Portrait/Batna Naima Maâllem, un exemple vivant de la ténacité de la femme algérienne dans son combat contre la colonisation
Naima Maâllem, qui prit très jeune les armes pour rejoindre les rangs des moudjahidine dans les montagnes entourant la ville de Batna, jusqu’à son arrestation à Djebel Boutaleb, suivie d’atroces tortures, est un exemple vivant du courage et de la ténacité des femmes dans leur lutte contre la colonisation. Née en 1939 à Batna, Naïma […]

Naima Maâllem, qui prit très jeune les armes pour rejoindre les rangs des moudjahidine dans les montagnes entourant la ville de Batna, jusqu’à son arrestation à Djebel Boutaleb, suivie d’atroces tortures, est un exemple vivant du courage et de la ténacité des femmes dans leur lutte contre la colonisation.
Née en 1939 à Batna, Naïma Maâllem a toujours été attirée par le travail militant et était convaincue de pouvoir aider son frère Ahmed et ses amis djounoud, qui se réunissaient secrètement dans la maison familiale dans le quartier du Stand (actuellement Emir-Abdelkader).
Elle finit par activer de manière effective au sein du groupe auquel appartenait son frère Ahmed, en débutant par des tâches d’approvisionnement en vivres, puis de collecte de médicaments en compagnie de sa camarade Bariza Djouad.
A Batna-ville, Naïma avait travaillé dès 1956, soit à l’âge de 17 ans – comme elle l’a affirmé lors d’une rencontre avec l’APS à l’annexe de Batna du Musée du moudjahid – avec de nombreux moudjahidine, dont Mohamed Labiod, dit El-Fidaï, Si Abdallah Redouane (Chahid), Mostefa Bakhouche (Chahid) et Mohamed «Ittissal» (surnommé ainsi du fait de sa tâche d’agent de liaison entre les maquisards). Cependant, une dénonciation contraignit Naima Maâllem à quitter Batna et à rejoindre le maquis à partir de la mechta El Biar.
Elle avait indiqué, au cours de son entretien avec l’APS, avoir pris en charge les soins infirmiers dans les maquis de la Révolution, plus précisément dans le 4e secteur de la 1re région de la Wilaya I historique. Elle servit peu de temps après, en raison de sa bonne connaissance de la dactylographie, en tant que secrétaire particulière du commandant de la région, Amar Aâchi, tout en gardant son arme et en participant à de nombreuses batailles et embuscades menées par les moudjahidine. Naima Maâllem se rappelle avec exactitude les circonstances de son arrestation à l’âge de 20 ans lors de la rude bataille de Boutaleb, livrée par l’Armée de libération nationale sous le commandement de Amar Aâchi, en juillet 1959, entre les régions du Hodna et de Barika, contre les forces d’occupation qui s’appliquaient, à cette époque, à mettre en œuvre la fameuse opération «Etincelle» par laquelle la France tenta, en mobilisant une lourde logistique et des milliers d’hommes, d’asphyxier la Révolution dans le Hodna et les Aurès.
La moudjahida raconte que l’armée coloniale française, appuyée par les forces de l’OTAN et soutenue par l’aviation et l’artillerie durant cette bataille de cinq jours, harcelait constamment les combattants de l’ALN, ce qui conduisit les moudjahidine à se réfugier dans une casemate. Certains d’entre eux, dont Amar Aâchi, Manad Hamdaoui, Mahmoud Athamna et Abdeslam Ben Badis, ont pu se faufiler hors de la zone dangereuse, tandis que Naima a été blessée et arrêtée avec les deux filles de Mennad Hamdaoui, ainsi que Larbi Ghennaï et Amar «L’Indochine» qui fut abattu par balle. Selon Naima Maâllem, les moments qui ont suivi leur arrestation ont été très difficiles, car les soldats français ont lâché des chiens sur eux, les ont battus et poussés avec les crosses de leurs armes, avant de les transporter en hélicoptère du Djebel Boutaleb, entre le Hodna et Barika, jusqu’à Ain Arnat, à Sétif, sans cesser de les interroger sous la torture psychologique et physique.
Naïma s’est remémorée avec beaucoup d’émotion son transfert, plus tard, de la caserne de Telaghma (Mila) à Constantine où elle a été interrogée par le Deuxième Bureau (service de renseignement) au lieu-dit «La Cité», puis son séjour à la prison de Birtraria, à Alger, où elle a vécu l’enfer, enfermée dans une cellule souterraine pendant près d’un mois, ne différenciant plus le jour de la nuit, jusqu’à son transfert à la prison de Beni Messous qui fut, selon ses propos, «un peu plus douce». Elle y demeura jusqu’à une libération accordée sous la condition d’émarger, matin et soir, dans les bureaux de l’administration coloniale. Ce n’est qu’en 1961 qu’elle put enfin revoir sa famille qui ne savait pas, durant tout ce temps, où elle se trouvait.
Naima Maâllem avait relaté, lors de sa présence à l’annexe du Musée du moudjahid, la reprise de ses activités aux côtés des moudjahidine jusqu’à l’indépendance. Elle devait poursuivre la lutte malgré les profondes cicatrices zébrant plusieurs parties de son corps du fait de la torture.
Aujourd’hui âgée et handicapée (elle a besoin en permanence d’une accompagnatrice), Naima est le symbole de la lutte menée par la femme algérienne durant la glorieuse Révolution.
Sa seule présence rappelle aux générations le lourd tribut payé par le peuple algérien, hommes et femmes, pour l’indépendance de l’Algérie.
Aymen Zakari