Misère

L’une des craintes les plus prégnantes, consécutives au départ des Américains d’Afghanistan il y a près de trois ans, était de voir la population être totalement livrée au bon vouloir des talibans qui avaient déjà fait régner la terreur sur le pays lors des années 90, avant l’invasion américaine de 2001. Les talibans ont d’ailleurs […]

Juil 9, 2024 - 23:10
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Misère

L’une des craintes les plus prégnantes, consécutives au départ des Américains d’Afghanistan il y a près de trois ans, était de voir la population être totalement livrée au bon vouloir des talibans qui avaient déjà fait régner la terreur sur le pays lors des années 90, avant l’invasion américaine de 2001. Les talibans ont d’ailleurs affirmé accorder un «rôle croissant» au puissant ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice (MPVPV), rejetant un rapport de l’ONU qui accuse cette police des mœurs de créer un «climat de peur» en Afghanistan. «La situation requiert un rôle croissant du MPVPV», a indiqué le gouvernement de Kaboul, en réponse au rapport intégralement consacré à ce ministère par la Mission d’assistance des Nations unies pour l’Afghanistan (Unama). L’Unama estime dans ce rapport que «les violations des droits humains par le MPVPV, de même que le caractère imprévisible de l’application de ses mesures, contribuent à créer un climat de peur et d’intimidation parmi la population afghane». Plus qu’un simple ministère, le très redouté MPVPV est chargé d’appliquer les décrets ou instructions du chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, en conformité avec la loi islamique, et a un impact considérable sur la vie publique et privée des Afghans. Cet impact est «discriminatoire et disproportionné dans le cas des femmes», estime l’Unama, qui documente, pour la population générale, de nombreux cas d’arrestations, châtiments corporels, intimidations ou atteintes à la vie privée. La mission onusienne cite notamment les mesures touchant les femmes, de moins en moins visibles dans les médias, tenues d’être le plus souvent accompagnées par un mahram (chaperon) lorsqu’elles sortent de chez elles et de porter le hijab. Elles sont aussi chassées des parcs ou des bains publics, ou obligées de fermer leur micro-entreprise, par exemple un institut de beauté. Les hommes sont aussi touchés par les oukazes du MPVPV, poursuit l’Unama. Le rapport cite des cas d’Afghans flagellés en public pour manque d’assiduité à la mosquée, de barbiers arrêtés ou violentés pour avoir rasé des clients. Dans l’annexe du rapport qui leur offre un droit de réponse, les autorités talibanes démentent dans certaines provinces citées toute arrestation, mais indiquent que des salons de barbier ont dû fermer. Elles assurent aussi que «les médias sont libres depuis l’instauration de l’Émirat islamique d’Afghanistan» et que «les femmes peuvent aller dans les parcs et lieux publics». L’Unama évoque également des «mauvais traitements, arrestations arbitraires et détentions» d’Afghans ayant écouté de la musique qui, si elle ne fait pas l’objet d’un décret, est de facto interdite par le MPVPV car elle «attaque les racines de l’islam». S’il existe désormais un mécanisme de recueil de plaintes de la population contre des abus de la part du MPVPV, les femmes en sont de facto quasiment écartées, et les Afghans en général ne lui font pas confiance, selon l’Unama. Surtout, l’une des mesures les plus impactantes des talibans au pouvoir avait été d’interdire l’accès aux universités puis aux écoles aux élèves de sexe féminin. Une décision qui avait même poussé les rares ONG encore présentent dans le pays à partir, augmentant encore davantage l’état de misère de beaucoup d’Afghans. Le pays est aujourd’hui l’un des plus pauvres au monde et le gouvernement fondamentaliste continue à essayer de convaincre l’ONU de lui attribuer des aides, mais refuse de faire la moindre concession pour y arriver. Les talibans semblent incapables de comprendre que leur politique est suicidaire. Incapables de se sustenter, ils continuent à s’entêter à prendre des décisions qui font que même les ONG onusiennes ne veulent plus les aider. Reste à voir combien de temps ils pourront encore tenir à ce rythme, et si la population, qui accepte tous les excès des dirigeants, finira par se rebeller ou si elle mourra de faim d’abord.

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