Dignité historique

Par A. Boumezrag – Pour l'instant, Abdelmadjid Tebboune reste ferme. Le sable continue de brûler à Paris, alors que le président de la République, inflexible, reste bien loin de la neige de Canossa. L’article Dignité historique est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Oct 15, 2024 - 03:20
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Dignité historique

Par A. Boumezrag – Dans un contexte de tensions renouvelées entre Alger et Paris, le président Abdelmadjid Tebboune a frappé fort en déclarant qu’il «n’ira pas à Canossa». Cette référence à l’humiliation historique de l’empereur Henri IV face au pape Grégoire VII, qui symbolise la soumission, porte un message lourd de sens : l’Algérie refuse de pince devant les décisions françaises, notamment sur la question épineuse du Sahara Occidental.

La reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental a provoqué une onde de choc à Alger. La France, autrefois plus neutre dans ce dossier, s’aligne désormais sur les ambitions marocaines, provoquant une rupture avec la position algérienne, qui défend le droit à l’autodétermination des Sahraouis. Pour Tebboune, cette reconnaissance n’est rien de moins qu’une trahison des principes fondamentaux d’indépendance et de justice.

En refusant symboliquement de se «rendre à Canossa», Tebboune affiche sa fermeté face à cette évolution diplomatique jugée inacceptable. La question sahraouie est pour l’Algérie une ligne rouge que personne, pas même une ancienne puissance coloniale comme la France, ne peut franchiser sans conséquences.

La métaphore de Canossa renvoie directement à une posture de défiance et de dignité nationale, profondément ancrée dans la mémoire historique algérienne. L’Algérie, qui a lutté férocement pour son indépendance, ne tolère aucune tentative de soumission, surtout sur des questions cruciales pour son avenir géopolitique. En brandissant cette image, Tebboune renoue avec une rhétorique de résistance, mettant en avant une Algérie souveraine qui n’a pas à se plier aux diktats extérieurs.

Cette déclaration touche également aux relations postcoloniales complexes entre Alger et Paris, toujours marquées par des blessures mémorielles et des tensions latentes autour des droits des Algériens en France. A travers cette position, Tebboune adresse un message aussi bien à la France qu’à l’opinion publique algérienne : l’Algérie ne sera jamais traitée comme une nation vassale.

Outre le Sahara Occidental, Tebboune dénonce également un climat politique français marqué par une montée en puissance de la droite et de l’extrême-droite. La question migratoire est au cœur de ces préoccupations, avec une remise en cause possible des accords d’Evian, qui assurent la libre circulation des personnes entre les deux pays.

Pour Alger, le durcissement des politiques migratoires françaises et l’hostilité croissante envers la diaspora algérienne sont perçues comme un affront aux liens historiques entre les deux rives de la Méditerranée. En refusant «Canossa», Tebboune montre qu’il ne cédera pas face à ces nouvelles tendances politiques qui menacent de fracturer encore davantage les relations franco-algériennes.

Au-delà des tensions bilatérales, la déclaration de Tebboune s’inscrit dans une rivalité régionale de longue date avec le Maroc. La reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara Occidental renforce la position marocaine, mais enflamme les relations avec l’Algérie. Pour Tebboune, il s’agit de protéger l’influence algérienne en Afrique du Nord, tout en affirmant un leadership régional face à un Maroc soutenu par des puissances comme les Etats-Unis et Israël.

L’Algérie reste le bastion de résistance à cette expansion diplomatique, se présentant comme le défenseur des droits des peuples à l’autodétermination, un principe fondateur de sa politique étrangère.

La déclaration de Tebboune sonne comme un coup de semonce à Paris. Pour la France, la situation est complexe : en s’alignant sur le Maroc, elle met en péril ses relations avec l’Algérie, acteur incontournable de la région. Cette fracture menace de s’approfondir, avec des risques de répercussions qui toucheront aussi bien aux dossiers économiques qu’à la coopération sécuritaire en Afrique du Nord et au Sahel.

Pour l’instant, Tebboune reste ferme, et la France devra naviguer avec prudence dans ces eaux troubles pour éviter un isolement diplomatique dans une région stratégique. Le sable continue de brûler à Paris, alors que Tebboune, inflexible, reste bien loin de la neige de Canossa.

A. B.

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