En live : Le «printemps» du régime algérien

Janvier 2013. Le « printemps » algérien semble avoir eu lieu, mais à l’inverse : c’est le régime qui a renversé le peuple et qui le laisse assis, la bouche ouverte, la main tendu, allongé sur la civière. Comment ? On reconnait un printemps, à deux ou trois choses : le dictateur est chassé ou tué, l’OTAN peut aider en cas de […] L’article En live : Le «printemps» du régime algérien est apparu en premier sur Algérie Focus.

Jun 1, 2024 - 02:00
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En live : Le «printemps» du régime algérien
régime algérien

Janvier 2013.

Le « printemps » algérien semble avoir eu lieu, mais à l’inverse : c’est le régime qui a renversé le peuple et qui le laisse assis, la bouche ouverte, la main tendu, allongé sur la civière. Comment ? On reconnait un printemps, à deux ou trois choses : le dictateur est chassé ou tué, l’OTAN peut aider en cas de guerre déséquilibrée, les islamistes gagnent les premières élections libres du pays concerné, on a une nouvelle constitution, le peuple s’appauvrit à cause de la crise économique.

On peut ajouter au tableau le cas d’une armée prise au piège entre la légitimité des urnes et le statut d’arbitre ou de gardien du pays comme en Egypte ou au Yémen.

En Algérie, cela s’est passé exactement ainsi, mais en « négatif », en inverse, dans une sorte de monde parallèle où l’histoire arrive mais en contre-courant.

Explication : ici le régime ne perd pas et ne s’enfuit pas. C’est le peuple qui le fait : depuis des années, ils sont des milliers de cadres algériens à avoir quitté l’Algérie, par avions (comme Benali) ou bateau.

en chiffre le total des cadres en exil  à quelques 71 500 diplômés. Selon El Watan « Au rythme de 6000 départs/an de personnes ayant un niveau de qualification équivalent à bac+4, ce sont quelque 130 000 diplômés de l’université qui ont quitté l’Algérie depuis 25 ans».

Les harragas (immigrés clandestins) sont encore plus nombreux à fuir par chaloupes et leurs chiffres sont si énormes qu’ils en sont «inconnus».

Ceux qui restent ? Ils sont désespérés et effondrés sur leur civière mentale comme l’est Moubarak pour coincés entre l’envie de changer et la peur de le faire. Ou sont harcelés et « lynchés » et surveillés et mis en prison comme le seront les Kadhafi.

Les militants algériens, sont ceux qui ont « payés » le plus la deuxième ou dixième jeunesse du régime algérien : aujourd’hui que l’Algérie est utile et dite « incontournable » par l’Occident, et qu’elle est un bon exemple de gestion de risques de révolution et pèse par sa position pour régler la question du Sahel ou exploiter les gisements de gaz schiste, lutter pour la démocratie en Algérie est synonyme de solitude internationale ou d’invisibilité médiatique.

Ce sont les démocrates qui sont Kadhafisés ou mis en quarantaine comme Ali Saleh du Yémen. Car les harraga sont bénalisés et le peuple est Moubarakisé et rendu inapte, immobile, couché et malade.

Le printemps du régime algérien est aussi lisible dans l’état de santé « politique » du peuple : alité donc comme Moubarak. Démis de ses fonctions de peuple, dégradé, le peuple ne dit rien, ne se soulève pas, revendique la dictature comme une protection du peuple contre lui-même. Allongé sur la civière, le peuple algérien assiste à son propre procès par lui-même : nous ne sommes pas aptes à la démocratie, cela signifie le chaos et nous avons essayé la formule il y a vingt ans, en octobre 88.

L’idée est aujourd’hui générale que le peuple est son propre pire ennemi et que la démocratie est le plus court chemin vers la barbarie. C’est la vie rêvée de toute dictature possible.

 D’autres signes ? Oui : l’OTAN et l’Occident. L’Alliance militaire Nord Atlantique et la France ne sont pas, en Algérie, du côté du peuple ou de la rébellion ou de l’insoumission comme elles l’ont prétendu pour la Libye, mais du côté du régime. François Hollande, le président français, y est venu pour signer des accords pas pour saluer la libération de Benghazi comme Sarkozy. La France veut aider le régime, pas le peuple. Libérer le Sahel, pas l’Algérie. Sarkozy y a été ami de Bouteflika, pas celui qui a creusé sa tombe.

Et contrairement aux autres pays du « printemps » de peuples, le « printemps » du régime algérien se prouve aussi par la défaite des islamistes, leur recule, leur perte d’audimat et d’audience. Partout dans le monde arabe les islamistes gagnent, sauf ici où ils perdent jusqu’à leurs ministères et leurs postes et leur militants.

Étrange cas d’école d’ailleurs : l’islamisme algérien a fini dans une dizaine de partis islamistes en lutte entre eux. Une sorte de pluri-islamisme qui sera fatale à ce courant qui joue sur un Islam unique et pour tous. En deux rounds, le 10 mai 2012 pour les législatives et fin novembre 2012 pour les élections locales, les islamistes algériens ont perdu des sièges de députés, des mairies et même des ministères après le dernier remaniement en septembre de la même année.

Ils ne contrôlent plus les mosquées, ni la rue, ni le ciel. A peine leur familles quand on sait que l’un des fondateurs du courant, Abdellah Djaballah avait été obligé à porter sa femme et des membres de sa famille sur sa liste de candidats aux législatives du 10 mai, pour cause de manque de confiance dans ses propres militants. « L’expérience a prouvé que Djaballah fut trahi par les plus proches de ses collaborateurs » dira-t-il de lui-même.

En Algérie, le printemps du régime s’incarne aussi par la mode étrange de la démission : pas celle de Bouteflika qui va briguer un 4ème mandat en 2014, mais celle de ses opposants les plus durs ou ses alliés proches : Saïdi Sadi, chef du RCD annoncera son retrait de la vie politique en mars 2012et Aït Ahmed, le vieux lion opposant, fondateur du FLN et exilé de Genève annoncera lui aussi, à la date de la présumé fin de monde, le 21 décembre 2012, son retrait et son départ.

Pour cette semaine, c’est Ouyahia qui aurait sauté le pas (réellement ou seulement par tactique). Les opposants (ou pas) en Algérie démissionnent et cèdent le pouvoir qu’ils n’ont jamais eu, contrairement au Pouvoir qui rajeunit à vue d’œil pendant que le peuple vieilli à la même vitesse.

D’autres signes peuvent aussi prouver ce « printemps » du régime : c’est lui qui va imposer sa Constitution dans quelques semaines. C’est lui qui occupe la rue et la télévision. C’est lui que sollicite l’Occident pour discuter des questions régionales. C’est lui qui possède le pétrole et, en Algérie, l’armée est divisée sur la question du Sahel, pas sur la question du régime local.

A la fin ? Il y a bien eut un printemps en Algérie. Regardez simplement les photos de Bouteflika souriant aux anges accompagnant François Hollande, en bain de foule à Tlemcen, pour savoir pour qui est cette belle saison d’amour et de renouveau.

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