Quand la France marche pieds nus sur le sable brûlant du Sahara Occidental
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Une contribution du Dr A. Boumezrag – Dans le désert du Sahara Occidental, le sable n’est pas seulement brûlant par le soleil, il l’est aussi par les tensions géopolitiques qui continuent de diviser la région depuis des décennies. Entre le Maroc, l’Algérie et les revendications d’autodétermination du peuple sahraoui, la France tente de se frayer un chemin, mais chaque pas est un risque. L’annonce de son soutien au plan d’autonomie marocain par Emmanuel Macron a marqué un tournant qui continue de susciter des débats, et parfois des incompréhensions.
Entre diplomatie et géopolitique : une position brûlante
A première vue, cette reconnaissance semble pragmatique. Le Maroc est un allié stratégique et la France a des intérêts économiques et sécuritaires à préserver dans la région. Mais cette position, qui se veut un «soutien à la stabilité», apparaît pour beaucoup comme un retour à des politiques de double standard : d’un côté, la France se présente comme un défenseur des droits humains et de la justice ; de l’autre, elle soutient la revendication territoriale d’un allié, malgré les aspirations sahraouies à l’autodétermination.
Ce soutien à des conséquences directes. Pour l’Algérie, principal allié du Front Polisario et fervent défenseur des droits du peuple sahraoui, cette position est ressentie comme une menace et une ingérence indirecte dans les affaires régionales. Les relations algéro-françaises, déjà fragiles, n’ont pas cessé de se tendre sur ce dossier, chaque geste diplomatique étant interprété comme une prise de position explicite ou implicite dans le conflit algéro-marocain.
Le poids du passé colonial
Ces tensions ne se limitent pas aux réalités géopolitiques actuelles ; elles résonnent aussi avec le passé colonial de la France en Afrique du Nord. L’Algérie, ancienne colonie française, garde en mémoire les souffrances vécues pendant la colonisation, et son indépendance, chèrement acquise en 1962, reste l’une des marques identitaires les plus fortes du pays. Le Maroc, lui, a connu le protectorat, un régime moins violent mais tout aussi intrusif. Aujourd’hui, en soutenant le plan d’autonomie marocain, la France s’engage sur un terrain où résonnent encore les souvenirs de cette époque coloniale.
Cette ambivalence historique pose question : comment la France peut-elle prétendre défendre les valeurs de justice et de droit à l’autodétermination en Afrique tout en soutenant un projet d’annexion qui divise ? Sa position semble faire écho à des choix de pouvoir, remettant en question son impartialité dans les luttes d’émancipation actuelles.
Une diplomatie à la croisée des chemins
Alors, que cherche réellement la France ? Peut-elle et veut-elle maintenir un équilibre dans cette région où chaque geste est analysé et où chaque mot peut enflammer des relations déjà fragiles ? En s’aventurant pieds nus sur le sable brûlant du Sahara Occidental, elle montre les limites de sa diplomatie, prise entre des intérêts immédiats et les leçons d’un passé colonial qu’elle peine encore à assumer pleinement. Pour ses détracteurs, ce choix montre une mémoire sélective ; pour d’autres, il s’agit simplement de réalités politiques incontournables.
Par cette position de funambule dans ses relations avec l’Algérie et le Maroc, qui consiste à ménager l’un sans froisser l’autre, la France ne fait que souligner son propre dilemme : bâtir des relations basées sur les principes de liberté et de justice ou poursuivre une stratégie d’intérêts économiques et politiques à court terme. Tant que ces contradictions ne seront pas transmises, la diplomatie française continue de marcher, pieds nus et prudents, sur un terrain aussi instable que brûlant.
En conclusion, la France se retrouve en position délicate, partagée entre des intérêts stratégiques et des attentes de cohérence morale. Son choix de reconnaître implicitement la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental semble répondre à des impératifs géopolitiques, mais met en lumière des incohérences avec les déterminants d’autodétermination qu’elle revendique ailleurs. Face à l’Algérie, qui ne manque pas de rappeler son propre passé colonial et sa quête d’indépendance, ce positionnement semble maladroit, voire contradictoire, comme si la France n’avait pas pleinement tiré les leçons de son histoire en Afrique du Nord.
Alors qu’elle continue à s’aventurer sur le terrain brûlant du Sahara Occidental, la France devra sans doute reconsidérer sa diplomatie en fonction de ses valeurs autant que de ses intérêts. Une politique extérieure marquée par plus de cohérence, de transparence et de respect des droits des peuples pourrait lui permettre de naviguer plus sereinement dans une région où la moindre maladresse peut rallumer les braises d’un passé complexe et parfois douloureux.
«Il ne peut y avoir de paix durable sans justice, ni de justice sans une écoute réelle des aspirations des peuples. Seule une diplomatie ancrée dans la vérité et le respect des droits peut transformer les défis en opportunités», affirmait Aminata Traoré, militante et ancienne ministre de la Culture du Mali. Cette citation rappelle l’importance de l’équité et de l’écoute des droits des peuples, un principe crucial pour comprendre les tensions autour de l’autodétermination au Sahara occidental.
A. B.
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