Crimes français en Algérie et crimes nazis : ça dépend de la tenue du criminel
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Une contribution du Dr A. Boumezrag – Il est fascinant de voir à quel point l’histoire est un tribunal à géométrie variable. Les crimes nazis ? Jugés, condamnés, enseignés, mémorialisés. Les crimes coloniaux français ? Classés sans suite, rangés dans un tiroir poussiéreux de l’amnésie nationale, avec pour seule mention : «Contexte historique complexe». Ah, la magie du storytelling républicain !
Quand un officier SS ordonnait un massacre, il était un monstre, un ennemi de la civilisation. Quand un général français réprimait une révolte indigène à coups de bombardements et de tortures, il était un serviteur de la patrie, garant de l’ordre et du progrès. Curieusement, la barbarie n’a pas la même odeur selon qu’elle s’exerce sous un casque à pointe ou sous un képi.
Prenons l’exemple d’Oradour-sur-Glane, symbole absolu de la sauvagerie nazie. A juste titre, la mémoire nationale française en a fait un sanctuaire de l’horreur. Mais que dire des enfumades du Dahra en 1845, où des centaines de civils algériens furent asphyxiés dans des grottes par les troupes du général Bugeaud ? Que dire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, le 8 mai 1945, où, alors que l’Europe célébrait la victoire sur le nazisme, la France bombardait et exécutait des milliers d’Algériens qui réclamaient leur indépendance ? En 1957, durant la Bataille d’Alger, la torture fut élevée au rang de politique d’Etat, avec l’aval du gouvernement français, à grand renfort de gégène et d’exécutions sommaires.
Ah, mais non, voyons ! Tout cela relève des «accidents de parcours», des «excès individuels», voire du «devoir de civilisation». Peut-être que les victimes auraient dû avoir la présence d’esprit de naître sous une autre latitude pour bénéficier d’une reconnaissance officielle.
La France, chantre des droits de l’Homme, a érigé la mémoire en instrument politique. Les nazis ont été punis car il le fallait, car il était inconcevable de ne pas le faire. Mais reconnaître que la République a, elle aussi, les mains rouges de sang ? Impensable. Ce serait remettre en cause le mythe du bienfaiteur universel, celui qui apporte l’instruction et les chemins de fer… avec un soupçon de répression sanguinaire en option.
L’ironie atteint son paroxysme lorsque l’on se souvient que la France a signé en 1948 la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Pourtant, au même moment, elle réprimait violemment l’insurrection malgache (1947-1948), faisant des dizaines de milliers de morts, dans un silence assourdissant. Et que dire du massacre du 17 octobre 1961 à Paris, où la police française, sous les ordres de Maurice Papon, jeta des dizaines d’Algériens dans la Seine ? Une tragédie niée pendant des décennies avant une reconnaissance timide en 2021.
En 2017, Emmanuel Macron avait osé prononcer l’inavouable en qualifiant la colonisation de «crime contre l’humanité». Tollé immédiat. Comment ose-t-on comparer l’incomparable ? C’est vrai, la mise à sac de continents entiers, la négation de l’humanité de millions de colonisés et la répression systématique des révoltes, ce n’est pas un crime contre l’humanité ; c’est juste une «mission civilisatrice» mal comprise.
N’est-ce pas la France ? Une nation qui se drape dans les droits de l’Homme tout en triant ses crimes sur mesure. Une mémoire à géométrie variable où l’on juge la barbarie selon l’uniforme du bourreau. Une République qui célèbre la Résistance mais occulte la répression, qui condamne les chambres à gaz mais oublie les grottes enfumées.
Une France qui, hier, a massacré à Sétif et torturé à Alger, et qui, aujourd’hui, s’offusque qu’on ose rappeler ces vérités dérangeantes. Une France qui se veut exemplaire mais qui choisit soigneusement ses remords. Une France qui, en 2024, honore la mémoire des victimes du Vel’ d’Hiv’ tout en rejetant toute responsabilité dans le racisme systémique hérité de son passé colonial. Une France qui sermonne les autres sur la morale mais reste aveugle à son propre héritage.
Mais soyons optimistes ! Un jour, peut-être, un président français se tiendra devant un mémorial inconnu d’Algérie ou du Vietnam et prononcera ces mots : «Nous reconnaissons que la France a commis des crimes contre l’humanité.» D’ici là, continuons à faire semblant que la barbarie ne se mesure qu’à l’uniforme de celui qui l’exerce. Après tout, l’Histoire est écrite par les vainqueurs et la mémoire, elle, se choisit à la carte.
A. B.
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