La crise de la gouvernance ou la politique bourgeoise à l’ère de la récession économique (VIII)

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Oct 18, 2024 - 11:30
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La crise de la gouvernance ou la politique bourgeoise à l’ère de la récession économique (VIII)

Dossier réalisé par Khider Mesloub – Comme on l’a analysé plus haut, globalement, la politique peut être définie, également, comme l’intégration des citoyens dans des structures induisant des relations d’autorité et d’obéissance en vue d’une «finalité commune» de vie sociale afin d’éviter la désagrégation de la communauté «nationale» déchirée par des contradictions sociales.

Autrement dit, dans une société de classe, l’existence de ces structures politiques dévoile que la «société civile» doit recourir à une instance «supra-institutionnelle», appelée Etat, pour réguler ses conflits (de classe, d’intérêt). Faute de quoi, la société serait inévitablement vouée à une désagrégation certaine. En d’autres termes, l’Etat peut être confronté au dépérissement si la société venait à s’enfoncer dans la désintégration.

Telle est la situation de notre époque, gangrénée par l’individualisme exacerbé et la mondialisation du capital, responsable des dérégulations économiques et des démantèlements des services sociaux, marquée de surcroît par une défiance populaire croissante envers toutes les institutions, notamment les organisations politiques aujourd’hui totalement discréditées et disqualifiées, en pleine déliquescence.

Indéniablement, tout porte à croire que le «bien commun» de la société d’en bas, autrement dit du prolétariat, ne correspond plus à l’intérêt de la société d’en haut, des classes dirigeantes. De là s’explique la désagrégation de la fiction de l’Etat égal nation et, par extension, égal peuple. Force est de constater que toutes les instances structurantes, chargées traditionnellement de la production et de la diffusion du sens, de l’intégration sociale (famille, école, l’institution politique) sont également en crise.

Ainsi, par suite du récent «défaussement» de l’Etat, cet Etat un temps impatronisé providentiel, normatif et centralisé, à la faveur d’un rapport de forces historiquement favorable à la classe ouvrière en raison de sa puissance économique et organisationnelle politique lui ayant permis d’améliorer temporairement ses conditions sociales, mais également du fait de l’augmentation de la productivité obtenue par la robotisation (devenue elle-même responsable de la décroissance des ouvriers, transformés en surnuméraires – actuellement, à la faveur de la crise économique systémique, c’est la petite bourgeoisie commerçante et artisanale ainsi qu’une frange de la classe moyenne qui sont éliminées du procès de valorisation du capital), la politique n’est plus aujourd’hui en mesure de répondre aux attentes des «citoyens», livrés désormais aux violentes lois impitoyables de la jungle capitaliste, régenté ontologiquement par l’anarchie économique, l’anomie morale, le nihilisme intellectuel, le libertinage sociétal.

Aussi, crise économique et institutionnelle aidant, les politiciens sont-ils désormais réduits à gérer la pénurie économique et la misère sociale, sans oublier les révoltes populaires induites par la crise, au sein de pays par ailleurs soumis à des tensions internationales, aux flux migratoires, à l’accroissement exponentielle de l’insécurité, de la délinquance et de la criminalité protéiforme. Sans conteste, la «politique» a toujours été ouvertement une politique économique, autrement dit la politique était un investissement idéologique indispensable au développement de l’économie capitaliste pour tempérer ses contradictions internes, assurer son emprise totalitaire.

Aujourd’hui, la domination réelle du capital acquise, la domination despotique sur l’ensemble de la société assurée, le capitalisme n’a plus besoin de la politique, de combats idéologiques pour imposer ses valeurs, ses catégories marchandes, devenues dominantes à l’échelle mondiale.

De même que dans les sociétés prémodernes, tout devait avoir un fondement religieux, tout maintenant a un fondement économique, celui du marché, exprimé dans une liturgique rhétorique dispensée par les théologiens du capital dans toutes les institutions, depuis la famille en passant par l’école et les médias, jusqu’au monde de l’entreprise où elle trouve sa pleine consécration et sacralisation.

Parce qu’elle a toujours été une forme de médiation de l’économie capitaliste en construction et consolidation, la politique, avec la domination totalitaire du capital, n’a plus d’utilité ni, à plus forte raison, aucune influence ni aucun pouvoir sur les orientations de l’économie, désormais financiarisée, mondialisée, dénationalisée, dématérialisée, numérisée.

Dans la mesure où le système capitaliste a achevé son processus de consolidation économique totalitaire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les béquilles politiques sur lesquelles il s’était appuyé pour affermir sa domination mondiale ne lui sont plus d’aucune utilité gouvernementale. En effet, dès lors que les populations sont totalement asservies au travail salarié, les anciennes formations sociales éliminées, plus aucun conditionnement idéologique ni aucune institution politique médiatrice ne lui sont indispensables pour les astreindre à s’intégrer dans le système de production capitaliste, la société de consommation.

Avec l’effondrement de l’union soviétique, nous avons assisté au parachèvement de la mutation anthropologique capitalistique visiblement avancée au XXe siècle. D’aucuns avaient parlé de la mort des idéologies, d’autres de la fin de l’Histoire. Ainsi, avec l’achèvement historique du processus de développement du système capitaliste, désormais mondialisé, financiarisé et numérisé, l’ère de la production des idéologies politiques est révolue. Bien qu’une nouvelle utopie idéologique verdoyante, la fameuse entité écologique, a poussé sur le terreau du capitalisme stérile et sénile pour tenter d’assainir sa propension instinctive polluante et destructrice, dans l’illusoire dessein de lui redonner une nouvelle jeunesse. Sans oublier les idéologies populistes de gauche comme de droite, nostalgiques des temps bénis de l’Etat providence, où la politique formait «l’esprit civique» utile pour enchaîner la population laborieuse au monde carcérale de l’entreprise, et l’envoyer, si besoin était, sur le front des guerres des masses la fleur au fusil et drapeaux claquant au vent.

Aujourd’hui, indéniablement, avec la disparition des modes de production précapitalistes, les hommes politiques sont totalement intégrés au capital. Avec l’effacement de la scène historique de toutes les classes issues des anciens modes de production, la vie politique s’est vidée de sa substance. Ne demeurent en présence, en mouvement, que le capital et le prolétariat. Et entre ces deux parties en lice pour la victoire finale et le triomphe de l’Histoire, pas de négociations possibles ni de compétition politique électoraliste envisageable. Il s’agit d’une lutte à mort entre les deux classes antagoniques. Cette guerre de classe vient de s’accélérer à la faveur, successivement, de la crise sanitaire du Covid-19 politiquement instrumentalisée, de la crise économique et énergétique, de la résurgence des guerres généralisées et génocidaires. De cette confrontation frontale (sans médiation), on peut dire que soit le prolétariat est ravalé au niveau de simple classe salariée subsumée et paupérisée, et ses intérêts se confondent alors avec ceux du capital total (telle est la situation actuelle), soit ce statut salarié entre en crise et menace le capital dans son existence même.

Aussi serait-il alors contraint de procéder, par la révolution, à la destruction des rapports de production capitalistes, car ceux-ci ne permettent plus sa survie matérielle, comme la situation actuelle de crise économique systémique l’illustre par la dégradation des conditions de vie de centaines de millions de personnes de par le monde, menacées de famine du fait de la baisse drastique de leur pouvoir d’achat et du renchérissement des prix des énergies comme des produits de première nécessité.

La sphère «parlementaire» de confrontation politique est morte. Demeure vivant, au sein de l’ensemble de la société, l’affrontement direct entre le capital et le prolétariat. De là s’explique, ces dernières années, la militarisation de la société, d’abord sous couvert de lutte contre le terrorisme, ensuite sous prétexte de lutte contre la pandémie de Covid, pour neutraliser cet ennemi de classe létal pour le système, le prolétariat.

K. M.

 

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