Pax americana

Dans une interview donnée il y a trois jours à la chaîne CBS, le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov  a confirmé le propos de Donald Trump sur un prochain accord mettant fin à la guerre en Ukraine, en déclarant à cette occasion que son pays était prêt pour un deal pour la paix […]

Avr 26, 2025 - 20:34
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Pax americana
Dans une interview donnée il y a trois jours à la chaîne CBS, le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov  a confirmé le propos de Donald Trump sur un prochain accord mettant fin à la guerre en Ukraine, en déclarant à cette occasion que son pays était prêt pour un deal pour la paix mais qu’il restait néanmoins des points spécifiques à régler avant que celui-ci ne soit passé en bonne et due forme. Comme la diplomatie russe n’est pas du genre à vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, on peut penser sans grand risque d’erreur qu’en effet  on est à la veille d’un arrêt de cette guerre, la première en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, encore que ce soit à sa limite orientale, tout en étant l’une des plus intenses et des plus meurtrières que le monde ait connues depuis longtemps. Les fuites dans les médias ayant été nombreuses s’agissant des grandes lignes de cet accord, on sait par avance ce qu’il comportera ou  au contraire ne comportera pas le jour où  les négociations débuteront entre les belligérants, qu’elles soient directes  et exclusivement bilatérales, ou en présence du pays médiateur, les Etats-Unis. Nulle perspective de paix ne serait encore possible aujourd’hui si l’administration américaine actuelle ne s’était pas engagée dès son installation en ce sens. Le jour où les armes se tairont en Ukraine, pour ne plus reparler, sinon peut-être de façon sporadique, sera une réussite à porter au seul crédit des Etats-Unis.
Les Européens pourtant tout aussi impliqués que ces derniers dans le soutien à l’Ukraine n’y auront été pour rien quant à eux. Non seulement ils n’ont pris aucune part dans les négociations, mais ils s’y seront opposés aussi longtemps qu’ils l’ont pu. Ce qu’ils auraient voulu, c’est un accord assorti de garanties de sécurité pour l’Ukraine dont la charge incomberait à ceux des membres de l’Otan disposés à envoyer leurs propres troupes en Ukraine pour servir de forces à la fois d’interposition et de dissuasion. Une condition dont les Russes ne voudraient jamais, mais que les Américains eux en revanche ni n’appuient ni ne rejettent, mais qui pour l’heure est un point toujours en discussion au sein de l’Otan. D’après ce que l’on sait de l’accord à venir, les Etats-Unis reconnaitront que la Crimée est russe de plein droit, un statut qu’ils n’attribueront pas aux quatre oblasts annexés par la Russie, si toutefois ils n’exigent pas leur restitution à l’Ukraine. L’autre grande concession faite à la Russie, c’est l’impossibilité pour l’Ukraine de devenir un jour membre de l’Otan, cette perspective ayant du reste conduit à son invasion par la Russie. En contrepartie, l’Ukraine ne sera pas dénazifiée au sens russe, c’est-à-dire que le départ de son pouvoir actuel cesse d’être un but de guerre pour Moscou. Sa démilitarisation non plus n’est plus un de ses objectifs de guerre. Tout au contraire, Kiev est libre de conserver à la fois son armée et son industrie militaire, qui s’est beaucoup développée pendant la guerre, et qui déjà pourvoit au tiers des besoins de ses forces armées. La pax americana, on le voit, est en réalité un armistice, une suspension de la guerre sur ses lignes actuelles. Les belligérants ainsi que leurs alliés pourront la mettre à profit pour s’assurer de la victoire dans le cas probable où elle ne dure qu’un temps, dont on ne peut savoir par avance s’il sera court ou long.