Tassili Travail Aérien : Deux millions d’euros pour le recrutement des fils des hauts responsables ?
En mars 2009, Tassili Agro Aérien, une filiale de la compagnie aérienne Tassili Airlines créée en Mars 1998, a organisé un concours de recrutement de pilotes destinés aux appareils spécialisés dans la lutte antiacridienne et à l’épandage de pesticides. Pas moins de 4800 candidats ont participé aux épreuves de ce concours organisé, à l’époque, à l’Institut d’aéronautique […] L’article Tassili Travail Aérien : Deux millions d’euros pour le recrutement des fils des hauts responsables ? est apparu en premier sur Algérie Focus.
En mars 2009, Tassili Agro Aérien, une filiale de la compagnie aérienne Tassili Airlines créée en Mars 1998, a organisé un concours de recrutement de pilotes destinés aux appareils spécialisés dans la lutte antiacridienne et à l’épandage de pesticides. Pas moins de 4800 candidats ont participé aux épreuves de ce concours organisé, à l’époque, à l’Institut d’aéronautique de Blida. Parmi ces 4800 candidats, 48 ont été retenus pour être formés à ce métier qui fait rêver tant d’Algériens.
Mais, un rêve auquel ne peut accéder que des fils de hauts responsables. C’est du moins ce que dénonce un ancien cadre dirigeant de Tassili Agro Aérien qui s’appelle aujourd’hui Tassili Travail Aérien. Cet ancien cadre est le docteur Hassaine Kourdourli. Il est évaluateur médical et expert judiciaire agréé par l’autorité de l’Aviation Civile et de la Météorologie. En mai 2011, il a été désigné comme le chef de département chargé des évacuations sanitaires et aériennes de cette compagnie en cours de création à l’époque et qui ne disposaient pas encore de son permis d’exploitation. Un permis qui ne lui a été délivré par le ministère des Transports qu’en avril 2014.
Le fils d’un colonel du DRS, neveu d’un ministre
Hassaine Kourdourli était chargé par sa compagnie de concevoir le projet d’évacuation médicale aérienne au profit du Groupe Sonatrach, propriétaire de Tassili Airlines, la maison-mère de Tassili Travail Aérien. Mais ce projet, le docteur Kourdourli n’a jamais pu le mener jusqu’au bout. Il a été licencié 2013. Un licenciement qui intervient, selon lui, après avoir refusé de contribuer au recrutement de ces pilotes dont un grand nombre étaient des fils de hauts dirigeants. Pour étayer ses accusations, Hassaine Kourdourli affirme détenir plusieurs documents attestant de la véracité de ses propos.
Contacté par nos soins, il a accepté de livrer des informations prouvant que le recrutement de ces pilotes et leur sélection n’obéit à aucun critère académique ou professionnel. « Ce sont des fils de hauts responsables occupant des fonctions sensibles au sein de plusieurs institutions de l’Etat. Ils ont été sélectionnés alors qu’ils n’avaient même pas leur baccalauréat, ni encore moins un cursus universitaire », accuse-t-il. Notre interlocuteur a exhibé un document où il relate les noms, prénoms ainsi que les notes récoltées par les candidats sélectionnés par Tassili Travail Aérien. Parmi ces heureux candidats, Hassaine Kourdourli a identifié les fils d’un colonel du DRS qui a occupé un poste à la direction générale de Sonatrach à Alger, le neveu de l’actuel ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, le fils du chef de cabinet du ministère de l’Energie, le fils de l’ex présidente de la chambre d’accusation du tribunal d’Alger ainsi que des fils de plusieurs autres hauts cadres dirigeants d’entreprises publiques ou de divers ministères.
D’après Hassaine Kourdourli, les résultats du concours de recrutement ont été donc entièrement faussés et « des candidats ont été même admis sans passer le concours ». Il a décidé de rendre public ces dépassements pour « sensibiliser l’opinion publique et les autorités compétentes ». Pour ce faire, il récolte toutes les données et résultats du concours dans un document, dont nous détenons une copie. Il a également décidé d’adresser une correspondance à Amar Ghoul, ministère des Transports, pour l’informer et le faire réagir.
Par ailleurs, Hassaine Kourdourli affirme que ce scandale a coûté à la compagnie plus de trois millions d’euros. « Oui, trois millions d’euros ont été dépensés pour recruter et former ces pilotes qui ont été par la suite envoyés en Serbie, pour bénéficier d’une formation dans une école d’aviation spécialisée », confie notre interlocuteur d’après lequel cette formation en Serbie a coûté plus de 2,4 millions d’euros. Une somme à laquelle il faut ajouter plusieurs millions de Da, croit savoir Hassaine Kourdourli, car ces 48 stagiaires ont suivi, avant de s’envoler vers la Serbie, une formation dans une école d’aviation algérienne agréée, à savoir Aurès Aviation, une école basée à Batna.
Une formation en Serbie et des bourses en euros
« Mes soucis ont commencé quand j’ai refusé de déclarer inaptes trois stagiaires partis pour la Serbie en 2012. La direction générale de la compagnie a fait pression sur moi pour invalider leurs aptitudes. Les responsables de la compagnie voulaient les remplacer par des fils de dirigeants. Mais j’ai refusé de céder et ils ont recouru à des médecins serbes, qui travaillaient dans les chemins de fer, pour déclarer leur inaptitude ! Ces candidats n’avaient pas dans leurs familles des parents puissants. Ils n’ont, d’ailleurs, mêmes pas été remplacés et personne ne connaît le sort du budget de leurs bourses en euros « , révèle cet ancien cadre dont la vie « a été complètement bouleversée à cause de ce scandale ».
Favoritisme, clientélisme et gestion opaque d’un budget très conséquent, les accusations de Hassaine Kourdourli sont lourdes et gravissimes. Par souci d’objectivité et d’honnêteté, nous avons sollicité la direction générale de Tassili Travail Aérien pour obtenir des éclaircissements. Celle-ci a nié en bloc ces accusations et affirme sa pleine disposition à ouvrir ses bureaux pour présenter tous les documents qui attestent de sa bonne foi.
« M. Hassaine Kourdourli a été licencié en 2013. Et son licenciement a été approuvé par l’inspection du travail et la justice. Il essaie maintenant de casser son ancienne entreprise. Il a été licencié parce qu’il a proféré des propos diffamatoires à l’encontre du PDG de l’entreprise. Il a prononcé aussi des menaces de mort à l’encontre de plusieurs dirigeants de la compagnie », indique la direction générale de Tassili Travail Aérien.
La compagnie réagit s’explique et accuse
Selon cette même source, les accusations dont elle fait l’objet ne s’appuient sur aucun fait fondé. « Le concours de recrutement s’est déroulé selon la loi 04-414, une réglementation qui définit les pré-requis du pilote. Nous avons effectué également une présélection. Tout a été fait selon les règles en vigueur dans notre pays. Il n’y a aucun document officiel qui oblige une compagnie aérienne en Algérie à exiger un niveau Bac+2 aux élèves pilotes sélectionnés », assurent encore les responsables de Tassili Travail Aérien, d’après lesquels aucun des 48 futurs pilotes sélectionnés n’a été choisi pour ses liens de parenté avec un ministre ou haut responsable algérien.
« Au contraire, quand nous avons écarté 3 candidats en raison de leurs inaptitudes, nous avons subi des pressions de hautes personnalités pour les garder en poste. Mais notre directeur général a été ferme et a refusé de s’y soumettre. Il a fait savoir qu’il n’acceptera jamais de prendre le risque de ramener, par la suite, des voyageurs dans un cercueil à cause d’un mauvais recrutement », nous apprend la même source.
Concernant le coût de cette formation, Tassili Travail Aérien indique qu’il n’a pas dépassé les 2 millions d »euros. S’agissant de l’école serbe qui a accueilli les élèves pilotes algériens, la compagnie aérienne expliqu’il s’agit d’une école internationalement reconnu. « SMATSA Aviation Academy est une prestigieuse école militaire serbe gérée par un général et réputée dans le monde entier. Air Algérie a formé ses pilotes dans cette école à maintes reprises. Nos pilotes ont suivi une formation pratique là-bas après avoir bénéficié d’une formation théorique à Batna, chez Aures Aviation. Il était prévu que leur formation se poursuive à Batna, mais des incidents survenus dans cette école nous ont obligés de résilier à l’amiable le contrat initial. Nous avons tous les rapports qui prouvent le bien-fondé de nos décisions. Des décisions approuvées par notre direction de l’aviation civile », souligne enfin la direction générale de Tassili Travail Aérien.
« C’est nous qui avons subi des pressions de hautes personnalités »
Celle-ci affirme qu’elle n’a absolument rien à se reprocher et nous apprend, en dernier lieu, que ces 45 pilotes achèvent leur formation à Boufarik au niveau de la base militaire de l’ANP. Ils effectuent une dernière formation » de qualification de types machines ». Quelques-uns de ces pilotes ont commencé à piloter les 19 appareils dont dispose Tassili Travail Aérien. Les pilotes de cette compagnie seront-ils dès lors à la hauteur ? L’avenir nous le dira. Mais il serait bon que notre justice enquête dans ce genre d’affaires pour protéger nos entreprise contre tous les abus de pouvoir ou de trafic d’influence, des fléaux qui permettent malheureusement aux proches d’hommes puissants d’occuper un travail qu’ils ne méritent pas…
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