Invasion de Rafah par l’armée israélienne : dernier baroud de la défaite de Netanyahou
Une contribution d’Ali Akika – Alors qu’un accord sur la cessation des combats à Gaza semblait imminent, Netanyahou apparaît à... L’article Invasion de Rafah par l’armée israélienne : dernier baroud de la défaite de Netanyahou est apparu en premier sur Algérie Patriotique.
Une contribution d’Ali Akika – Alors qu’un accord sur la cessation des combats à Gaza semblait imminent, Netanyahou apparaît à la télé, l’air sombre et retenant sa colère, et déclare : «Capituler face aux demandes du Hamas représenterait une terrible défaite pour Israël et serait une grande victoire pour le Hamas.». La déclaration a été rapportée dans le journal Le Monde, le 6 mai 2024. Un observateur du problème Palestine-Etat d’Israël et habitué au discours et au vocabulaire de Netanyahou est naturellement alerté par l’association des mots «défaite» et «Israël», mais aussi par l’expression «grande victoire pour le Hamas». Entre sa rengaine de «victoire totale d’Israël» au lendemain d’un certain 7 octobre 2023, et la «défaite d’Israël» qui lui a été arraché dans les ruines de Gaza en ce mai printanier, beaucoup d’eau a coulé dans Wadi Ghaza (la rivière de Gaza).
La déclaration de Netanyahou sur «l’impossible» défaite selon Netanyahou sonna le départ du carnaval médiatique, où les perroquets habituels désignaient la résistance palestinienne responsable de l’éventuel échec des négociations. Avant de relater les événements qui ont engendré le dernier baroud(*) de la défaite de Netanyahou, il est utile de remonter le fil des séquences des allers et venues des négociateurs et traiter ces infos selon la technique du montage de films. Mais, avant, arrêtons-nous sur les atouts des principaux acteurs de ces négociations par l’intermédiaire des services secrets de plusieurs puissances.
Le premier rôle revient à Netanyahou, Premier ministre d’un gouvernement bancal composé de messianiques fonctionnant au carburant de l’ignorance et de la haine. Netanyahou traînant déjà des casseroles de corruption doit rendre aussi des comptes sur le séisme du 7 octobre qui fit trembler les fondements de son Etat. Avec son incompétence dans la conduite de la guerre, on «comprend» l’angoisse d’un Netanyahou qui le pousse à s’accrocher à son poste pour éviter la honte et la solitude de la prison.
Le second rôle, évidemment plus important que le premier, revient à Joe Biden, c’est-à-dire aux Etats-Unis. Protecteur d’un Israël qui rend d’éminents services dans la région, les Etats-Unis lui laissent une grande marge de manœuvre dès lors qu’il neutralise les gêneurs de l’Oncle Sam. Mais, aujourd’hui, les massacres de femmes et d’enfants ternissent l’image du «monde libre» et menacent les autres protégés des Etats-Unis dans la région, les féodaux plus sensibles au dollar qui n’a pas d’odeur, mais si puissant pour se payer les garanties de sécurité pour leurs régimes.
Face à ce duo, Israël-Etats-Unis, il y a ce qu’on nomme dans les films manichéens, les méchants. Sauf que ces méchants, malmenés par les perroquets de la presse aux ordres, ont derrière eux tout un peuple de réfugiés devenu peuple combattant. Ladite presse réduit la résistance de ce peuple au Hamas qualifié de terroriste, alors que le combat est mené aussi par le FPLP, le FDLP, le Jihad islamique, le Fatah et d’autres organisations récemment créées (1). La résistance, outre le soutien de tout son peuple, bénéficie de la solidarité des peuples du monde appelé arabo-musulman et, ne l’oublions jamais, de fractions importantes des populations de l’Occident ; Occident qui n’est qu’une notion purement idéologique abusivement utilisée pour désigner un modèle indépassable de la démocratie et de fin de l’histoire. Eh bien, messieurs les perroquets, les méchants palestiniens sont sur la voie d’avoir la Palme d’or de la résistance et de la bravoure !
Avant l’ouverture de négociations, la guerre commencée le 7 octobre fut d’emblée d’une violence et d’une brutalité sans nom. Aux côtés des bruits des bombes et des canons, on entendait que des déclarations, arrogantes et fanfaronnes d’un Netanyahou, résumées en deux phrases, «victoire totale» et «liquidation du Hamas», qualifié d’abord de «Daech», puis simplement de «terroriste». L’arrogant Netanyahou se rendant compte qu’une guerre avait sa dynamique et son art, négocia la libération des premiers captifs, sans oublier sa promesse de victoire totale. Après son invasion de Gaza et ses «victoires», partielles dans Gaza-City et Khan Younès, ses agents du Mossad se rendirent à Doha, au Qatar, et au Caire, en Egypte, pour négocier la totalité des captifs israéliens de la résistance. Netanyahou commença par mettre un bémol à ses promesses tonitruantes de victoires totales. Commencèrent alors les échanges de propositions autour des tables de négociations et Netanyahou, fidèle à son penchant de l’utilisation de la force brute, menaça d’aller à Rafah pour en finir avec la résistance.
Les va-et-vient furent nombreux entre les deux capitales de l’Egypte et du Qatar pour amender les textes proposés par les deux parties. Le 27 avril, coup de tonnerre provenant du Caire et indiquant de sérieuses et optimistes avancées dans les négociations. On apprit, les jours suivants, la venue de William Burns, le chef de la CIA, au Caire, début d’un périple qui devait l’amener à Doha et à Tel-Aviv. Ce périple du chef de la CIA disparut des radars des médias et fut remplacé par la déclaration de Netanyahou sur le désastre d’une victoire du Hamas, citée au début de l’article. La déclaration de Netanyahou qui mit le feu aux poudres a été sans doute motivée par l’accord donné par le Hamas à une proposition jugée positive et explique sans doute la venue au Caire du patron de la CIA, lequel devait sans doute donner des garanties aux négociateurs palestiniens. Ces garanties auraient consisté à remplacer le cessez-le-feu par la formule de «calme durable». Une formule diplomatique de ni vainqueur ni vaincu pour sauver la face des protagonistes. Cette formule, dans la mesure où elle se traduit pour les Palestiniens par le départ de l’occupant, le retour des populations dans leurs maisons, l’entrée des nourritures et des médicaments, revendications fixées dès le début de la guerre, ne semble pas gêner la résistance. A l’inverse, Netanyahou ne pouvait admettre le scénario d’une défaite qu’aucun propagandiste ne peut masquer. Lesdits propagandistes avaient tenté sans parvenir de cacher à l’opinion l’échec de la «riposte» d’Israël contre l’Iran, qualifiée de «minable» par un ministre israélien.
Il ne restait à Netanyahou qu’à lancer l’opération de Rafah pour mettre devant le fait accompli chef de la CIA quand ce dernier lui rendra visite. La rencontre eut lieu le mercredi 8 mai, et d’après la presse israélienne, fut orageuse. Non seulement William Burns réitéra l’opposition de son pays à un assaut à Rafah. Et pour appuyer cette opposition, le chef de la CIA avait dans ses valises la suspension de la livraison des armes à Israël. Netanyahou était évidemment au courant, le Mossad et ses amis au congrès américains l’avait informé. Cette info explique probablement la tension rapportée par la presse. Avec toutes ces mauvaises nouvelles qui arrivaient dans son bureau, on comprend pourquoi Netanyahou se laissa aller à sa fureur en déclarant qu’Israël se battra seul car dans sa pensée, Israël ne peut s’infliger une défaite et offrir une victoire au Hamas.
Il ne restait à Netanyahou que la fuite en avant, se voyant sans doute à Massada il y a quelque 2 000 ans, préférant se suicider que de céder à la légion romaine. Le 7 mai, il donna l’ordre à son armée d’occuper le poste frontalier de Rafah, en précisant que c’était une opération limitée, une opération particulière anti-terroriste. Ce type de vocabulaire n’annonce pas, en général, de glorieuses manœuvres militaires. Pour l’heure, en l’absence d’infos du terrain sévèrement contrôlées par la censure militaire, on ne peut que supputer, évaluer le cours des événements. Cependant, au regard des faits et résultats sur le terrain, des dynamiques créées par la guerre au sein de la société israélienne et des conséquences politiques, économiques et sociales, la petite opération de Rafah ne peut pas produire plus de résultats que ceux de Khan Younès, aujourd’hui déserté par l’occupant qui se contente de lancer des tracts par avion pour déplacer encore et encore les mêmes populations.
Conclusion. Netanyahou, avec l’entrée de ses troupes à Rafah, a joué sa dernière carte. Il sait que la guerre est déjà perdue et sa fuite en avant ne peut aucunement rétablir un quelconque équilibre militaire tactique et encore moins stratégique. Pour plusieurs raisons, la suspension de la livraison des armes par son allié et protecteur est une menace politique sérieuse, un signe qui va introduire des changements politique et militaire et calmer le sentiment que tout est permis à ces enfants se voulant sortir de la cuisse de Jupiter. A cela, il faut ajouter l’étau constitué par la dynamique de la guerre qui lui échappe à cause d’un ennemi qui s’est préparé à la guerre et qui le connaît très bien. L’autre mâchoire de l’étau, c’est la présence et le chantage de ministres qui menacent de couler son navire pris dans une crise politique qui ne peut se régler par le jeu électoral régi par les habituelles petites alliances qu’on s’achète. Quant à l’extérieur, la fureur de son protecteur et la gêne des gouvernements amis sont des expressions d’inquiétude dans une conjoncture internationale déjà tendue par la guerre en Ukraine. Si on ajoute les manifestations de solidarité dans le monde et notamment dans les universités, le crédit et la sympathie dont bénéficiait la «seule démocratie au milieu d’une jungle», selon l’expression de Borel, représentant l’Union européenne, Netanyahou Premier ministre a des soucis à se faire pour lui et l’Etat qu’il dirige.
Oui, dans le brouillard de la guerre, Netanyahou devrait regarder du côté de Clausewitz que de se référer au philosophe Hobbes, adepte de la seule force sauvage qui aide à survivre dans la jungle. Sauf que dans la jungle des sociétés d’aujourd’hui, l’intelligence est une chose commune aux hommes et femmes et qui savent s’en servir.
A. A.
(*) Baroud est un mot arabe qui signifie poudre explosive ou cartouche
1) La semaine dernière, une délégation du Hamas et du Fatah a été invitée par la Chine pour discuter de la nécessaire unification du mouvement de libération de la Palestine. Une réunion des organisations est prévue le 14 juin pour «accoucher» d’un programme pour faire face aux manigances de son après-guerre concocté avec les Américains et les féodaux habituels.
L’article Invasion de Rafah par l’armée israélienne : dernier baroud de la défaite de Netanyahou est apparu en premier sur Algérie Patriotique.
Quelle est votre réaction ?