Le Kremlin-Bicêtre, une «petite Algérie» au cœur de Paris
C’est une ville qui s’appelle le Kremlin-Bicêtre. Non, ce n’est pas une ville russe contrairement à ce que laisse penser, de prime abord, son nom. C’est une ville bel et bien française. En plus, une ville parisienne située juste à côté de Paris. Une petite ville de banlieue de 26 mille habitants qui entretient une […] L’article Le Kremlin-Bicêtre, une «petite Algérie» au cœur de Paris est apparu en premier sur Algérie Focus.
C’est une ville qui s’appelle le Kremlin-Bicêtre. Non, ce n’est pas une ville russe contrairement à ce que laisse penser, de prime abord, son nom. C’est une ville bel et bien française. En plus, une ville parisienne située juste à côté de Paris. Une petite ville de banlieue de 26 mille habitants qui entretient une relation très forte avec l’Algérie. Et pour cause ! Ici, au Kremlin-Bicêtre, les ressortissants algériens ont recréé une véritable «petite Algérie». Et à la mairie de cette petite ville française, les élus assument pleinement ce métissage culturel et cette forte présence algérienne. Voyage dans cette «petite Algérie» située au cœur de Paris.
Djmawi Africa. Jusqu’au 12 juillet dernier, presque aucun habitant du Kremlin-Bicêtre n’a entendu parler de ce jeune groupe de musique algérien qui puise dans le terroir africain du patrimoine algérien son inspiration pour chanter le quotidien de la jeunesse algérienne. Mais le 12 juillet dernier, en plein Ramadhan, Djamil, Abdou et les autres membres de ce groupe se sont invités au Parc Pinel, un joli parc situé au centre-ville du Kremlin-Bicêtre. Dans ce lieu qui incarne une précieuse bouffée d’air frais dans cette ville très fréquentée par les automobilistes parisiens mais qui manque cruellement de foncier pour ériger des espaces verts, les jeunes musiciens algériens ont mis «une ambiance de folie». Les chansons algériennes les plus célèbres ont été entonnées face à un public endiablé qui a savouré une dose d’adrénaline venue tout droit des quartiers chauds d’Alger. Et ce public n’était guère composé que de jeunes franco-algériens ! Des «Geneviève» s’étaient également déplacées jusqu’au parc pour découvrir cette autre facette de l’Algérie. Cette musique Gnawi, sahraouie mélangée au Reggae, le Raï et le Chaâbi a charmé les esprits et elle a, surtout, réuni toutes les franges de cette ville.
Des jeunes d’origine algérienne ou français «de souche» en passant par les personnes âgées jusqu’aux familles issues des mariages mixtes, ce concert organisé par la Ville du Kremlin-Bicêtre a finalement révélé la véritable identité plurielle de cette ville française. Organisé dans le cadre de toute une semaine algérienne prévue à l’occasion des «Estivales Kremlinoises» qui reviennent chaque année pendant les mois de juillet et août, ce concert a aussi révélé tout le poids de la communauté algérienne dans cette petite ville de la banlieue parisienne. Une communauté qui a largement bénéficié cette année de ces animations estivales programmées par les autorités de cette leur ville dans le cadre de leur politique de loisir. Concert de musique, projection cinéma, ateliers pour les enfants animés par des animateurs venus de Bordj Bou Arreridj, à l’est d’Alger, les Algériens du Kremlin-Bicêtre ont été les premiers à bénéficier de cette ouverture vis-à-vis de leur pays d’origine. Des origines qui sont assumées partout au Kremlin-Bicêtre ou le « KB » comme disent affectueusement les jeunes habitants.
Le « Trésor Sucré » : le temple de la pâtisserie Algérienne
«Ici les bars et les cafés sont presque tous tenus par des Kabyles. Plusieurs algériens possèdent également des magasins. De nombreux algériens sont propriétaires d’appartements dans cette ville qui a l’avantage d’être très proche de Paris. Il suffit juste de prendre la ligne 7 du métro parisien pour rentrer ou sortir du KB. L’aéroport Orly n’est pas loin, la Place d’Italie est située juste à côté. Un coin vraiment stratégique et les Algériens ont compris cela», témoigne Salim, un jeune algérien de 28 ans qui vit au «KB» depuis bientôt 5 ans. Ce compatriote se plait bien dans cette petite ville où il ne se sent jamais dépaysé. «Ici le Ramadhan, c’est presque comme au pays», ajoute notre interlocuteur. Et pour nous convaincre, Salim n’a pas hésité à nous faire découvrir « Le Trésor Sucré ». Cette pâtisserie orientale est très célèbre à Paris. Tous les gâteaux algériens sont préparés avec soin et délicatesse. De la Baklawa en passant par le tcharak jusqu’au Kalb Elouz et El-Mechouak, toute la pâtisserie algérienne dans sa grande diversité est exposée à la vente. Des délicieuses pâtisseries en formes si diverses mais dessinées avec élégance enchantent chaque jour des clients qui parcourent tout Paris pour les acheter. La finesse en saveur et la pâte si fine a fait la légende de ces gâteaux algériens. Et le Ramadhan, on se bouscule dès les premières heures de la journée aux portes du Trésor Sucré pour faire ses emplettes. Le rush est si important, et impressionnant, que le gérant des lieux mobilise un petit service d’ordre afin que la queue soit réellement respectée et pour que personne ne viole le tour de l’autre.
«Je suis installé ici depuis 21 ans. Notre boutique est devenue une référence dans tout Paris grâce à notre travail acharné. Nous avons voulu dès le début montrer le meilleur de notre culture et patrimoine avec des gâteaux délicieux et excellents. Et nous avons réussi parce que dans cette petite ville, une importante communauté algérienne nous a encouragés aussi», nous confie Ali Djellal, le gérant du Trésor Sucré. Comme beaucoup d’habitants d’origine algérienne de cette ville française, il est originaire de Mostaganem, à l’ouest du pays, tout près d’Oran. «Mostaganem et Oran sont les deux régions algériennes les plus représentées au Kremlin-Bicêtre. Presque tout le monde se connait. Nous faisons de notre mieux pour donner une bonne image de l’Algérie à nos voisins et amis français», explique encore Ali dont les gâteaux sont minutieusement préparés dans un laboratoire bien équipé et géré par toute une équipe de pâtissiers formés et connaisseurs des saveurs algériennes.
« Les familles algériennes ont façonné l’histoire de notre ville »
Des saveurs qu’on retrouve, par ailleurs, dans d’autres lieux comme les boucheries hallal de la ville, les restaurants kabyles ou les épiceries traditionnelles algériennes. Et pour bien mettre en relief cette présence algérienne, à la mairie du Kremlin-Bicêtre, toute une politique de coopération internationale avec l’Algérie a été développée. «Les familles franco-algériennes ou françaises d’origine algérienne ont façonné l’histoire de notre ville et ont beaucoup apporté à la culture locale du Kremlin-Bicêtre», reconnaît à ce propos Marie Phliponeau, responsable de la Mission coopération internationale de la Ville du Kremlin-Bicêtre.
«En 2010, nous avons ouvert la mission de coopération internationale. L’Algérie était un partenaire identifié au regard des relations de la population du Kremlin-Bicêtre avec ce pays», explique encore notre interlocutrice qui a été à l’origine de l’organisation de la semaine algérienne en juillet qui a coïncidé également avec le Ramadhan.
«L’enjeu pour nous est d’identifier la forme de coopération avec l’Algérie qui permettra d’établir une relation durable, constructive et innovante. Tous les pays ont des organisations administratives et politiques différentes. Mêmes ceux où la décentralisation est effective, leur décentralisation ne ressemblent pas à notre forme de décentralisation. Il faut également identifier les enjeux territoriaux. Pourquoi coopère-t-on ? Pour l’Algérie, nous avons décidé d’adhérer au programme Joussour qui offrait une forme originale de partenariat. Nous pouvons réfléchir avec des acteurs de différentes natures à des projets orientés vers la jeunesse. Le travail avec des associations et des acteurs locaux français et algériens autour de l’enjeu de l’éducation nous ouvrent des perspectives intéressantes», détaille Marie Phliponeau qui confectionne en ce moment de nombreux projets avec l’Association El Ghaith, une dynamique association établie à Bordj Bou Arreridj, située à plus de 200 Km à l’est d’Alger. « Nous avons pu rencontrer Smail Izerrouken , le président de et l’association El Gaith. Son association travaillait depuis 2008 sur des projets de nature « territoriale » : des crèches, du soutien scolaire, un centre multi-activités, bref autant de projets que nous mettons en œuvre sur notre ville. L’objectif est que notre personnel et nos structures puissent échanger avec les animateurs d’El Gaith et que les deux partenaires apprennent l’un de l’autre. Nous avons identifié un projet concret qui permettait de faire converger nos actions: le concept de plan éducatif local. C’est un premier pas pour rencontrer un « territoire » algérien et entrer en contact avec ses habitants, ses différents acteurs éducatifs, ses administrations, ses élus», analyse Marie Phliponeau.
Une analyse que partagent Fares et Abdou, deux animateurs et membres actifs de l’association El Ghaith. Invités pendant une semaine par la ville du Kremlin-Bicêtre afin d’animer plusieurs ateliers dans les centres de loisirs répartis à travers la ville. Des ateliers de cuisine, de dessins et d’autres activités en présence des enfants scolarisés dans les différentes écoles du Kremlin-Bicêtre, les deux jeunes animateurs algériens ont pu transmettre leur expérience acquise sur le terrain algérien, mais ils ont appris aussi de nombreuses notions qu’ils comptent bien mettre en pratique à Bord Bou Arreridj. «Cette ville dispose d’une véritable politique de loisir qui permet aux enfants de la ville de profiter réellement de leur temps libres. Leurs centres de loisirs sont bien équipés et leurs animateurs sont formés et travaillent à titre de permanents ou de contractuels. Cela permet d’organiser des activités bien élaborées pour accompagner la scolarité des enfants et les aider encore à s’épanouir davantage dans leur vie quotidienne. C’est ce qui nous manque cruellement dans notre pays», expliquent nos deux animateurs qui ne manqueront pas d’élaborer un rapport approfondi pour tirer les conclusions de leurs expériences vécues au Kremlin-Bicêtre. «Une ville qui peut nous apprendre beaucoup en matière de gestion du temps libre et des loisirs de nos enfants», s’enthousiasment les deux animateurs. A leur retour à Bordj Bou Arreridj, ils feront tout pour convaincre les élus algériens de s’inspirer de cette petite ville française ouverte sur le monde et soucieuse du bien-être de ses habitants. Comme quoi, la «petite Algérie» peut réellement aider sa grande sœur à voir la vie en rose…
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