Le ridicule gouverne

Par A. Boumezrag – Dans l'ère moderne, la politique a trouvé un nouveau carburant : le ridicule. Si, jadis, il suffisait d'un faux pas pour être condamné à l'oubli, aujourd'hui, le ridicule n'est plus un frein, mais un tremplin. L’article Le ridicule gouverne est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Mai 2, 2025 - 10:24
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Le ridicule gouverne

Par A. Boumezrag – Dans l’ère moderne, la politique a trouvé un nouveau carburant : le ridicule. Si, jadis, il suffisait d’un faux pas pour être condamné à l’oubli, aujourd’hui, le ridicule n’est plus un frein, mais un tremplin. Bienvenue dans une époque où l’absurde se métamorphose en stratégie et où les politiques à la tête des Etats semblent tout droit sortis d’une mauvaise comédie. En 2025, le ridicule gouverne en toute liberté. Et il a bien l’intention de s’installer.

Les temps ont changé. L’ancien modèle, celui des leaders gravement élégants et des politiques bien calibrées, a laissé place à un tout autre genre. Désormais, il n’est plus question de paraître sage ou réfléchi. Non, ce qui importe, désormais, c’est l’apparence, la gestuelle, la mise en scène. Plus de profondeur, plus de réflexion. Juste de l’image. Et que l’image soit, tant pis si la substance s’effondre.

Prenons l’exemple de la scène politique française. Ce n’est plus le talent ou l’expérience qui compte. Non, le dirigeant se doit d’être d’abord photogénique, de répondre aux attentes d’une culture médiatique qui préfère le divertissement à l’analyse. La politique ? Un jeu de rôles. Les réseaux sociaux ? Des podiums de la mode. Une crise ? Un prétexte pour organiser une conférence en ligne avec des filtres Snapchat et des transitions dynamiques. Le ridicule devient ainsi une valeur de substitution, presque une arme de gouvernance.

Et n’allez pas croire que ce phénomène se limite à la France. Dans de nombreux pays, la gestion politique semble désormais faire la part belle au plus grand spectacle. Et le ridicule, loin d’être une anomalie, devient la norme. Il est tellement intégré dans le processus qu’il est parfois difficile de discerner si le leader en question est en train de gérer un pays ou d’enregistrer un vlog pour YouTube. Le ridicule a infiltré l’arène politique avec l’enthousiasme d’un influenceur en quête de likes, et personne ne semble s’en soucier.

Rappelez-vous, tout ça n’est pas un accident. Quand l’absurde et le grotesque s’invitent dans la gouvernance, c’est souvent qu’il existe une volonté sous-jacente : celle de banaliser les erreurs, de neutraliser l’opposition et d’effacer toute forme de remise en question. Le ridicule, comme le disait si bien l’ancien comique, est «une sorte de rébellion pacifique contre la pensée». Sauf que cette rébellion est devenue systématique. Elle est devenue une stratégie, un outil de pouvoir.

L’exemple de la gestion des crises sanitaires en France est parlant. Pendant que les experts débattaient des mesures à prendre, certains leaders ont préféré se concentrer sur l’image qu’ils allaient renvoyer. Réunions filmées à la lumière flatteuse, postures présidentielles sur des podiums en arrière-plan numérique, discours «pleins d’empathie» qui n’étaient en réalité que des exercices de communication. Tout cela n’a rien à voir avec la gestion d’une crise réelle, mais plutôt avec la gestion de l’opinion publique à court terme. Pourquoi ? Parce que, dans ce nouveau monde, l’apparence prime sur l’efficacité.

Le ridicule n’est plus une menace. Il est un atout. Il protège celui qui l’embrasse et l’adapte. En 2025, au-delà de la politique, ce phénomène se propage dans tous les domaines. Les spectacles, les talk-shows, les débats publics, tout est orchestré pour maximiser l’impact visuel. Peu importe si les idées sont vides, tant qu’elles font le buzz. La substance a cédé sa place à la forme, et le ridicule, loin d’être une honte, est devenu un business. Qui veut un discours sérieux quand on peut avoir un tweet viral ?

Certains affirment que le monde politique actuel est en crise de crédibilité. Mais ce n’est pas la crédibilité qui est en crise, c’est la profondeur de la politique elle-même. Le ridicule, en fait, est le seul moteur qui reste en marche, et pour ceux qui le maîtrisent, il est plus puissant que n’importe quel programme ou vision. Il fait de la politique un spectacle en continu. Un show où l’on «like» et «share» avant même de comprendre le fond. Où les prises de parole sont devenues des performances.

Et c’est bien là que réside le danger. Quand le ridicule gouverne sans opposition, il parvient à se légitimer. Il fait des erreurs un jeu. Il rend la politique lointaine et ennuyeuse, une série d’événements sans réel enjeu. Ceux qui crient au ridicule sont ceux qui ne comprennent pas la dynamique : le ridicule est le nouveau pouvoir, l’outil incontournable pour occuper le terrain politique.

En 2025, qui a encore le courage de s’opposer à un tel pouvoir ? Après tout, comment lutter contre un clown quand tout le monde rit de lui ? Plus personne ne sait ce qui est sérieux. Quand le ridicule ne tue pas, il gouverne. Et cette gouvernance a trouvé sa liberté – celle de détruire toute forme de dignité sans jamais en payer le prix.

En politique, la démagogie a remplacé la démocratie, et le spectacle a pris la place du débat. Dans ce monde où l’image prime sur le fond, les dirigeants n’ont plus à se cacher derrière des apparences de compétence ou de sincérité. Tout ce qui compte, c’est de briller à l’écran. Le ridicule, loin de nuire, devient la clé de la réussite. Tout est permis tant que les yeux restent braqués sur le spectacle. Et c’est dans cette liberté que la démocratie s’éteint lentement, absorbée par la machine à rire et à applaudir.

La politique moderne ? Un grand show où personne n’a besoin de talent, tant qu’on a le public.

A. B.

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