Le dernier délire d’un nostalgique ou comment maintenir l’illusion coloniale en 2025
Par Khaled Boulaziz – Ah, Xavier Driencourt, l’ex-ambassadeur de France en Algérie, qui se réveille enfin avec son «chef-d’œuvre» France-Algérie,... L’article Le dernier délire d’un nostalgique ou comment maintenir l’illusion coloniale en 2025 est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par Khaled Boulaziz – Ah, Xavier Driencourt, l’ex-ambassadeur de France en Algérie, qui se réveille enfin avec son «chef-d’œuvre» France-Algérie, le double aveuglement. Vous pensiez que la France avait déjà fait son lot d’œuvres postcoloniales absurdes ? Eh bien non, Xavier vient raviver la flamme du déni historique avec un livre aussi subtil qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ce n’est pas juste un essai diplomatique. C’est un véritable délire d’un diplomate en mal de révision historique, et surtout, un chef-d’œuvre d’hypocrisie dans la pure tradition des discours postcoloniaux de la France.
Le livre commence sur les chapeaux de roue avec une accusation aussi risible qu’absurde : l’Algérie aurait une «rente mémorielle», nous serions tous victimes de l’obsession algérienne à ressasser le passé colonial. Ah, bien sûr, Driencourt ! C’est exactement ça, l’Algérie se nourrit de cette mémoire avec délectation, ne voulant jamais sortir de cette boucle infernale. Mais attendez ! Ne serait-ce pas là un tout petit peu de projection ? C’est la France, depuis des décennies, qui fait de la mémoire coloniale un outil politique privilégié. Vous avez bien dit «rente mémorielle», sieur Driencourt ? Alors, vous ne devez pas ignorer que la France, depuis l’après-guerre, entre dans une danse macabre autour de la mémoire de la Shoah, la ressassant inlassablement dans tous les recoins de son discours public, dans chaque débat, chaque article, chaque commémoration. Mais, ah non, ce n’est jamais la même chose quand il s’agit de l’Algérie, n’est-ce pas ? Les juifs de France, dont l’histoire est discutable, reçoivent une ovation permanente dans les médias et les institutions, alors qu’aucune voix ne s’élève pour dénoncer leur «rente mémorielle», pourtant infiniment moins justifiée que celle des Algériens.
La France, pays des droits de l’Homme, se permet donc de parler de «rente mémorielle», tout en nourrissant cette même rente depuis des siècles, mais sous forme de falsifications et de préjugés. Cette indignation sélective, sieur Driencourt, vous l’aviez-elle aussi quand la France a balayé les accords d’Evian sous le tapis, n’ayant jamais voulu les respecter dans la réalité ? Oh non, tout est une question de «mémoire» pour la France, mais attention, une mémoire qu’elle garde sous contrôle, qu’elle manipule et qu’elle régente à sa convenance. Que ce soit les juifs, les harkis, ou les pieds-noirs, la France garde jalousement la direction de son propre récit, tout en accablant l’Algérie de la «rente» qu’elle-même refuse de regarder en face.
Driencourt continue en nous dévoilant un autre «aveuglement» qui mérite une mention spéciale : la France serait si naïve, si altruiste, qu’elle n’aurait jamais vu la nature du pouvoir algérien. Mais voyons ! Vous, un ambassadeur, sieur Driencourt, et vous nous parlez de la France comme si elle était aveugle au contexte politique de l’Algérie ? Que vous le vouliez ou non, la France a vu la vérité, elle l’a même bien vue. Mais elle a choisi de fermer les yeux, tout comme elle le fait depuis des décennies face aux régimes autoritaires en Afrique, au Moyen-Orient ou même en Asie. La France n’a jamais «fermé les yeux» de manière innocente. Elle a fait de l’aveuglement une stratégie calculée pour préserver ses intérêts, tout en flattant les tyrans et en tolérant les atrocités là où cela servait ses desseins géopolitiques. Vous semblez oublier que ce n’est pas l’Algérie qui a toujours été aveugle, mais la France qui a volontairement choisi de ne pas voir.
Ah, et que dire de ce passage où il parle du Maroc, cette terre promise de la «raison», où Driencourt se fait le propagandiste d’un royaume dont l’hypocrisie dépasse de loin celle de son prédécesseur. Le Maroc, selon lui, serait l’interlocuteur idéal, «pragmatique» et «mature». La réalité ? Le Maroc est un joueur de l’ombre, manipulant la France pour ses propres intérêts, tout en jouant la carte du pragmatisme quand cela l’arrange. Driencourt, qui semble avoir une vision romantique du royaume chérifien, semble ignorer que la diplomatie marocaine est l’une des plus sournoises et opportunistes de la région. En dépeignant ce royaume comme le modèle de la stabilité régionale, il oublie un peu vite qu’il fait aussi partie du grand jeu de manipulation, aux côtés de Paris et des autres puissances occidentales.
Mais ce qui frappe le plus dans ce livre, c’est ce glissement glacial vers la réconciliation, cette insistance sur la «normalisation» de la relation avec l’Algérie. Normaliser, bien sûr, pour effacer les torts, minimiser les injustices et, surtout, faire en sorte que l’Algérie se soumette à la «vision» française du passé. Parce que, voyez-vous, selon Driencourt, il ne s’agit pas de faire face à l’histoire. Non. Il s’agit de tourner la page, de passer à autre chose, d’étouffer la vérité sous une couverture diplomatique bien épaisse. Vous voulez la «réconciliation», sieur Driencourt ? Mais cette réconciliation ne sera jamais possible tant que la France refusera de regarder la vérité en face et de cesser de jouer les grands sages alors qu’elle continue de cacher sa main derrière son dos.
En fin de compte, France-Algérie, le double aveuglement est un ouvrage qui se veut de la diplomatie éclairée, mais qui n’est en réalité qu’un produit bien poli du cynisme diplomatique français. L’Algérie, à travers ce livre, n’est pas condamnée pour ses erreurs passées, mais pour son refus obstiné d’accepter l’ordre établi par une ancienne puissance coloniale. Et, tandis que Xavier Driencourt nous explique que l’Algérie fait une mauvaise utilisation de la mémoire, il oublie de regarder la France dans le miroir, cette France qui a toujours voulu «normaliser» la relation avec ses anciennes colonies, mais uniquement à ses propres conditions, dans une réécriture du passé qui la protège des reproches bien mérités.
Voilà l’aveuglement que vous imposez, sieur Driencourt : celui d’un regard qui refuse de voir ; de voir ce qui est évident. Et pourtant, nous, Algériens, nous ne demandons pas la réconciliation dans vos termes. Nous demandons la reconnaissance de la vérité et de l’histoire
K. B.
France-Algérie, le double aveuglement, Xavier Driencourt, 192 pages. Editions de l’Observatoire, 2025.
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