Crise entre l’Algérie et la France : les rapports de force ne sont pas dans l’intérêt des deux peuples
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Une contribution de Razika Adnani – La crise entre l’Algérie et la France n’a jamais été aussi grave que depuis l’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. En France, il ne se passe pas un jour sans qu’on évoque l’Algérie et les Algériens avec des propos qui ne sont faciles ni pour l’oreille ni pour le mental des Franco-Algériens et des Algériens vivant en France. Cette situation très désagréable n’épargne ni les plus intégrés ni les plus amoureux de la France. J’ai vécu une grande partie de ma vie en Algérie. Jamais je n’ai vu de la haine chez les Algériens envers la France ni les Français. S’ils évoquent la colonisation et la guerre, c’est parce qu’elles font partie de l’histoire de leur pays. Raconter son histoire ne signifie pas détester la France et les Français, tout comme les Français racontent l’histoire de la France, mais ne détestent pas les Allemands ou les Anglais. Certes, il y a certaines personnes qui veulent utiliser cette histoire pour servir leurs intérêts politiques ou politico-religieux. Cependant, ils ne représentent pas la majorité de la population algérienne et, en Algérie, jamais l’animosité de la France n’a fait partie du quotidien de la population. Jamais je n’ai pensé dans ma vie que j’allais vivre un jour cette situation. Si on m’avait dit cela il y a à peine quelques jours, j’aurais répondu que c’était impossible, tellement je ne pouvais pas croire qu’il pouvait y avoir de la haine entre les deux peuples.
Mais la réalité est là. Même Michel Onfray s’est mis dans la course à la haine de l’autre. Ce n’est pas étonnant de sa part, lui qui a écrit un article, publié sur son site le 25 novembre 2019, dans lequel il affirme que les problèmes posés par l’islam en France sont causés par les Algériens qui n’ont pas oublié le colonialisme et qui sont nourris de la haine de la France par l’Etat algérien et la télévision algérienne. Alors que la réalité montre que les islamistes ne sont pas tous des Algériens et, parmi les terroristes qui ont commis des actes en France, beaucoup sont nés en France et y ont vécu. Mais je ne vais pas m’étaler sur les propos de Michel Onfray. Je rappelle seulement que c’est lui qui a dit en 2015 que les terroristes avaient frappé la France parce que celle-ci avait bombardé Daech en Irak et en Syrie. C’est une explication qui n’a aucune crédibilité scientifique. Sinon, comment expliquer que l’Algérie, la Tunisie et d’autres pays ont vu leurs enfants prendre les armes contre eux au nom de Dieu alors qu’ils n’ont jamais bombardé qui que ce soit ? L’esprit philosophique, tout comme l’esprit scientifique, oblige à examiner la réalité et dans tous les cas possibles avant de déduire des conclusions ou de formuler des positions.
Bruno Retailleau dit vouloir lutter contre l’immigration et l’immigration clandestine en particulier. Il a raison de le faire. La France est en train de changer et vouloir défendre sa culture, ses valeurs, son mode de vie est naturel et même légitime. Seulement, le phénomène de l’immigration en France ne se limite pas aux Algériens. Ces derniers ne sont pas non plus les responsables de cette situation qui incombe uniquement à la France, qui n’a pas su protéger ses frontières, et aux politiques français qui ont répété pendant des décennies que la France avait besoin d’immigration. Pour remplacer sa population vieillissante ou pour avoir une main-d’œuvre bon marché, la France a décidé de puiser dans la jeunesse des pays du Sud de la Méditerranée, ce qu’elle a réussi, oubliant que l’être humain n’était pas un produit comme les autres.
Le phénomène migratoire, s’il fait partie de l’histoire humaine, peut en effet causer beaucoup de troubles et de déséquilibres au sein des sociétés s’il n’est pas contrôlé, non seulement pour les pays receveurs, mais aussi pour ceux qui voient leur jeunesse, qu’ils ont formée, partir. Cette jeunesse qui n’arrive plus à se projeter dans son pays et qui ne se bat pas pour le construire, vit dans l’attente du départ tant rêvé vers la France (mais aussi d’autres pays) qui ne cesse de leur dire qu’elle a besoin d’eux. C’est en effet une des causes du départ des jeunes et de l’exode des compétences des pays du Sud de la Méditerranée vers la France et vers l’Occident en général. C’est cette situation qui a obligé, en 2024, l’Algérie à durcir ses règles pour empêcher le départ des médecins vers la France. Certes, si la France prend tous les médecins algériens, tunisiens et marocains pour faire tourner ses hôpitaux, elle doit s’attendre à ce que les populations de ces pays viennent chez elles pour se soigner. Sauf qu’ils ne pourront pas tous le faire et beaucoup, par manque de médecins, verront leur état de santé se dégrader ou mourront simplement par manque de soins. Attirer les compétences d’un pays, c’est l’appauvrir et appauvrir les pays du Sud de la Méditerranée revient indirectement à encourager l’immigration clandestine vers l’Europe. L’être humain cherche naturellement à aller là où il pense avoir une meilleure vie.
Quant à la question des OQTF, elle soulève un problème moral profond. La France, et cela est valable pour les autres pays, a-t-elle le droit de trier les populations qu’elle attire chez elle pour en garder les meilleurs : les médecins, les ingénieurs, les banquiers et les artisans, et renvoyer dans leurs pays d’origine les violents, les extrémistes, les tueurs, les terroristes et les violeurs ? Quel avenir, dans ce cas, pour les pays du Sud de la Méditerranée ?
Certes, la France a le droit et le devoir de protéger sa population des délinquants et de ceux qui menace sa sécurité. Cependant, ce n’est pas en désignant un seul peuple qu’elle pourra le faire ni en punissant les Français d’origine algérienne, qui n’auront plus le droit de recevoir les membres de leur famille ni la joie de passer des fêtes avec eux, comme tous les Français, parce que la France ne leur donne plus de visa. Sur le plan juridique, les punitions collectives sont interdites et, sur le plan moral, elles sont inacceptables.
Ce n’est pas non plus en installant des rapports de force avec l’Algérie que la France réussira à mettre fin à cette situation de crise qui n’est ni dans l’intérêt de la France ni de l’Algérie. Les problèmes entre les pays, et particulièrement entre l’Algérie et la France, doivent être réglés par la diplomatie. Le ministre de l’Intérieur de la France ne doit pas prendre des décisions politiques engageant l’Etat français et les Français sur Twitter (X) ni en suivant les comportements de foule sur ce réseau.
R. A.
Islamologue, philosophe
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