Gouffre
Si Donald Trump s’est montré hostile vis-à-vis de Pékin dès les premiers jours après son élection en novembre 2016, il n’est pas certain qu’il soit, en cas de victoire en novembre prochain, enclin à défendre Taiwan comme s’est engagé à le faire l’actuel président démocrate, Joe Biden. Car pour Donald Trump, le non-interventionisme est au […]
Si Donald Trump s’est montré hostile vis-à-vis de Pékin dès les premiers jours après son élection en novembre 2016, il n’est pas certain qu’il soit, en cas de victoire en novembre prochain, enclin à défendre Taiwan comme s’est engagé à le faire l’actuel président démocrate, Joe Biden. Car pour Donald Trump, le non-interventionisme est au cœur de sa politique, programme et idéologie. Avec Kamala Harris, Taipei pourra au contraire compter sur l’aide militaire pour contrer le régime communiste chinois. Or, en mer de Chine, la situation s’envenime sérieusement, alors que l’armée taïwanaise est en «état
d’alerte» en ce début de semaine, après avoir détecté un porte-avions chinois au sud de l’île, a annoncé le ministère taïwanais de la Défense dans un communiqué. «Le porte-avions chinois Liaoning a pénétré dans les eaux proches du canal de Bashi et se dirige probablement vers le Pacifique occidental», a expliqué le ministère, précisant que l’armée est «en état d’alerte, prête à réagir si nécessaire». Pékin a intensifié sa pression militaire et politique sur Taïwan ces dernières années. La Chine n’a jamais renoncé à employer la force militaire pour reprendre le contrôle de l’île, qu’elle considère comme une partie de son territoire à réunifier un jour. Elle a organisé trois séries de manœuvres de grande ampleur ces deux dernières années, faisant intervenir son aviation et sa marine pour encercler l’île. Les relations entre Pékin et Taipei sont exécrables depuis 2016 et l’arrivée à la présidence taïwanaise de Tsai Ing-wen, puis de son successeur Lai Ching-te cette année. Investi en mai, Lai Ching-te s’est engagé jeudi à «résister à l’annexion» chinoise de l’île, à l’occasion de la fête nationale. Pékin, qui qualifie Lai Ching-te de «séparatiste», a réagi en prévenant que les «provocations» du président taïwanais entraîneront un «désastre» pour son peuple. La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a aussi estimé que le discours de Lai Ching-te «révélait (…) sa sinistre intention d’aggraver les tensions dans le détroit de Taïwan en raison d’intérêts personnels d’ordre politique». Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a mis en garde vendredi la Chine contre toute «provocation» à l’égard de Taïwan. «Le monde entier a tout intérêt à maintenir la paix et la stabilité, à préserver le statu quo, à éviter tout type de conflit susceptible de perturber des éléments essentiels à l’économie mondiale», a-t-il souligné. Washington reconnaît Pékin au détriment de Taipei comme pouvoir légitime depuis 1979, mais reste l’allié le plus puissant de Taïwan et son principal fournisseur d’armes. Un haut responsable américain interrogé mercredi avait estimé que la Chine pourrait se servir des célébrations taïwanaises de jeudi pour justifier la conduite d’exercices militaires. Vingt-sept avions militaires chinois et neuf bâtiments de la marine chinoise avaient été identifiés autour de l’île en l’espace de 24 heures, de mercredi à jeudi, avait indiqué le ministère taïwanais de la Défense. Les différends entre Pékin et Taipei remontent à la longue et meurtrière guerre civile qui a opposé les combattants communistes menés par Mao Tsé-toung aux forces nationalistes de Tchang Kaï-chek. Défaits par les communistes, qui ont fondé la République populaire de Chine le 1er octobre 1949, les nationalistes de la République de Chine se sont réfugiés avec de nombreux civils à Taïwan, l’une des seules parties du territoire national alors non conquises par les forces de Mao Tsé-toung. Reste à voir si les démocrates tiendront leurs promesses jusqu’au bout, en cas de détérioration de la situation, alors que la présidentielle est tout proche et qu’une majorité d’Américains est désormais opposée à la tradition politique interventionniste de leur exécutif. Les milliards de dollars à destination de l’Ukraine et d’Israël sont déjà largement contestés et la perspective d’un nouveau gouffre financier en direction de Taiwan risque de peser sur le scrutin présidentiel du 5 novembre.
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