Dissuasion

La France est le seul pays européen à disposer de l’arme atomique et l’idée avancée il y a quelques années par François Hollande de partager la dissuasion nucléaire avec l’Allemagne, avait été largement rejetée en France, que ce soit par la classe politique ou l’opinion publique. Aujourd’hui toutefois, à l’heure de la guerre en Ukraine […]

Mars 2, 2025 - 18:45
 0
Dissuasion

La France est le seul pays européen à disposer de l’arme atomique et l’idée avancée il y a quelques années par François Hollande de partager la dissuasion nucléaire avec l’Allemagne, avait été largement rejetée en France, que ce soit par la classe politique ou l’opinion publique. Aujourd’hui toutefois, à l’heure de la guerre en Ukraine et de la montée de la méfiance entre Washington et le Vieux continent, la question d’une alliance renforcée et d’un partage des ressources de défenses des Européens revient sur le devant de la scène. Une idée longtemps taboue sur laquelle le président Macron semble désormais prêt à discuter dans le cadre d’un «dialogue stratégique», selon des propos rapportés samedi 1er mars par la presse française. Le chef de l’État fait ainsi valoir dans le Parisien que cela «rendrait la France plus forte» car, ajoute-t-il, «aujourd’hui les missiles russes déployés en Biélorussie nous exposent». «On ne peut pas dire qu’on veut des Européens plus autonomes et considérer qu’on va laisser nos voisins dépendre totalement de la capacité américaine sur le plan de la dissuasion», ajoute-t-il. Le président français s’est dit prêt à «ouvrir la discussion» sur une dissuasion nucléaire européenne après l’affrontement verbal entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump vendredi à Washington, qui laisse craindre un désengagement des États-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens. Macron répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz, qui a jugé nécessaire que l’Europe se prépare «au pire scénario» d’une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire. «Si les collègues veulent avancer vers une plus grande autonomie et des capacités de dissuasion, alors nous devrons ouvrir cette discussion très profondément stratégique. Elle a des composantes très sensibles et très confidentielles, mais je suis disponible pour que cette discussion s’ouvre», avait déclaré le dirigeant français dans une interview vendredi soir à des médias portugais. Mais pour la cheffe de file du Rassemblement National, Marine Le Pen, les États-Unis restent «évidemment» un allié de la France au sein de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique nord). Ceux qui disent le contraire «ne sont pas des gens raisonnables», a-t-elle affirmé samedi. La dissuasion nucléaire de la France doit rester «française» et «on ne doit pas la partager», a-t-elle estimé, en minimisant la portée des échanges très tendus entre les présidents américain et ukrainien, la veille dans le Bureau ovale. «C’est assez normal, a-t-elle jugé, parce que le chemin de la paix est un chemin qui est difficile». Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lui a répondu sur X que la dissuasion nucléaire «restera française, de la conception et la production de nos armes, jusqu’à leur mise en œuvre sur décision du président de la République», mais qu’en même temps «nos intérêts vitaux comportent une ‘’dimension européenne’’». Surtout que la proposition du président français dépend de la situation politique de ses pays voisins. Car on imagine mal Emmanuel Macron vouloir partager son arsenal nucléaire avec l’AfD, le parti anti-immigration, si celui-ci accédait au pouvoir dans les années à venir en Allemagne. L’idée du président français est ainsi largement conditionnée par l’état politique des pays alliés européens. L’offre française serait-elle ainsi retirée en cas de victoire d’un parti ou d’un président dont les idées et programme ne conviendraient pas aux gouvernants français ? Jusqu’où s’étendrait le parapluie nucléaire français ? La Hongrie d’Orban en serait-elle exclue ? Et surtout quelle influence cela aurait-il sur le vote des électeurs européens qui pourraient se sentir obligés de voter pour les candidats et partis «homologués» par la France pour continuer à bénéficier de cette sécurité supplémentaire. Une ingérence insidieuse et pernicieuse de nature à empiéter indirectement sur le droit des peuples à l’autodétermination.