Ecrasés par la canicule et l’indifférence : Les sans-abri vivent un supplice à Sétif

La dislocation de la cellule familiale, les conditions de vie de plus en plus difficiles, la déperdition scolaire, une erreur de jeunesse, les mauvaises fréquentations, le divorce, la perte d’une mère, sont des raisons qui poussent de nombreux concitoyens à la rue et entre les mains de la précarité. Du jour au lendemain, des citoyens […] The post Ecrasés par la canicule et l’indifférence : Les sans-abri vivent un supplice à Sétif first appeared on L'Est Républicain.

Août 8, 2024 - 10:30
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Ecrasés par la canicule et l’indifférence : Les sans-abri vivent un supplice à Sétif

La dislocation de la cellule familiale, les conditions de vie de plus en plus difficiles, la déperdition scolaire, une erreur de jeunesse, les mauvaises fréquentations, le divorce, la perte d’une mère, sont des raisons qui poussent de nombreux concitoyens à la rue et entre les mains de la précarité. Du jour au lendemain, des citoyens lambda se retrouvent sans rien, sans domicile fixe et sans couverture sociale et médicale.

Sétif, à l’instar des grandes agglomérations du pays, n’échappe pas à un tel phénomène touchant même les femmes et les enfants – premières victimes de la rue et d’une société à la fois aveugle et sourde, d’autant plus qu’elle reste insensible aux malheurs des plus vulnérables. Si l’hiver est particulièrement rude et impitoyable pour les sans-abri, l’été n’est pas pour autant une saison plus clémente à Sétif où le thermomètre est « intenable ». En plein mois de janvier, on s’émeut rien qu’à voir une personne allongée sur un trottoir, emmitouflée sous plusieurs couches de vêtements ou au mieux cachée sous les arcades de certaines artères du centre-ville. En revanche, l’été n’est pas une période plus facile lorsque l’on est sans-abri. Pendant la canicule, un citoyen lambda profite d’un toit climatisé, aère son habitation, se désaltère avec un verre d’eau froide, alors que les sans domicile fixe n’ont d’autres choix que de composer avec la fournaise. Ainsi, de nombreux SDF hantent encore les grandes avenues de la capitale des Hauts Plateaux ; certains tombent parfois malades ou sont blessés. Livrés à eux-mêmes, ils sombrent dans leur monde de silence et de solitude, dans l’indifférence de tous. À force de les croiser sur notre chemin, nous finissons par ne plus faire attention au caractère dramatique de ces oubliés abandonnés à leur triste sort. En cette période de grande chaleur, ils sont partout. Une jeune et belle femme qui a perdu la raison et le goût de la vie périclite à quelques mètres de la Direction de l’Urbanisme, de Construction et de l’Habitat (DUCH). Elle est condamnée à subir les aléas des conditions climatiques et l’indifférence de ses concitoyens. La mort dans l’âme, elle est résignée à passer ses journées au même endroit, espérant quelques aumônes. Solitaire et silencieuse, la belle dame au visage émacié, bouffé par la poussière et la pollution de la ville, ressemble à bien d’autres infortunés, véritables épaves humaines échouées sur les trottoirs de l’antique Sitifis où la situation de victimes du « temps » n’offusque désormais personne.

« Je ne dors que d’un œil »

Rencontrée à deux pas du siège de l’ancienne daïra de Sétif, une femme et sa petite fille – un bébé de trois ou quatre ans – hésite puis accepte de parler à L’Est Républicain. « J’habite dans la rue depuis une éternité. Nous dormons, ma fille et moi, ici (devant la devanture d’un commerce, en face du collège Zerrouki Khiera – situé à quelques mètres de la célèbre fontaine d’Ain Fouara). Notre lit est un carton. Je ne dors que d’un œil car on n’est jamais à l’abri de bestioles, d’un fou, d’un voyou, d’un drogué qui nous veut du mal. Pour tenir la journée, où la température oscille entre 35 et 40 °C et parfois plus, on se réfugie dans les arcades du centre-ville. Le reste du temps, on subit », explique notre interlocutrice. « Vous croyez que cette situation m’enchante ? D’autant plus que j’ai un bébé sous les bras. Je voudrais bien devenir une maman comme les autres. Je ne demande pas plus qu’un gîte et le moindre poste qui me permettrait de gagner dignement ma vie », martèle la bonne femme dont la bouée de sauvetage qu’elle attend n’arrive toujours pas. Au soleil, comme à l’ombre, les corps des « invisibles » suent et les gorges s’assèchent. Avant la tombée de la nuit, les vulnérables se mêlent à la grande foule ne se souciant que de son bien-être. « Pour notre survie, nous sommes obligés de tendre la main », dira une dame rasant les murs du Crédit Populaire d’Algérie (CPA) et les parages de la célèbre fontaine – destination de choix des visiteurs de la cité millénaire. Le décès de sa mère et le mauvais traitement de sa marâtre obligent Zineb (27 ans) à quitter le domicile familial. « Je vis dans la rue depuis plus de sept ans. La rue nous prive de tout. En ces lieux, nous n’avons ni intimité ni dignité », éclate en sanglots la frêle silhouette. Accostés et interrogés sur le sujet, des citoyens font, pour bon nombre d’entre eux, leur mea-culpa. « Les problèmes du quotidien font de nous des zombies. La solidarité et l’entraide, faisant pourtant partie de nos us et coutumes, sont ignorées. Le chacun pour soi prime désormais. En été aussi, les sans-abri, les plus vulnérables de la société, vivent un calvaire insupportable. Le mouvement associatif, grand abonné de la toile, devrait s’intéresser sans aucune publicité à cette catégorie de citoyens baignant dans une détresse incommensurable », diront nos interlocuteurs, n’oubliant pas le supplice des malades psychiatriques écumant plusieurs coins de l’agglomération faisant semblant de ne rien voir.

Kamel Beniaiche

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