Il y a loin de la coupe aux lèvres
Au cours de son premier mandat, Donald Trump a fait un grand cadeau, ou plutôt deux à Israël : dans un premier temps il a reconnu officiellement Jérusalem, tout Jérusalem, comme sa capitale, et dans un second sa souveraineté sur le Golan syrien occupé. En échange de quoi, Benjamin Netanyahou a donné le nom de […]
Au cours de son premier mandat, Donald Trump a fait un grand cadeau, ou plutôt deux à Israël : dans un premier temps il a reconnu officiellement Jérusalem, tout Jérusalem, comme sa capitale, et dans un second sa souveraineté sur le Golan syrien occupé. En échange de quoi, Benjamin Netanyahou a donné le nom de Trump à une hauteur du Golan, une récompense sans prix pour un fervent sioniste américain, et un privilège destiné à faire des jaloux parmi les dirigeants américains, tout en stimulant leur émulation, leur dévouement à Israël. Des décisions bien sûr contraires au droit international, mais pas nécessairement en violation de la loi américaine, du moins pour la première. On sait déjà ce que les Israéliens au pouvoir attendent de lui au cours de son deuxième mandat : rien moins que la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté d’Israël sur la Cisjordanie, ce qui autoriserait son annexion pure et simple par eux. On le sait parce que Belazel Smotrich, le ministre des Finances, a été on ne peut plus clair à ce sujet. 2025, a-t-il déclaré ces dernières heures, sera l’année de l’annexion de la Cisjordanie, unique moyen d’après lui de rendre impossible l’établissement d’un Etat palestinien, qui fatalement serait la pointe avancée de l’Iran en terre sainte.
On a appris par la même occasion qu’en fait le projet était déjà fort avancé au cours du premier mandat de Trump, et que même il s’en est fallu qu’il ne se concrétise. Voilà qui du moins a le mérite de la clarté. Non seulement nul démenti côté israélien n’est venu rappeler Smotrich au respect de la légalité internationale, mais un important média israélien croit savoir que la question a déjà été discutée en Conseil des ministres, que Netanyahou a effectivement la ferme intention de profiter du retour de Trump au pouvoir pour proclamer la Cisjordanie (Judée et Samarie en langage israélien) terre israélienne, ce qui concrètement, à vrai dire, est un peu déjà le cas. Ce ne serait pas comme si cette terre à annexer n’était pas encore conquise, ou pire encore qu’elle soit sous occupation étrangère, comme la Jordanie ou le Sinaï par exemple, et qu’il faille d’abord s’en emparer militairement ; mais plutôt comme pour Jérusalem et le Golan, où il a suffi d’une simple proclamation, d’une décision prise par le président des Etats-Unis. Qu’après cela le reste du monde approuve ou désapprouve importe peu à Israël, même s’il est préférable qu’il emboite le pas aux Etats-Unis, son leader. Il n’y aurait qu’un seul hic, qu’Israël écarte d’un revers de main, c’est qu’il est en état de guerre, qu’il a connu la débâcle l’année dernière, et qu’il n’est pas à l’abri d’autres à l’avenir. Smotrich et ceux de son engeance parlent comme si la guerre était déjà gagnée, alors qu’en réalité elle ne fait que commencer. Tous les jours désormais, il enregistre des morts et des blessés dans les rangs de son armée, tant à Ghaza qu’au Liban. La Cisjordanie est un trop gros morceau pour qu’il puisse l’avaler d’un seul coup, même s’il la tient déjà dans ses mains et qu’il ne cesse de l’approcher de sa bouche. C’est qu’il y a toujours loin de la coupe aux lèvres. Trump ne sera aux commandes que dans deux mois, pendant lesquels il peut se passer beaucoup de choses, et d’abord la riposte promise de l’Iran à la dernière attaque israélienne. Or l’on sait de lui qu’il les tient, ses promesses.
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