Contribution de Hocine-Nasser Bouabsa – Un moratoire sur le gaz de schiste (II)
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Une contribution de Hocine-Nasser Bouabsa – Dans la première partie de notre analyse parue en le 30 mai dans Algeriepatriotique, nous avons vu que la genèse du gaz de schiste en Algérie est étroitement liée à la issaba de Bouteflika et particulièrement à son ami et ex-ministre de l’Energie recherché par la justice algérienne, Chakib Khelil, qui, rappelons-le, est rentré en Algérie en 1999 avec l’inébranlable conviction et la ferme intention de succéder à Bouteflika grâce au soutien du lobby pétrolier états-unien.
La loi léguée par la issaba qui autorise le gaz de schiste
Déjà en 2004, le pantin des Américains se distinguait par son acharnement à faire passer une nouvelle loi des hydrocarbures très favorable aux multinationales pétro-gazières. Celle-ci aurait, si elle fut votée au Parlement, hypothéqué totalement la fondation éco-financière de la nation algérienne pour plusieurs décennies. Sur ce point, les Algériens ne peuvent que remercier les responsables du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) d’antan qui se sont opposés aux plans maléfiques de Khelil. Leur opposition n’a pas pu empêcher la légalisation de l’exploitation du gaz de schiste dans la loi num. 13-01 du 20 février 2013, mais elle s’est de nouveau manifestée en 2015, lorsque ce dernier opta pour la mise en œuvre forcée de sa feuille de route «schististe», sans tenir compte du refus massif des Algériens.
Heureusement que la révolution pacifique du 22 février 2019, communément appelée Hirak, est venue à temps pour le stopper. Ce qui permettait de renvoyer à l’expéditeur états-unien le natif de Oujda et ancien employé de la Banque mondiale, Khelil, qui, pendant vingt ans, gouvernait comme un Raspoutine le secteur des hydrocarbures algérien. Malheureusement, son départ n’a pas empêché ses relais de continuer ses œuvres compradores et destructives, puisqu’ils ont pu faire voter par l’Assemblée nationale populaire, le 4 novembre 2019, une nouvelle loi des hydrocarbures qui confirma l’option du gaz de schiste initiée par Khelil et octroya aux investisseurs dans le secteur des hydrocarbures non-conventionnelles (gaz de schistes) des avantages fiscaux considérables.
Le gaz de schiste dans l’ère Tebboune : continuité ou rupture ?
Le président Tebboune a été élu un mois après que cette loi favorable aux multinationales pétro-gazières fut votée. Avant et après sa prise de fonction, il promettait aux Algériens, dans le cadre de son slogan de l’Algérie nouvelle, de tourner la page noire de Bouteflika et de réformer le système de gouvernance pour qu’il soit adapté aux attentes du peuple algérien. Sachant qu’un des points les plus honnis par les Algériens pendant le règne de Bouteflika fut l’accointance de son clan avec les lobbies pétroliers étrangers, beaucoup d’Algériens s’attendaient après l’élection d’Abdelmadjid Tebboune à un assainissement de la situation héritée de Chakib Khelil et donc une révision de la loi des hydrocarbures tricotée par ce dernier afin de servir surtout ses sponsors états-uniens. Une telle révision aurait dû, entre autres, interdire l’exploitation du gaz de schiste pour vingt ans. Le temps que le peuple algérien puisse débattre et comprendre les enjeux et dangers de l’exploitation de cette ressource énergétique très polluante.
Abdelmadjid Tebboune avait donc une chance unique de se démarquer aussi de la politique énergétique hasardeuse que son prédécesseur avait élaborée au détriment de l’intérêt suprême de la nation. Pour cela, il aurait pu prendre son temps pour s’informer suffisamment et éviter d’agir dans la précipitation. Malheureusement, il préféra dans ce domaine sensible plutôt la continuité que la rupture.
Le gaz de schiste : un don de Dieu ?
En effet, coup de tonnerre au mois de janvier 2020, donc juste un mois après avoir prêté serment, le nouveau Président prononça dans sa première sortie médiatique une phrase lourde de sens : «Je ne comprends pas les gens qui veulent nous dissuader de profiter de cette richesse, le gaz de schiste est nécessaire… Pourquoi se priver d’une richesse que Dieu Tout-Puissant nous a accordée ?» Bien qu’il ajoutât qu’une commission d’experts sera nommée pour étudier le sujet et formuler une position officielle du gouvernement algérien, la sémantique et la rhétorique de sa déclaration ne laissait d’espace que pour une seule interprétation : le président Tebboune serait convaincu – peut-être obligé par des alias que nous ignorons – de la nécessité d’aller vers l’option du gaz de schiste. Néanmoins, au mois de février 2020, sa position devint un tantinet nuancée, puisqu’il déclara à un journal russe que l’exploitation du gaz de schiste est subordonnée aux conclusions des experts.
Par ailleurs, la nomination dans le gouvernement Djerad de deux critiqueurs de l’exploitation du gaz de schiste, en l’occurrence, Ferhat Ait-Ali à la tête du ministère de l’Industrie et des Mines et Chems-Eddine Chitour à la tête du ministère de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, donna de l’espoir aux opposants de l’exploitation de ce gaz. Malheureusement, leur joie ne fut que de courte durée, puisque Abdelmadjid Attar – un ardent défenseur de l’option du schiste – est nommé au mois de juin 2020 à la tête du ministère de l’Energie. Ce qui donna raison aux plus pessimistes qui croyaient fermement que la politique pétro-gazière du nouveau locataire d’El-Mouradia ne différera pas de celle de la issaba.
Quatre ans écoulés et toujours pas de rapport d’experts
Entre temps, plus de quatre ans se sont écoulés depuis la première sortie médiatique du président de la République en janvier 2020, dans laquelle il promit la désignation d’une commission d’experts qui travaillera sur le sujet épineux du gaz de schiste. Et pourtant, ni Sonatrach, ni le gouvernement, ni la présidence de la République n’ont publié un quelconque rapport de cette commission. Le peuple algérien est donc contraint de lire les articles spéculatifs de presse sur un sujet pourtant très critique qui engage le destin de toute la nation, au lieu d’être informé dans la transparence par les canaux officiels sur les intentions réelles du gouvernement. Une telle situation contredit les promesses du Président qui, lui-même, a à maintes fois assuré les Algériens de sa volonté manifeste d’optimiser la gouvernance de l’Etat et, surtout, de corriger toutes les errances de la issaba déchue.
Le gaz de schiste pourrait, lorsque les conditions de son exploitation seront réunies, devenir le trésor des futures générations. Mais son exploitation problématique nécessite un grand débat national. Alors, pourquoi se presser à prendre des décisions sans consulter le premier concerné, c’est-à-dire le peuple algérien et surtout sa jeunesse. Lors de sa dernière rencontre avec les chefs de partis politiques algériens, le président de la République a promis de les consulter et de consulter l’opinion publique algérienne dans toutes les questions sensibles ou stratégiques les concernant. L’exploitation du gaz de schiste fait partie de cette catégorie de questions. Nous attendons donc que le chef de l’Etat s’exprime ouvertement. Car il ne suffit pas seulement de dire, mais il faut aussi faire. Ceci fait partie des conditions nécessaires à la construction du front interne solide, dont l’Algérie a besoin pour faire face à ses ennemis proches et lointains.
De leur côté, les Algériens devraient avoir le courage et la fermeté de vouloir débattre ce sujet brûlant et bien peser objectivement ses avantages et ses inconvénients. C’est l’objet de la troisième partie de mon analyse, dans laquelle je détaillerai pourquoi il est nécessaire que l’Algérie interdise l’exploitation du gaz pendant encore, au moins, dix ans.
H.-N. B.
(Suivra)
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