Quand la France coloniale exterminait les algériens aux armes chimiques
Ce qui a longtemps été soulevé durant la colonisation française en Algérie est devenu une évidence. Les armes chimiques ont été largement utilisés par l’armée française notamment durant la guerre de libération. Ces armes prohibées par les conventions internationales n’ont pas épargné civiles ou combattants algériens. Un documentaire de 53 minutes, diffusé dimanche 9 mars, […] The post Quand la France coloniale exterminait les algériens aux armes chimiques appeared first on Le Jeune Indépendant.

Ce qui a longtemps été soulevé durant la colonisation française en Algérie est devenu une évidence. Les armes chimiques ont été largement utilisés par l’armée française notamment durant la guerre de libération. Ces armes prohibées par les conventions internationales n’ont pas épargné civiles ou combattants algériens.
Un documentaire de 53 minutes, diffusé dimanche 9 mars, la télévision suisse RTS lève le voile sur l’usage massif par la France coloniale d’armes chimiques en Algérie entre 1954 et 1959.
« Avec la torture et le déplacement des populations, la guerre chimique est le dernier élément d’une série de brèches dans les engagements internationaux de la France que celle-ci a bafoués pour mener sa guerre coloniale. De 1954 à 1959, la France coloniale n’a pas hésité à gazer, notamment dans les zones montagneuses difficiles d’accès, des populations sans défense », précise le documentaire.
Intitulé, « L’Algérie… sections armes spéciales », Claire Billet, la réalisatrice du documentaire, convoque archives personnels de soldats français, leur témoignages ainsi que ceux de combattants ou de civils algériens, en se basant sur les travaux de l’historien Christophe Lafaye, qui mène une thèse de recherche consacrée à sombre chapitre de l’histoire de la France. Pourtant, la France était parmi les 135 Nation ayant signé le Protocole de Genève de 1925 contre ces armes.
L’historien français affirme avoir réussi à identifier « 450 opérations militaires » ayant eu recours à ces armes durant la période 1957-1959.
En dépit des obstacles bureaucratiques auxquels il a fait face, Christophe Lafaye, spécialiste en histoire militaire, a éxhumé plusieurs documents détaillant le recours par le gouvernement français mars 1956 à cette solution ravageuse.
Le film documentaire revient aussi sur le compte-rendu d’une réunion tenue, en septembre 1956, à l’état-major des Armées qui atteste de l’existence « d’une politique générale d’emploi des armes chimiques en Algérie ».
Le but d’infecter les grottes où se refugiaient les « insurgés » – que les documents de l’époque qualifiaient de « hors la loi »-, était, selon le film, de faire prisonniers ou tuer leurs occupants, et les rendre impraticables.
Le documentaire rencontre aussi des survivants algériens de la grotte de Ghar Ouchettouh, dans les Aurès (est algérien), « gazée le 22 mars 1959 avec près de 150 villageois à l’intérieur ».
À partir de ce moment, l’armée a effectué des tests pour déterminer « le produit à utiliser dans chaque cas spécifique », ainsi que les méthodes d’utilisation et les individus chargés de ces missions. L’unité des armes spéciales a été créée en décembre 1956.
Le général Salan a réparti environ cent équipes sur l’ensemble du territoire algérien avant que le plan Challe ne réorganise cette structure en 1959.
« Dans l’état actuel de ses recherches, Christophe Lafaye a pu identifier +450 opérations militaires ayant eu recours aux armes chimiques en Algérie, principalement concentrées dans les zones montagneuses en Haute-Kabylie et dans les Aurés+ », souligne le site d’information actu.fr qui l’a interviewé.
« Un certain nombre de documents sont accessibles mais pas les comptes rendus d’opération, les journaux de marche et opérations, soit le journal de bord de l’unité. La consultation de ces documents est pourtant essentielle car ils permettraient d’évaluer les victimes et, par recoupement, d’identifier des victimes portées disparues.
C’est important pour les familles. Et puis, ces documents permettraient de faire une cartographie exhaustive des sites où ces armes ont été utilisées et des lieux exposés aux retombées », indique Christophe Lafaye au site.
Malgré ces contraintes, le travail de Christophe Lafaye retrace de manière assez précise l’histoire de l’utilisation des armes chimiques par l’armée française.
« J’ai pu quand même retrouver certaines décisions politiques. C’est le ministre Maurice Bourgès-Maunoury donc qui a signé l’autorisation d’utilisation des armes chimiques. La 4e République puis la 5e République ont totalement assumé, ordonné et organisé la conduite d’une guerre chimique » en Algérie, ajoute-t-il.
Pour cet historien, « l’un des personnages centraux de cette histoire, c’est le général Charles Ailleret ».
« C’est un polytechnicien resté dans la postérité comme le père militaire de la bombe atomique française. Mais lors de son passage au commandement des armes spéciales, c’est lui qui va faire la promotion de l’emploi des armes chimiques en Algérie. Il a écrit un livre en 1948 dans lequel il décrit l’utilisation de la science dans la guerre comme étant un élément de supériorité dans la conduite des opérations. Il a une conviction profonde dans les vertus de la science comme arme comme pour remporter la victoire sur le terrain », déplore-t-il.
Il affirme, dans ce contexte, avoir pu, à travers les archives, « confirmer l’utilisation d’un gaz appelé CN2D. C’est un composé de deux gaz : le gaz CN est un dérivé du cyanure et le gaz DM qui est une arsine, donc un dérivé de l’arsenic, pour faire simple ».
« Il y a un troisième élément appelé kieselgurh: c’est une terre siliceuse très fine, de l’ordre du micron, et qui va mutualiser l’effet extrêmement irritant des arsines avec la rapidité d’action du CN. C’est la combinaison de ces trois éléments qui crée un gaz mortel », explique Christophe Lafaye.
Ces gaz, poursuit-il, « regroupés en une seule munition et dans des quantités extrêmement importantes, entraînaient assez rapidement la mort des gens qui se trouvaient à l’intérieur des grottes ».
Selon Christophe Lafaye, docteur en Histoire contemporaine de l’université d’Aix-Marseille et chercheur associé à l’université de Bourgogne, l’armée française décide, dès 1956, de former des équipes spéciales pour l’emploi de ces armes chimiques.
« Des groupes formés d’appelés du contingent : on les appelait les sections (Armes spéciales).
La première unité est créée en Algérie le 1er décembre 1956 », note l’historien qui a pu « confirmer l’activité de 119 unités de ce type entre 1957 et 1959 sur le territoire algérien ».
Au cours de ses recherches, Christophe Lafaye a pu confirmer l’existence d’une opération ayant fait 116 martyrs, selon le site d’information, soutenant même que le recours de l’armée française aux armes chimiques en Algérie « ne tient pas du hasard mais (relève) d’une véritable doctrine militaire ».
Ces nouvelles révélations s’ajoutent ainsi aux crimes déjà connus et documentés commis par le colonialisme français en Algérie.
Dans son contentieux historique avec la France, l’Algérie réclame notamment la reconnaissance de « l’utilisation de la torture », « des massacres des populations durant les 130 années de la colonisation », « la décontamination des zones où sont effectués les essais nucléaires », ainsi que « la restitution des archives algériennes ».
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