Querelle
Il y a quatre ans, la Grèce et la Turquie s’affrontaient en mer Méditerranée autour de territoires maritimes que les deux pays réclament, bien qu’ils appartiennent offiicellement à Athènes. Le conflit alors faisait craindre une escalade militaire qui aurait dégénéré en guerre. L’Union européenne avait d’ailleurs refusé de s’impliquer et seule la France avait soutenu […]
Il y a quatre ans, la Grèce et la Turquie s’affrontaient en mer Méditerranée autour de territoires maritimes que les deux pays réclament, bien qu’ils appartiennent offiicellement à Athènes. Le conflit alors faisait craindre une escalade militaire qui aurait dégénéré en guerre. L’Union européenne avait d’ailleurs refusé de s’impliquer et seule la France avait soutenu son allié européen. Depuis, les deux pays voisins ont calmé leurs relations et tentent même aujourd’hui d’avoir des liens cordiaux. Mais les anciennes rancœurs refont facilement surface et deux jours avant sa visite officielle à Ankara, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a indiqué, samedi, qu’il allait demander au président turc Recep Tayyip Erdogan d’«inverser la décision» de la reconversion en mosquée de l’ancienne église orthodoxe Saint-Sauveur-in-Chora à Istanbul. La décision de la reconversion de cette église emblématique avait été prise en 2020 par Ankara, «mais le fait que sa mise en œuvre coïncide avec ma visite me permettra certainement de soulever cette question et de voir s’il y a une possibilité d’inverser cette décision», a indiqué Kyriakos Mitsotakis lors d’un entretien à la télévision publique grecque AlphaTv. Lundi dernier, les premiers fidèles musulmans avaient prié à l’intérieur de l’église byzantine de Saint-Sauveur-in-Chora, qui avait rouvert ses portes en tant que mosquée après quatre années de restauration. Recep Tayyip Erdogan, qui a célébré depuis Ankara sa réouverture, avait ordonné sa reconversion en août 2020, un mois après la réouverture au culte musulman de l’ancienne basilique historique de Sainte-Sophie. Le ministère grec des Affaires étrangères avait dénoncé la semaine dernière une «provocation» de la part d’Ankara, estimant que la reconversion de Saint-Sauveur-in-Chora «altère son caractère et porte atteinte à ce monument du patrimoine mondial de l’Unesco appartenant à l’humanité». Outre son histoire millénaire rivalisant avec celle de Sainte-Sophie, l’église de la Chora est surtout connue pour ses magnifiques mosaïques et fresques datant du XIVe siècle, dont une monumentale composition du Jugement dernier. L’annonce en 2020 de sa reconversion en mosquée avait suscité des craintes concernant le sort des mosaïques et fresques de l’édifice, l’islam interdisant les représentations figuratives. La reconversion de Sainte-Sophie et de l’ancienne église de Chora en mosquées, deux monuments inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, est interprétée par des observateurs comme une tentative de galvaniser la base électorale conservatrice et nationaliste du président Erdogan, dans un contexte de difficultés économiques aggravées alors par la pandémie de Covid. Kyriakos Mitsotakis a souligné samedi que la réouverture de cette église était «une action complétement inutile» et «dans une certaine mesure provocatrice» non seulement vis-à-vis des relations gréco-turques mais aussi le patrimoine mondial et «le respect de son caractère intemporel». La rencontre aujourd’hui à Ankara entre les dirigeants grec et turc intervient cinq mois après la visite du président turc à Athènes. Ainsi, ces tentatives de surmonter les différends, surtout territoriaux, qui opposent historiquement les deux pays voisins en Méditerranée de l’Est prendront du temps pour atteindre leur but. Surtout avec Erdogan du côté turc qui souffle le chaud et le froid et n’hésite pas à tenter, certainement pour flatter sa base partisane la plus chauvine, de s’accaparer des territoires maritimes grecs dans l’espoir de trouver des hydrocarbures. Reste à voir si les tentatives d’apaisement réussiront néanmoins à porter leurs fruits, ou si après quelques années d’accalmie les deux pays reprendront leurs querelles.
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