Le délire américain
Une rencontre est prévue demain à Doha entre le chef de la CIA, celui du Mossad, et le chef du gouvernement qatari en vue de renouer le fil des négociations devant conduire à un cessez-le-feu à Ghaza ainsi qu’à un échange de prisonniers entre la résistance palestinienne d’une part, Israël de l’autre. Parallèlement, une délégation […]
Une rencontre est prévue demain à Doha entre le chef de la CIA, celui du Mossad, et le chef du gouvernement qatari en vue de renouer le fil des négociations devant conduire à un cessez-le-feu à Ghaza ainsi qu’à un échange de prisonniers entre la résistance palestinienne d’une part, Israël de l’autre. Parallèlement, une délégation du Hamas est censée se trouver au Caire dans la même perspective. Rappelons que ces négociations sont à l’arrêt depuis maintenant plusieurs semaines. Elles reprennent, ou plus exactement tentent de reprendre, sur demande exclusive des Etats-Unis pour qui la disparition de Yahya Sinouar, présenté par eux comme principal obstacle à la conclusion d’un accord, est une opportunité qu’il faut saisir dès à présent par crainte qu’elle ne se dissipe dans un contexte en perpétuelle évolution. Les Américains se doutent assez qu’il n’en est rien, que ce ne sont pas les Palestiniens qui sont opposés à un accord mais bien les Israéliens, pour qui accord et défaite sont en l’espèce synonymes. On parle de relancer les négociations. L’expression n’est pas exacte, car elle suppose que quelque chose a été arrêté dont il conviendrait de reprendre le cours. Or pour les Américains, les initiateurs de ce nouveau cycle, si cycle il y a, ce qui n’est guère évident, au regard de ce que la guerre est devenue, il ne s’agit pas tant de reprendre un processus que d’en initier un tout nouveau, différent du premier justement en ce que l’obstacle à un accord a disparu.
Pour eux, la guerre étant d’ores et déjà gagnée par Israël, qui a détruit Ghaza et tué Sinouar, négocier n’a plus le même sens désormais. Du temps où Sinouar était encore vivant, négocier voulait dire l’amener lui en particulier à composition. Maintenant qu’il n’est plus là, négocier revient à convaincre Israël non pas de faire des concessions douloureuses mais qu’il a gagné la guerre, et que comme vainqueur il doit mettre fin aux hostilités, seul moyen d’obtenir la libération des otages, dont après tout quelques-uns sont Américains. Ainsi donc, il y a toujours un obstacle, sauf qu’il n’est plus palestinien, mais israélien. Anthony Blinken a fait toute une tournée dans la région pour défendre ce point de vue déconnecté de la réalité. Il a exhorté pendant les trois heures passées avec lui Benjamin Netanyahou à transformer la victoire militaire déjà remportée par Israël en victoire stratégique. Blinken venant pour la dernière fois au Moyen-Orient semble croire qu’il n’est plus comptable de rien, qu’il peut dire toutes les absurdités qu’il veut. Il ne reviendra pas, sa mission est terminée. Celle-ci n’est pas pour autant un échec ; au contraire, à ses yeux, elle est un succès, du moment qu’Israël est sorti de l’épreuve victorieux. Avec de tels présupposés américains, le nouveau round est terminé avant de commencer. Blinken s’est gardé de le dire explicitement, mais pour lui il ne reste au Hamas qu’une seule bonne chose à faire : reconnaître sa défaite, se rendre, accepter de disparaître. Mais si tel était vraiment le cas, quel besoin auraient les chefs de la CIA et du Mossad d’aller négocier avec lui ? Ils enverraient un groupe de soldats récupérer les captifs là où ils se trouvent et le tour est joué, ceux qui les gardent n’étant plus là pour opposer la moindre résistance.
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