Israël ou le messianisme talmudique à l’ère de l’Intelligence artificielle
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Une contribution de Khaled Boulaziz – Israël n’a jamais été un Etat-nation, encore moins un projet territorial au sens classique, et même l’appellation de colonie lui sied mal, tant son essence échappe aux catégories traditionnelles. Ce qu’il a toujours été – et continue d’être avec une férocité renouvelée –, c’est un kibboutz nucléaire : un enclos communautaire hyper-technologique, bardé de capteurs, d’algorithmes assassins, de clôtures électrifiées et de mythes eschatologiques recyclés en logiciels de mort. Le kibboutz, jadis vitrine d’un collectivisme sioniste prétendument égalitaire, s’est métamorphosé en cauchemar cybernétique – un ghetto de pureté fantasmée, hanté par sa propre angoisse de dissolution, rancunier jusqu’à l’obsession, paranoïaque jusqu’à la transe, désormais doté de la bombe, de l’IA et de ce qu’il s’arroge sans vergogne : le droit absolu de tuer.
Ce n’est plus un peuple en guerre. C’est une communauté d’élus auto-désignés, retranchée dans un fort numérique, bunkérisée à l’échelle planétaire, et dont le messianisme n’est plus scripturaire mais computationnel. Chaque Palestinien devient, dans cette logique, un bruit de fond à nettoyer, une anomalie dans la grille, un chiffre à arrondir à zéro. Ce n’est pas seulement une politique d’éradication. C’est une cybernétique de la mort, perfectionnée à l’aune des dernières avancées en machine learning, en reconnaissance faciale, en surveillance prédictive.
Israël n’exporte plus seulement des armes ou des doctrines sécuritaires. Il fabrique le futur de la gouvernance planétaire. Un futur où les peuples jugés excédentaires sont pré-simulés, suivis, classés, puis supprimés – avec l’aval des machines et la bénédiction d’une théologie devenue système d’exploitation. Le kibboutz, ce rêve d’autosuffisance communautaire, s’est mué en laboratoire d’un techno-messianisme destructeur : ni conquérant, ni défensif, mais purificateur.
C’est ce modèle – ce kibboutz atomique, cette arche numérique de Noé qui ne sauve que les siens – qu’il faut comprendre pour saisir ce qui se joue à Gaza. Non pas une guerre, mais un prototype. Non pas une occupation, mais l’épreuve générale d’un pouvoir cybernétique global, rationalisé par des siècles d’élection religieuse, financé par la Silicon Valley, légitimé par un Occident culpabilisé, et appliqué comme modèle à venir de la gestion des indésirables.
Il ne s’agit plus d’une guerre. Il ne s’agit plus d’une occupation. Ce que l’on voit à Gaza, c’est le déploiement d’un dispositif cybernétique de la mort, articulé autour d’un pouvoir qui ne cherche plus à conquérir, mais à nettoyer – à dissoudre le réel dans des matrices numériques où chaque existence est pré-assignée à une probabilité létale. Le meurtre, ici, n’est pas un accident. Il est la finalité logique d’un système de gouvernement des vivants où l’ennemi n’est plus identifié, mais calculé.
Ce pouvoir algorithmique est sans visage, sans cri, sans drapeau. Il est silencieux, froid, efficient. Il fonctionne par boucles, par corrélations, par exécutions statistiques. Au cœur de cette machine, le messianisme talmudique, devenu régime de vérité. Il ne s’agit pas du Talmud comme texte de foi, mais de son usage dévoyé, reconverti en technologie du destin. L’idée que certains sont élus et que d’autres – les Palestiniens – sont voués à l’effacement. Le meurtre devient liturgie. La purification du territoire, un commandement informatisé. Le programme Lavender ne «cible» pas, il triomphe. Il accomplit une promesse théologique retournée en programme militaire : faire place nette, sanctifier le terrain par la disparition des corps.
L’IA ici n’est pas un outil, mais une autorité. Elle remplace le jugement, le doute, l’hésitation. Elle transforme la suspicion en sentence. Elle transforme la vie en trace numérique, immédiatement effaçable. Ce n’est plus l’armée qui décide, c’est le code. Un code nourri de milliers de métadonnées, d’interceptions, de comportements modélisés. Un code investi d’une mission sacrée : désigner le vivant superflu. Un code soutenu, financé et renforcé par Microsoft, par OpenAI, par toute une galaxie de technocrates américains qui, tout en prêchant la paix et l’éthique, alimentent le moteur d’un pouvoir exterminateur.
Ce que l’on appelait biopolitique, Israël l’a perfectionné : la gestion algorithmique de populations jugées indignes de vivre. Ce n’est plus la discipline, ni la surveillance, c’est l’extraction permanente de sens, la reconfiguration du réel pour qu’il corresponde à l’axiome premier du messianisme militarisé : eux ou nous. Un axiome qui devient programme et un programme qui devient frappe.
The Gospel, Where’s Daddy, Rolling Stone, ces noms ne sont pas des métaphores. Ils sont des marques, des signes, des totems numériques d’un monde dans lequel la guerre est devenue préventive, la domination prédictive et la vérité un artefact de la machine. Gaza, dès lors, n’est pas seulement une cible, c’est une zone de test, une terre sacrifiée sur l’autel de la modernité technologique et du dogme de l’élection. Une matrice où s’invente la guerre de demain : sans soldats, sans compassion, sans mémoire. Et nous devons voir ce que ce modèle signifie pour nous.
Car ce que le messianisme talmudique militarisé produit à Gaza aujourd’hui – cette fusion du sacré, du sécuritaire et de l’Intelligence artificielle – est une forme de pouvoir qui prétend à l’universalité. Il n’a pas vocation à s’arrêter aux frontières de la Palestine. Il rêve de gouverner les périphéries du monde, les classes dangereuses, les esprits dissidents. La cybernétique de la mort, une fois éprouvée, sera exportée. Sous forme de drones, de logiciels, de systèmes de prédiction du crime, de «chatbots sécuritaires».
Le monde entier est devenu la cible latente d’un pouvoir qui pense en réseaux, frappe en silence, et se justifie par des millénaires de textes – relus non pas comme appels à la justice, mais comme manuels d’extermination algorithmique. Il faut briser ce rêve technique, briser sa logique, dénoncer ses faux prophètes. Car le danger n’est pas dans le code. Il est dans l’usage sacré du code, dans sa légitimation par une foi politique de l’élection, dans la croyance qu’un peuple, parce qu’il aurait souffert, aurait droit de vie et de mort sur ceux qu’il nomme barbares. Et tant que ce pouvoir ne sera pas délégitimé, l’humanité tout entière restera à un clic de son propre effacement.
K. B.
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