Hosni Kitouni au Jeune Indépendant : «Tant que les Palestiniens respirent, une part du ciel leur appartient»
Après une année, marquée par l’agression sioniste barbare contre Gaza, la résistance palestinienne demeure ferme face aux forces de l’oppression. L’historien Hosni Kitouni, dans cette interview au Jeune Indépendant, apporte un éclairage sur la situation à Gaza. Il souligne que cette lutte n’est pas seulement une question de survie mais aussi un symbole de résilience face […] The post Hosni Kitouni au Jeune Indépendant : «Tant que les Palestiniens respirent, une part du ciel leur appartient» appeared first on Le Jeune Indépendant.
Après une année, marquée par l’agression sioniste barbare contre Gaza, la résistance palestinienne demeure ferme face aux forces de l’oppression. L’historien Hosni Kitouni, dans cette interview au Jeune Indépendant, apporte un éclairage sur la situation à Gaza.
Il souligne que cette lutte n’est pas seulement une question de survie mais aussi un symbole de résilience face à l’injustice. Il jette une lumière crue sur les parallèles historiques et met en évidence la dimension coloniale de l’agression israélienne, qui est comparable aux luttes passées des peuples autochtones à travers le monde. Alors que les conflits s’étendent au-delà des frontières de Gaza et que de nouvelles alliances stratégiques se dessinent à l’échelle mondiale, l’historien interroge le soutien inconditionnel des puissances occidentales envers Israël et déplore l’incapacité de l’ONU à instaurer un cessez-le-feu malgré la dégradation humanitaire.
Le Jeune Indépendant : Après une année d’agression sioniste barbare, la résistance palestinienne n’a pas fléchi et poursuit sa lutte contre les forces sionistes. Cela ne représente-t-il pas un échec pour Israël et ses alliés ? Comment interprétez-vous la persistance de cette résistance malgré les conditions extrêmement difficiles ?
Hosni Kitouni : L’agression israélienne, bien que plus intense, n’a pas changé de nature depuis 1948. Elle demeure une guerre de colonisation visant à éliminer les Palestiniens pour assurer l’hégémonie d’Israël sur un territoire délimité par des mythes. La situation à Gaza est un reflet des souffrances vécues par d’autres peuples colonisés à travers l’histoire, tels que les Indiens d’Amérique et les Algériens.
Malgré l’évolution technologique des méthodes de guerre, la motivation de ceux qui perpètrent ces massacres reste inchangée, répondant à une pulsion de mort. Le terme « Palestinocide » illustre le massacre systématique des Palestiniens, qui s’inscrit dans l’histoire de l’humanité comme un acte de barbarie impériale si rien n’est fait pour y mettre fin.
La résistance palestinienne est exemplaire, car elle fait face à une « guerre scientifique » conçue pour anéantir leur survie à Gaza. Israël détruit méthodiquement les infrastructures, les habitations et cible même les travailleurs humanitaires, démontrant une rationalisation du massacre. Cette situation est si vaste et si cruelle qu’elle défie la compréhension commune. Le danger réside dans la banalisation de ces actes, qui ne sont pas le fait d’« ignorants » mais d’une puissance occidentale qui soutient Israël. Ce conflit révèle à quel point les notions de civilisation et d’universalisme sont des leurres pour dissimuler la véritable nature de l’Occident.
Résister dans ces conditions, c’est chercher à survivre, à protéger ses proches et à maintenir l’espoir. Tant que les Palestiniens continuent de vivre, cela signifie qu’Israël n’a pas atteint son objectif de détruire l’idée même d’être Palestinien.
L’agression sioniste barbare contre la bande de Gaza s’est étendue au Liban. Elle a visé les plus grandes personnalités de la résistance, à leur tête Haniyeh et Nasrallah. La fin de cette crise dépend-elle de la liquidation de tous les « obstacles » qui freinent les conspirations expansionnistes israélo-américaines au Proche-Orient ?
L’extension de la guerre, par les assassinats, les agressions directes et les opérations militaires au Liban sont tout à la fois l’aveu de l’échec des objectifs militaires que s’est donnés Israël à Gaza (anéantir le Hamas, libérer les otages, chasser la population de sa terre) et également une tentative d’endiguement dans un Moyen-Orient de plus en plus instable et imprévisible. L’ampleur prise par l’agression israélienne doit être mise en perspective avec les doutes et les crises internes qui se sont emparés de l’Occident à la suite de la guerre d’Ukraine.
En plus des conséquences économiques néfastes qu’elle a provoquées en Europe, la guerre en Ukraine a précipité des reclassements stratégiques dans l’ordre mondial. Les tentatives de dédollarisation qui agitent les marchés financiers, la montée en puissance des BRICS comme sphère d’intégration économique, la reconfiguration des alliances externes en Afrique, où la France et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis perdent la main, ces changements signent le déclin de l’Occident comme pôle unique de domination du monde.
Symboliquement, militairement le sort d’Israël engage le sort de l’Occident, dans la région et au-delà. Les Etats-Unis veulent impérativement préserver leur puissance impériale dans la région en neutralisant l’axe de la résistance constitué par le Hezbollah, la résistance palestinienne, l’Iran, les Houthis au Yémen et, en même temps, maintenir le statu quo mortifère en Syrie et en Irak. Les arguments sécuritaires et les ambitions territoriales d’Israël correspondent parfaitement aux intérêts des Américains. Ils permettent l’extension et l’élargissement de la guerre à toute la région sans que cela prenne l’ampleur d’une conflagration générale.
Le « grand Israël », ce mythe-moteur qui mobilise les forces et la stratégie d’Israël, est donc parfaitement en accord avec les intérêts des Occidentaux, car il alimente une instabilité permanente dans la région, qui pousse à la militarisation intensive des belligérants et justifie les interventions militaires localisées et ponctuelles, et ce chaque fois que le besoin s’en fait sentir.
Sur le plan symbolique, la guerre d’Israël fournit à l’Occident l’alibi parfait pour ressouder sa cohésion idéologique autour des valeurs judéo-chrétiennes communes et nourrit une islamophobie exacerbée qui autorise la brutalisation à l’égard des populations musulmanes et de l’immigration en général.
Vous aurez observé comment, en France notamment, on criminalise toute action ou prise de position de soutien à l’égard du peuple palestinien en la réduisant à de l’antisémitisme. Cela participe de la fabrication de l’ennemi interne, qui justifie la censure, le renfermement sur des valeurs communes et le rejet de l’Autre. La montée en puissance de l’autoritarisme d’Etat, encouragé par les succès des droites fascisantes en Europe, est une aubaine pour les classes dominantes et le capitalisme dans une situation de déclin économique menaçant.
On voit ainsi comment, dans cette guerre, l’entité sioniste joue son sort et celui de l’Occident, d’où l’imprévisibilité totale de son issue. L’Iran se laissera-t-il faire ? Le Hezbollah a-t-il encore des réserves de force pour contrer l’agression du Liban ? Où s’arrêtera Israël dans sa folie ? Qui est capable de l’arrêter et qui en a intérêt ? Nous sommes entrés dans une phase de la guerre dont aucun des belligérants ne possède, à lui seul, la solution ? Une chose est sûre, les Etats-Unis et l’Europe sont totalement soudés derrière le monstre libéré de sa cage.
Lorsqu’il s’agit d’Israël, les pays occidentaux semblent oublier toutes les lois et toutes les conventions internationales ainsi que leurs propres valeurs et principes, et ce au nom du droit d’Israël à se défendre. Jusqu’où peuvent aller les Etats-Unis et les pays occidentaux dans leur soutien aveugle à Israël ? Quelles sont les motivations qui poussent ces pays à suivre et à soutenir les politiques sionistes ?
Cette guerre-là a permis d’ouvrir les yeux des peuples du monde sur la nature collective de l’Occident. Elle a montré combien il est uni par les mêmes intérêts stratégiques, soudé par la même appartenance culturelle et civilisationnelle. Au Moyen-Orient, il combat des « Arabo-musulmans », ses ennemis depuis les Croisades ! Car le monde occidental, ce n’est pas seulement des marchandises, une monnaie, une puissance économique, c’est aussi une culture et des valeurs fondant un « occidentalocentrisme » dominateur.
Dans les circonstances actuelles, les Occidentaux accepteraient volontiers de perdre leur guerre contre la Russie, mais pas celle au Moyen-Orient. Pourtant, la guerre en Ukraine, en l’état, est plus coûteuse économiquement, financièrement et militairement en comparaison à celle du Moyen-Orient, mais il s’agit là d’enjeux mettant en cause des symboles différents.
En outre, la guerre menée par Israël interposé, c’est tout à la fois une guerre contre le monde arabo-musulman, une guerre contre les peuples et une guerre coloniale. La perdre c’est montrer sa faiblesse face à un Sud global de plus en plus gagné par l’envie d’en découdre définitivement avec l’hégémon occidental. Face à ces menaces, les Etats-Unis et l’Europe réaffirment leur communauté de destin, leur unité et leur engagement collectif à défendre leurs valeurs et leur hégémonie. Et ils le font en la circonstance de manière ouverte et déclarée.
La montée en puissance des droites fascisantes en Europe donne la mesure de l’orientation globale que prend l’Occident dans la défense politique, économique mais également symbolique de ses intérêts. Il le fait dorénavant en assumant pleinement son caractère impérialiste, eurocentrique et judéo-chrétien. Foin donc de « l’universalisme verbeux » dont il s’est jusque-là gargarisé !
Que révèle l’échec de l’ONU, notamment à travers le Conseil de sécurité, à instaurer le moindre projet de cessez-le-feu, malgré une situation humanitaire désastreuse que l’organisation dénonce pourtant chaque jour ?
L’échec de l’ONU à faire appliquer les résolutions de son Assemblée générale et de son propre organe exécutif, c’est l’échec d’un organisme qui ne répond plus aux réalités géopolitiques d’aujourd’hui. Fondée après la Seconde Guerre mondiale et dominée par les puissances victorieuses sur le nazisme, l’ONU a bien fonctionné aussi longtemps que le monde était partagé en deux grandes zones d’influence. Dès lors que l’Union soviétique a disparu, l’ONU est devenue l’instrument exclusif de l’hégémon américain, qui s’en est servi quand cela arrangeait ses intérêts, et qui a piétiné ses résolutions quand cela le dérangeait.
Les exemples sont nombreux depuis 1990 : les deux guerres contre l’Irak (celle de 1991 et celle de 2003), celle contre la Serbie (1999) et celle contre l’Etat taliban (2001-2002), la Syrie et la Libye. Soit comme godillot ou comme faire-valoir, l’ONU n’a pas pu jouer effectivement le rôle que lui assigne sa charte.
Les 193 Etats membres ont compté pour rien devant les Etats-Unis. Depuis sa création en 1948, Israël a refusé d’appliquer ou a ignoré 229 résolutions de l’ONU. Cela donne la mesure de l’impunité dont il jouit et du niveau de protection dont il dispose.
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