Diplomate

Lucie Castes a jusqu’au bout voulu croire que l’Élysée finirait par céder, non seulement à sa détermination, mais aussi à la pression du Nouveau Front Populaire. Mais les efforts de la gauche n’auront pas été suffisants pour réussir à placer sa candidate à Matignon. Le premier secrétaire du PS est de son côté attaqué par de nombreux socialistes qui l’accusent d’avoir contribuer à ce que Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre socialiste de Français Hollande, ait été écarté au profit de Michel Barnier, nouveau Premier ministre français depuis jeudi. Olivier Faure, chef de file des socialistes, s’est en effet rangé du côté de l’aile Insoumise de la gauche et a rejeté l’idée d’une nomination de Bernard Cazeneuve, pourtant membre du PS. Faure ayant préféré faire montre de loyauté envers La France Insoumise plutôt que vis-à-vis de son propre mouvement et ses membres. Finalement, ce sont les Républicains, avec 47 députés à l’Assemblée Nationale seulement, qui réussissent à placer l’un de leurs représentants à Matignon. Le lobbying de Nicolas Sarkozy, qui a, ces dernières semaines, insisté pour avoir un chef de gouvernement de droite, aura ainsi porté ses fruits. Quant aux Insoumis, qui malgré une victoire aux législatives décevante du NFP, la coalition de gauche, étaient en droit d’attendre la nomination d’une personnalité issue de leurs rangs, ils devront admettre que leur incapacité à se mettre immédiatement d’accord sur une personnalité consensuelle au lendemain des élections législatives leur aura coûté Matignon. S’agissant de Michel Barnier, ancien ministre des Affaires Étrangères de Jacques Chirac et ancien négociateur en chef chargé de la préparation du Brexit auprès de l’Union européenne, sa mission sera désormais de composer un gouvernement capable de diriger le pays. Chargé par le président de la République de «constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays», ce vétéran de la politique se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure. Sans attendre, il a multiplié les appels téléphoniques avant même sa prise de fonction, selon son entourage : Édouard Philippe, François Bayrou, Laurent Wauquiez, mais aussi Nicolas Sarkozy, ainsi que la présidente récemment réélue de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, et celui du Sénat, Gérard Larcher. «Certaines personnalités de gauche» ont également été contactées et d’autres échanges devaient suivre, y compris avec La France Insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), car «il veut rassembler et respecter tout le monde». Le nouveau Premier ministre a lui-même tendu des perches dès sa première prise de parole : «Il faudra beaucoup d’écoute et du respect à l’égard de toutes les forces politiques qui sont représentées au Parlement». Car, de son point de vue, «le sectarisme est une preuve de faiblesse : quand on est sectaire, c’est qu’on n’est pas sûr de ses idées». Pourtant, il y a encore très peu de temps, lors de la campagne des élections législatives anticipées de ce début d’été, il avait mis un point d’honneur à continuer à maintenir un «cordon sanitaire» autour du RN, estimant même qu’Éric Ciotti, le président des Républicains, qui a lancé une opération de coopération entre les deux partis de droite, devait être démis de ses fonctions. Visiblement, le fait qu’aujourd’hui Marine Le Pen avec ses 126 députés, 145 si l’on y ajoute les députés issus de l’alliance RN-LR, détient les clés d’une éventuelle censure. Reste à voir quel gouvernement mettra en place Barnier, connu comme étant un fin diplomate, et s’il réussira à passer la difficile épreuve d’approbation du Parlement pour permettre au pays de sortir d’une crise politique qui dure depuis déjà près de trois mois.
F. M.