Cinéma: «Miséricorde», un film en forme de chef-d’œuvre
«Miséricorde» est le nouveau long métrage d’Alain Guiraudie qui est un cinéaste puissant dont «L’inconnu du lac» avait impressionné les spectateurs. C’est dans quelques chapitres de «Rabalaïre» qu’Alain Guiraudie est allé puiser la narration de son film qui fut présenté à Cannes au printemps dernier. En l’adaptant bien entendu, en transformant de nombreux éléments, notamment […]
«Miséricorde» est le nouveau long métrage d’Alain Guiraudie qui est un cinéaste puissant dont «L’inconnu du lac» avait impressionné les spectateurs. C’est dans quelques chapitres de «Rabalaïre» qu’Alain Guiraudie est allé puiser la narration de son film qui fut présenté à Cannes au printemps dernier. En l’adaptant bien entendu, en transformant de nombreux éléments, notamment certains noms, l’auteur sachant avec pertinence que les bonnes idées littéraires ne donnent pas forcément naissance à de bonnes idées cinématographiques.
L’intrigue, assez simple, et pas du tout simpliste, est centrée sur le personnage de Jérémie (dans le roman on l’a vu il se prénomme Jacques) qui revient à Saint-Martial (village situé là encore dans l’Aveyron, entre le Larzac et les Cévennes en France) pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine (la Rosine du roman) sa veuve, interprétée par une Catherine Frot comme on ne l’a jamais vue, en état de grâce et pas seulement en raison du titre du film. Puissante, mystérieuse, elle apparaît et nous voilà comme Jacques tout à fait conquis. Mais les choses pour lui ne vont pas s’enchaîner sereinement, c’est le moins que l’on puisse dire, Vincent (l’Eric du roman) le fils de la veuve (incarné par Jean-Baptiste Durand, le réalisateur de «Chien de la casse») n’acceptant pas que ce Rabalaïre (le terme n’est pas ici employé mais l’esprit demeure) s’installe dans la maison, prétextant là encore qu’il pourrait séduire sa mère.
Le drame est inévitable et aura lieu tandis qu’un abbé aux intensions étranges (poignant et drôle Jacques Develay), Walter (le Marc du roman) un voisin armé d’un fusil, (intense David Ayala) un gendarme fouineur, et son adjointe perspicace, sans oublier Martine, se lanceront dans une course vers une vérité qui se dérobe. Notons aussi la présence magnétique de Félix Kysyl, exceptionnel de densité dans la peau de Jérémie, taiseux en quête du salut de son âme, et celle des champignons qui comme dans le livre de Sacha Guitry et le long métrage de François Ozon «Quand vient l’automne» deviennent des personnages du récit à part entière.
«Mon film, précise Alain Guraudie, c’est le retour au pays d’un jeune gars qui retrouve son ami d’adolescence et de jeunesse et ça ne se passe pas très bien entre eux». Évoquant dans ce qui est au final un thriller époustouflant de maîtrise, où l’accent est mis sur la valeur des silences par le biais de très gros plans sur les visages, les notions de cocon familial, l’idée de faute et de pardon. Alain Guiraudie précise quant à sa mise en scène : «J’avais très envie de filmer l’automne qui est un personnage à part entière du récit». La photographie confiée à Claire Mathon qui réalise un travail digne des grands peintres flamands y contribue largement.
R. I.
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