Souvenons-nous de la prédiction de Heykal
Entre ceux qui en Israël sont d’avis que la priorité des priorités, depuis la débâche du 7 octobre 2023, est non seulement de vaincre le Hamas, ainsi que les autres groupes armés présents dans Ghaza, mais de faire en sorte que pareil désastre ne puisse jamais se reproduire, et ceux pour qui en revanche, cet […]

Entre ceux qui en Israël sont d’avis que la priorité des priorités, depuis la débâche du
7 octobre 2023, est non seulement de vaincre le Hamas, ainsi que les autres groupes armés présents dans Ghaza, mais de faire en sorte que pareil désastre ne puisse jamais se reproduire, et ceux pour qui en revanche, cet impératif lui-même doit être subordonné à la libération de ce qu’il reste de captifs à Ghaza, il existe un gouffre que rien pour le moment ne semble pouvoir combler. En l’espèce le différend ne porte pas sur la guerre elle-même, mais sur ce qu’il convient d’obtenir en premier : la victoire sur l’ennemi, le même pour les deux camps, ou la libération des prisonniers, ou des otages si l’on préfère. Un tel clivage ne peut exister qu’en Israël. Dans tout autre pays en guerre, à plus forte raison si l’issue de celle-ci conditionne l’avenir, un prisonnier, ou des prisonniers constituent des pertes, comme le serait pour une armée la mort de soldats, ou des blessures les mettant dans l’incapacité de retourner au combat. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire de leur libération la priorité du moment.
Ainsi ailleurs dle conçoivent les Israéliens qui sont d’accord avec leur gouvernement, dont on peut penser qu’ils sont au moins aussi nombreux que ceux qui pensent tout autrement, pour qui il faut au contraire tout subordonner à la libération des otages, serait-ce au prix de l’arrêt de la guerre. On notera que pour ces derniers aussi, la fin de la guerre est un mal, un prix trop élevé qu’il faut néanmoins payer, parce qu’il y va de la vie des otages, qui elle serait sans prix. Ce clivage ne s’est pas atténué avec le temps ; au contraire il s’est accentué au fur et à mesure de son passage. Il n’a pas dépendu du nombre des otages qui avec le temps a beaucoup baissé, du fait à la fois des échanges de prisonniers et des bombardements. Il est aujourd’hui d’une acuité propre à une guerre civile à laquelle il ne manque que d’éclater. Aujourd’hui pourtant, il ne reste plus qu’une soixantaine d’otages, dont une vingtaine seulement de vivants. Eh bien, il en resterait moitié moins qu’Israël serait aujourd’hui plus près du point de rupture que ce n’est le cas aujourd’hui. On peut même aller plus loin et dire que même s’il n’en restait aucun quoi soit en vie, si tous étaient morts, Israël s’en trouverait plus que jamais divisé. Dernièrement, du fait des raids aériens et des tirs d’artillerie, un otage israélo-américain a été porté disparu. On ne sait toujours pas ce qui a pu advenir de lui. Quoi qu’il en soit, il peut très bien arriver dans la suite des événements que tous les captifs trouvent la mort. Le plus probable alors, ce n’est pas qu’Israël recouvre son unité, mais qu’il la perde pour toujours. Depuis le début de cette guerre, nous n’avons cessé de dire ici que la véritable question qu’elle pose est celle de savoir si Israël était une nation comme une autre, ou s’il était une création artificielle que seule la victoire perpétuelle a tenu ensemble jusqu’ici. On connait la prédiction de Heykal : Israël ne survivra pas à sa première défaite. Ce qui se passe sous nos yeux aujourd’hui en Israël ne la contredit pas. Il ne la confirme pas non plus, il est vrai, encore qu’Israël ne présente as pour l’heure une surface unie, mais une façade parcourue de bout en bout par une lézarde visible, qui peut-être finira par le couper en deux.