Mouloud Feraoun: regard lucide sur le colonialisme et dénonciation des exactions commises par la France

TIZI-OUZOU - Ecrivain et instituteur pendant la Guerre de libération nationale, Mouloud Feraoun (1913/1962) a porté, dans son œuvre, un regard lucide sur le colonialisme, dénonçant les exactions commises par la France coloniale contre les Algériens et s'engageant pour l'Indépendance du pays. "Nous l'aurons notre indépendance, d'une manière ou d'une autre", écrivait-il dans son "Journal 1955-1962" (éd. Enag. 2009, p.402), une œuvre dans laquelle il offre un regard lucide et un témoignage poignant sur la période de la Guerre de libération nationale. Le Journal, publié à titre posthume en 1962, témoigne de la souffrance et de la violence subies par les populations, des exactions de l'armée coloniale française, comme il évoque les espoirs et les aspirations du peuple algérien à l'Indépendance de leur pays. Dans ce même ouvrage (page 2013) il rapporte : "Trois villages ont été bombardés et incendiés. Les hommes ont été emmenés, les femmes et les enfants errent à travers les douars à la recherche d'un asile. Les soldats ont semé la mort, la terreur, la désolation". Il poursuit : "On fait sortir les hommes, on les parque, on lâche cinq chiens policiers qui se jettent sur cinq d'entre eux au hasard, qui les culbutent, les mordent, les traînent dans la boue. Ce sont ceux-là que le sort a désigné : on les relève, on les fusille à bout portant". Evoquant sa région natale, les Ath Douala, il écrit : "Là-bas aussi, nouveau ratissage sur dénonciation. Treize compatriotes arrêtés". "La guerre est là, partout. Elle nous entoure, nous étouffe, nous écrase", lit-on dans cet ouvrage où l'auteur ajoute : "Nous vivons dans la peur, la peur de la mort, la peur de la torture, la peur de l'inconnu" sans toutefois perdre espoir, car, ajoutait-il : "Je crois en l'avenir de mon pays. Je crois en la capacité des Algériens à construire une nation libre et juste". Profondément attaché à son pays et à son peuple, l'auteur du célèbre roman autobiographique "Le Fils du Pauvre" dénonce les injustices et les inégalités dont sont victimes les Algériens, plaidant pour une Algérie libre, témoignent des universitaires qui se sont intéressés à son œuvre littéraire ainsi que des membres de sa famille. A ce propos, son fils, Ali, avait souligné, dans de précédentes déclarations, que son père "n'était pas un homme à crier son engagement sur tous les toits, mais qu'il était en étroite collaboration avec les dirigeants de la Révolution, notamment, les responsables de la Wilaya III historique", ajoutant que "ses positions contenues dans son Journal expriment clairement ses idées vis-à-vis du colonialisme". L'œuvre de Feraoun, à l'exemple des romans "Le Fils du pauvre " (1950) et "La Terre et le Sang" (1953), ainsi que son "Journal", est un témoignage sur la Révolution algérienne. Mouloud Feraoun, qui a été assassiné par l'Organisation armée secrète (OAS) le 15 mars 1962, quelques jours avant la signature des accords d'Evian, était avant tout un instituteur, fonction qui lui permettait une proximité avec les populations locales, faisant de lui un observateur des bouleversements provoqués par la guerre sur sa société. Né en 1913 dans le village de Tizi Hibel dans la région des Ath Douala (Tizi-Ouzou), où il suit l'essentiel de sa scolarité, Mouloud Feraoun a été admis en 1932 au concours d'entrée de l'Ecole normale de Bouzaréah à Alger. Diplômé, il commence sa carrière d'enseignant et sera nommé instituteur dans son village natal en 1935. Il a occupé plusieurs postes dont le dernier est celui d'inspecteur qu'il avait occupé jusqu'à son assassinat.

Mars 14, 2025 - 19:33
 0
Mouloud Feraoun: regard lucide sur le colonialisme et dénonciation des exactions commises par la France
Mouloud Feraoun: regard lucide sur le colonialisme et dénonciation des exactions commises par la France

TIZI-OUZOU - Ecrivain et instituteur pendant la Guerre de libération nationale, Mouloud Feraoun (1913/1962) a porté, dans son œuvre, un regard lucide sur le colonialisme, dénonçant les exactions commises par la France coloniale contre les Algériens et s'engageant pour l'Indépendance du pays.

"Nous l'aurons notre indépendance, d'une manière ou d'une autre", écrivait-il dans son "Journal 1955-1962" (éd. Enag. 2009, p.402), une œuvre dans laquelle il offre un regard lucide et un témoignage poignant sur la période de la Guerre de libération nationale.

Le Journal, publié à titre posthume en 1962, témoigne de la souffrance et de la violence subies par les populations, des exactions de l'armée coloniale française, comme il évoque les espoirs et les aspirations du peuple algérien à l'Indépendance de leur pays.

Dans ce même ouvrage (page 2013) il rapporte : "Trois villages ont été bombardés et incendiés. Les hommes ont été emmenés, les femmes et les enfants errent à travers les douars à la recherche d'un asile. Les soldats ont semé la mort, la terreur, la désolation".

Il poursuit : "On fait sortir les hommes, on les parque, on lâche cinq chiens policiers qui se jettent sur cinq d'entre eux au hasard, qui les culbutent, les mordent, les traînent dans la boue. Ce sont ceux-là que le sort a désigné : on les relève, on les fusille à bout portant".

Evoquant sa région natale, les Ath Douala, il écrit : "Là-bas aussi, nouveau ratissage sur dénonciation. Treize compatriotes arrêtés".

"La guerre est là, partout. Elle nous entoure, nous étouffe, nous écrase", lit-on dans cet ouvrage où l'auteur ajoute : "Nous vivons dans la peur, la peur de la mort, la peur de la torture, la peur de l'inconnu" sans toutefois perdre espoir, car, ajoutait-il : "Je crois en l'avenir de mon pays. Je crois en la capacité des Algériens à construire une nation libre et juste".

Profondément attaché à son pays et à son peuple, l'auteur du célèbre roman autobiographique "Le Fils du Pauvre" dénonce les injustices et les inégalités dont sont victimes les Algériens, plaidant pour une Algérie libre, témoignent des universitaires qui se sont intéressés à son œuvre littéraire ainsi que des membres de sa famille.

A ce propos, son fils, Ali, avait souligné, dans de précédentes déclarations, que son père "n'était pas un homme à crier son engagement sur tous les toits, mais qu'il était en étroite collaboration avec les dirigeants de la Révolution, notamment, les responsables de la Wilaya III historique", ajoutant que "ses positions contenues dans son Journal expriment clairement ses idées vis-à-vis du colonialisme".

L'œuvre de Feraoun, à l'exemple des romans "Le Fils du pauvre " (1950) et "La Terre et le Sang" (1953), ainsi que son "Journal", est un témoignage sur la Révolution algérienne.

Mouloud Feraoun, qui a été assassiné par l'Organisation armée secrète (OAS) le 15 mars 1962, quelques jours avant la signature des accords d'Evian, était avant tout un instituteur, fonction qui lui permettait une proximité avec les populations locales, faisant de lui un observateur des bouleversements provoqués par la guerre sur sa société.

Né en 1913 dans le village de Tizi Hibel dans la région des Ath Douala (Tizi-Ouzou), où il suit l'essentiel de sa scolarité, Mouloud Feraoun a été admis en 1932 au concours d'entrée de l'Ecole normale de Bouzaréah à Alger.

Diplômé, il commence sa carrière d'enseignant et sera nommé instituteur dans son village natal en 1935. Il a occupé plusieurs postes dont le dernier est celui d'inspecteur qu'il avait occupé jusqu'à son assassinat.