. Prions Dieu que les salafistes n’intentent pas un procès au Vatican aux motifs d’«incitation à la débauche et à l’orgie collective», car ils confondent volontairement ou non, une commémoration religieuse (Noël) et une fête profane (le réveillon du nouvel an). Tout comme ils refusent de faire la différence entre préliminaires amoureux et manœuvres sataniques, entre sexualité et débauche, entre amour et fornication. Comment leur expliquer que commémorer signifie se remémorer pour ne pas oublier et pour rendre hommage à un événement ou à une personne au cours d’une cérémonie faite de recueillement, de pensée et de souvenir, alors que fêter signifie organiser des réjouissances différentes selon les cultures et les traditions, pour célébrer un événement passé ou présent.
Les catholiques commémorent la naissance du Christ à l’occasion de Noël en allant à la messe et en partageant le dîner de Noël en famille. Avec le temps, la signification religieuse a disparu petit à petit pour laisser place à un véritable événement festif donnant lieu parfois à une débauche de dépenses coûteuses et à des agapes fastueuses. La célébration de Noël est une obligation canonique pour les catholiques. Les musulmans n’ont pas le droit de la célébrer. En revanche, ils peuvent avoir une pensée pour Sidna Aïssa, le Messie, fils de Marie.
Pour ce qui concerne les fêtes n’ayant aucun caractère religieux, le réveillon du nouvel an en l’occurrence, il s’agit d’un prétexte comme un autre, choisi par les hommes pour marquer la fin d’une année entière de travail et d’épreuves heureuses ou malheureuses, et profiter d’une journée de repos universel pour se retrouver entre parents et amis, boire et manger, se faire des cadeaux et tout simplement faire la fête ensemble comme on dit. Rien donc de répréhensible ni d’antireligieux ni d’immoral ni d’amoral ni de diabolique ni d’anti-islamique.
En islam, il y a deux fêtes canoniques : Aïd al fitr et Aïd al adha, qui donnent lieu à un rituel et à des réjouissances bien connues et de haute portée symbolique. El mawlid Ennabawi n’est pas une fête, stricto sensu. Le musulman invoque le prophète (asws), et prie pour lui. Il peut réciter ou chanter des éloges rappelant les souffrances endurées et le combat qu’il a mené avec ses compagnons pour porter la parole de Dieu. Toute autre forme de célébration s’apparenterait à de l’hérésie ou à de l’idolâtrie.
En revanche, le musulman a tout à fait le droit de faire la fête lorsque l’occasion se présente, à la condition de ne pas transgresser les obligations coraniques. L’islam ne doit pas être une religion triste, où le sourire et le rire seraient considérés comme un clin d’œil au diable et la fête, un rite païen avec Satan à la manœuvre. C’est ce que veulent nous imposer les nouveaux prophètes. Ils veulent que soit fini le temps où à la fin des moissons, les familles unissaient leurs enfants promis au bonheur, où on faisait danser même les chevaux enivrés de baroud et des youyous de nos mères et de nos sœurs, où gamins, nous rêvions de faire comme les fiers cavaliers, où les fillettes comparaient entre elles leur henné et rêvaient de vite grandir et où les patriarches lissaient leurs moustaches pour dire qu’ils peuvent partir, heureux d’avoir transmis la joie, la fierté, la dignité et le meilleur de nos traditions. Nos danses avaient de l’allure, nos chants avaient du sens, nos mères portaient beau, nos pères veillaient au grain et la joie nous inondait jusqu’à plus soif.
Les nouveaux prophètes, pourtant nos frères et nos fils, revenus d’un mauvais voyage et non encore remis du cauchemar, veulent nous vendre un islam triste, où les rires seraient interdits, où les mariages seraient silencieux, où on guetterait les nuits de noces dans l’attente de la chemise ensanglantée et où l’union de l’homme et de la femme se fait ou se défait, selon l’humeur du mâle et les vœux de l’imam de circonstance.
Il faudra dire à ces messieurs que nous respectons toutes les croyances, que nous aimons la fête, que nous aimons l’humanité, que nous aimons les rires, la joie et l’allégresse, que nous sommes fiers de nos mères, de nos sœurs et de nos filles, que nous ne jugerons jamais personne et que nous essaierons, malgré nos faiblesses et nos insuffisances de prendre exemple sur le prophète (saws) ; celui qui un jour, intrigué par des chants provenant de sa mosquée à Médine, s’y précipita en compagnie de Aïcha et de Abou Bakr et y trouva un groupe d’Ethiopiens nouvellement convertis, en train de chanter et danser. Devant l’exaspération de Abou Bakr, sur le point de mettre fin brutalement à la fête puisque c’est sacrilège, le prophète lui fit cette remarque célèbre : « Qu’avez-vous tous à ne pas laisser les gens fêter leur Dieu ne serait-ce qu’une heure ? » Le Prophète (asws) portait beau, aimait les fragrances et les femmes, et rayonnait de sa joie autour de lui.
Alors, qu’ont-ils donc tous ces illuminés à habiller leurs frustrations multiples d’alibis religieux, leurs discours de menaces cinglantes et leurs manières de brutalité et de violence ? Qu’ont-ils donc à détester leurs semblables, à ne parler que de malheur et de châtiments, à ne jamais parler d’amour ni d’amitié, à voir la guerre partout et la paix nulle part ? Si seulement ils pouvaient se souvenir que Dieu est amour et que dans islam il y a paix.
Montrons que nous sommes magnanimes. Souhaitons leur, à l’occasion de la fête de la commémoration de la naissance du prophète de l’islam (asws) et de celle du messie fils de Marie, de s’armer de pensées d’amour et de fraternité, et d’espérer pour eux et pour leurs frères humains une nouvelle année pleine d’amour, de paix et de miséricorde.
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