Des Merkava en cendre dans le pays du Cèdre : les fantasmes d’Israël engloutis
Une contribution d’Ali Akika – Toute armée «normale» tire des leçons du conflit qui l’a opposée à son dernier ennemi. Commençons... L’article Des Merkava en cendre dans le pays du Cèdre : les fantasmes d’Israël engloutis est apparu en premier sur Algérie Patriotique.
Une contribution d’Ali Akika – Toute armée «normale» tire des leçons du conflit qui l’a opposée à son dernier ennemi. Commençons par l’armée d’Israël. Avant 2006, elle se berçait d’illusions d’être la 5e armée du monde, réputation colportée par une propagande qui oublie de signaler que les «exploits» de cette armée reposent sur l’énorme flux d’argent et d’armement de son protecteur. Ajoutons à ces cadeaux du généreux protecteur l’exploitation des faiblesses de ses ennemis de la région à régime néo-féodal et même de la trahison de certains d’entre eux. Sauf que depuis 1967 date de la guerre dite des «Six Jours», beaucoup d’eau a coulé aussi bien dans le Nil que dans le Jourdain.
Ainsi, en 2006, le Hezbollah ayant humilié Israël en kidnappant des soldats de son armée, celle-ci fonça tête bêche en territoire libanais, oubliant que dans le Litanie, fleuve libanais, beaucoup d’eau avait aussi coulé depuis 1967. Trente-trois jours de guerre se soldèrent pour Israël par une amère défaite qu’il se jura d’effacer des livres d’histoire. Et sa manière de l’effacer, c’est d’appliquer en 2024 sa bonne doctrine militaire, écraser l’ennemi sous un tapis de bombes sans se soucier de qui ce soit et du quoi que ça coûte. Il oublia une chose, que ses coriaces et redoutables ennemis ont amplifié et perfectionné leurs moyens de combat en hommes et en matériels et en pratiquant l’art de la guerre populaire.
Voyons la vision de la guerre que nous offrent les protagonistes depuis le 7 octobre 2023. Israël abasourdi par le choc qu’il venait de subir de l’opération de la résistance palestinienne avait la hantise de voir se renouveler pareille opération dans le nord du pays. Il envoya des divisions renforcer la défense des villes et villages du nord tout en faisant déménager les populations de la région. Il pratiqua la guerre préventive en bombardant les villes et villages du sud Liban pour faire fuir les populations et détruire les infrastructures militaires et arsenaux de la résistance. Celle-ci répliqua par la guerre d’usure pour à la fois épuiser l’ennemi et l’obliger à maintenir des troupes au nord pour diminuer la pression sur les Palestiniens à Gaza.
Guerre de destruction massive contre guerre d’usure, à ce jeu Israël était perdant car le temps (insoumis et ami de la patience) n’a pas les mêmes impacts sur les ennemis. Israël se rendit compte que le temps ne jouait pas en sa faveur et que les buts de sa guerre s’éloignaient au fil du temps. La combinaison de l’échec politique et de la crise économique qui faisait fuir capitaux et compétences des cadres de l’industrie menaient droit à l’effondrement selon les élites israéliennes (militaires et politiques) qui n’occupaient plus des fonctions dans l’appareil d’Etat…
En revanche, la guerre d’usure convenait à la résistance libanaise à la fois pour libérer un petit territoire libanais appelé les fermes de Chabaâ, et pour venir en aide à la Palestine et la Syrie, pays bombardés par Israël de façon préventive en invoquant n’importe quel prétexte.
Voilà pourquoi le 17 septembre 2024, pour sortir du bourbier dans lequel il pataugeait depuis le 7 octobre 2023, Israël lança sa guerre préventive massive et totale contre le Liban. Explosion à Beyrouth de bipeurs et autres talkie-walkie qui firent 3 000 blessés, suivie de bombardements sauvages visant les bâtiments du haut commandement de la résistance. Ayant retenu certaines erreurs, l’armée d’Israël ne fonça pas la fleur au fusil dans l’invasion terrestre comme en 2006. Après Beyrouth, c’est au tour du sud Liban de le vider de ses populations en bombardant les villes et en rasant carrément des villages pour étouffer les combattants et les empêcher d’être des poissons dans l’eau selon la formule de Mao Tsé Toung.
Nous Algériens nous rappelons des Bigeard et autre Godard qui ont fait la guerre d’Indochine et ont voulu appliquer les théories de Mao à leur sauce coloniale, en forçant les populations à rejoindre des camps dits de regroupement de triste mémoire. C’est ce que fait Israël, au moment j’écris cet article, aux habitants de Jabaliya à Gaza (1). Je fais allusion à l’Algérie et à Gaza, pour dire que leur «art» de la guerre a plus de lien avec le crime et la barbarie qu’avec l’art de la guerre qui est le produit de l’histoire analysée par l’intelligence des humains. Et cet «art» criminel qui a échoué échouera à nouveau au Liban. A l’heure actuelle, les quatre divisions qui viennent de recevoir le renfort d’une brigade se prépareraient pour une invasion terrestre.
Pour l’heure, cette attente me rappelle le film Le Désert des Tartares où l’horizon infini du désert fait monter l’angoisse ou l’ennui des sentinelles-soldats. En réalité, les divisions israéliennes attendent les résultats des incursions de petits groupes de soldats dont la mission est de tester et d’évaluer les capacités de combat des résistants libanais. Pour l’heure, depuis un mois ces soldats israéliens entrent puis reviennent à leurs bases en subissant des pertes dont le nombre publiable est passé au préalable à la lessiveuse de la censure militaire.
Après ce mois d’attente, on peut se demander pourquoi les quatre divisions restent immobilisées. Que craignent ces quelque 50 000 hommes avec blindés et avions ? Pourquoi hésiter quand on a annoncé que 70% de l’armement de l’ennemi a été détruit et le haut commandement décapité ? Est-ce que cette invincible armée attend les effets de l’appel de Netanyahou invitant le peuple libanais à se débarrasser de ses «terroristes» ? Où est-ce simplement les pertes déjà lourdes à Gaza que Netanyahou veut éviter à son armée au Liban, hanté qu’il est par les mauvais souvenirs de 2006 ?
Netanyahou a raison d’être prudent d’autant que le week-end il a reçu un message à travers un drone qui a échappé à un dôme de fer qui commence à rouiller au regard de son âge avancé. Un drone-message venant du Liban comme riposte aux bombardements inqualifiables de Beyrouth et d’autres villes dans tout le pays. Et bizarrement, Netanyahou a désigné l’Iran l’auteur de ce message à travers le drone survolant son domicile ! Encore un prétexte pour dire à son ami américain de lui lâcher la bride pour régler ses comptes avec l’Iran. Régler ses comptes, c’est la formule qu’il a utilisée au sujet de la mort de Yahya Sinouar sur le champ de bataille. En bon Américain, Netanyahou a en tête le film Western Règlement de comptes à O. K. Corral.
Après avoir fait patienter ses divisions à la frontière libanaise, Netanyahou fait attendre ses aviateurs programmés nous dit-on pour attaquer l’Iran. L’Iran serait-il la dernière tentative, après Gaza et le Liban, d’entraîner l’Amérique dans un conflit élargi pour qu’Israël ne soit plus seul à faire la guerre pour «sauver» l’Occident ? Le doute à l’encontre de Netanyahou commence à s’installer un peu partout. Des signes du côté des Etats-Unis et de la France et du G7 nous «disent» que la théorie du maître et de l’esclave que j’ai souvent citée est en train de balancer du côté des maîtres qui voient leurs intérêts menacer par leur enfant gâté qui n’en fait qu’à sa tête.
Jusqu’à présent, les pièges tendus par Netanyahou pour entraîner l’Amérique n’ont pas fonctionné car, hélas, écraser Gaza et le Liban n’empêche pas l’Occident des Etats de dormir. En revanche, l’Iran c’est une autre paire de manche. Puissance dans le Golfe, l’Iran peut assoiffer les gloutonnes industries en carburant sans compter ses missiles et ses nuées de drones qui ont le don de se faufiler dans le ciel et toucher tout pays qui aurait la «bonne» idée de collaborer à l’agression de leur pays. Comme on ne peut lire dans la tête d’un Netanyahou sous pression de son idéologie messianique et l’angoisse de rendre des comptes et de se retrouver en prison, osons des hypothèses en se fiant sur les rapports de force et les particularités historiques de notre époque…
Première hypothèse, les Etats-Unis arrivent à retenir Netanyahou car ils ne veulent pas perturber leur élection présidentielle, parce que la guerre d’Ukraine est une pièce maîtresse contre la Russie, parce que la Chine montre sa force à Taïwan, le G7 qui s’est réuni à Berlin a appelé à calmer le jeu au Liban, parce qu’enfin les BRICS réunis en Russie, réserve dit-on réserve des surprises à l’Occident. Bref les Etats-Unis permettront peut-être à Netannyahou de riposter en envoyant un drone d’un navire de la 6e flotte américaine. C’est ce que fit Israël pour sauver la face après la magistrale leçon des Iraniens dans la nuit du 13 au 14 avril 2024.
Seconde hypothèse, Netanyahou n’écoute que sa rage de vengeance et lance ses missiles et ses bombardiers sur l’Iran. On peut supposer que les Iraniens avertis par leurs propres services de renseignement mais aussi par une fuite venant du Pentagone qui a révélé les plans d’attaque d’Israël, fuites qui ont étranglé Israël d’une furie sans nom. Est-ce un coup bas du Pentagone qui ne veut pas d’une guerre avec l’Iran et veut faire comprendre à Netanyahou que les intérêts américains priment sur ses aventures messianiques.
Ainsi, si Netanyahou ne se contente pas de «l’exploit» de son drone en Iran comme en avril, on pourrait assister à un feu d’artifice lorsque les missiles et les bombardiers d’Israël et d’Iran se croiseront au-dessus du Golfe, mais sans les Américains. Et oui sans son protecteur rien n’est possible ! C’est pourquoi le ministre de la Défense israélien a demandé publiquement de laisser Israël bombarder l’Iran (sous-entendu ça ne vous coûtera rien) mais à condition de nous défendre contre la riposte iranienne. Si cette demande de protection lui est refusé, on peut parier qu’Israël n’attaquera pas (ou se contentera du drone symbolique) car la riposte iranienne serait insupportable en l’absence des armées américaine, anglaise et française comme en avril et début octobre 2024. En plus de la conjoncture internationale décrite plus haut, Israël réfléchira à deux fois avant d’attaquer l’Iran aujourd’hui.
Un autre facteur oublié par les «experts», c’est l’intervention des résistances, du Liban, de l’Irak, du Yémen, qui se coordonneront avec l’Iran pour saturer le ciel pour gêner l’attaque d’Israël et, en revanche, favoriser et soutenir la riposte iranienne. Et pour finir, n’oublions pas que les armées d’Israël pataugent dans le sud Liban, se font toujours accrocher à Gaza, bourbier caché par la presse servile qui se complait de montrer des bombardements de Beyrouth qu’ils font passer pour des hauts faits de guerre alors qu’ils sont la manifestation d’une rage de l’impuissance d’une armée qui a «conquis» uniquement que des villages abandonnés et situés à quelques kilomètres de la frontière.
Des villages d’où sortent des combattants qui vont à la rencontre de l’ennemi et bataillent en tactique rapprochée et même au corps à corps pour empêcher que l’aviation ne bombarde le champ de bataille où se confrontent les deux ennemis. Enfin, que ce soit avec la résistance ou avec l’Iran, Israël est prisonnier de sa doctrine militaire que l’on peut résumer ainsi, attaquer l’ennemi sur son territoire en utilisant sa supériorité aérienne pour combler ses faiblesses. Celles-ci se nichent dans son incapacité à soutenir une guerre longue coûteuse en hommes et paralysie ou ralentissement de l’économie et en l’absence d’une profondeur stratégique pour éloigner le danger venant des frontières (ses bases militaires sont à la portée des fameuses roquettes russes Korvet qui font un ravage parmi les chars Merkava).
Quant à l’Iran, elle a su et pu combler ses faiblesses dans le domaine de l’aviation dues à l’embargo américain, en mettant en place une industrie de l’armement produisant des drones et des missiles hypersoniques comme armes défensives qui attaquent et causent des dégâts qui refroidissent les ardeurs des ennemis. S’agissant de sa défense proprement dite du territoire, l’Iran s’est procuré les redoutables S 300 russes contre les bombardiers agresseurs. Voilà donc le paysage visible et caché de la confrontation ouverte et celle à venir. Des signes et des faits cachés nous donnent une idée des résultats de demain. Et depuis le 7 octobre le temps n’obéit plus à leur technologie et leur Messi dont ils attendaient la venue est en réalité un père Noël qui ne viendra pas, ne viendra plus.…
Pour l’heure, pour conclure, disons que la beauté du Liban et de ses sites antiques, ce pays de Cèdres, appelé jadis la Phénicie, est la patrie de la princesse Europe (qui donna son nom à l’Europe actuelle) et des ancêtres d’Hannibal. Hannibal, devenu carthaginois, partit de la Tunisie actuelle, traversa l’Algérie, l’Espagne, la France et les Alpes pour menacer Rome (qui avait envahi l’Afrique du Nord) et lui fit comprendre de ne plus emmerder la rive méditerranéenne de l’Afrique. A ces faits historiques que l’on ne peut traficoter, terminons par cette phrase de Spinoza : «L’homme peut maîtriser l’espace géographique mais il est impuissant devant le temps.»
A ceux qui ont la tentation d’effacer l’histoire, donc le temps indomptable, qu’ils sachent que les terres conquises finissent par engloutir les fantasmes des aventuriers d’hier comme d’aujourd’hui, l’histoire en est témoin !
A. A.
(1) Le silence de la honte de toute la clique des féodaux des «Accords d’Abraham» va être leur faille d’où va s’engouffrer le vent qui nettoiera leurs écuries d’Augias.
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