19 Mars 1962 – 19 Mars 2025 : La fin de l’Algérie de Papa

Ce 19 mars 1962, à 12h00 les armes se taisent. Après près de huit longues années de combat, l’Algérie se fige. Ce n’est pas encore la paix, mais le bruit des armes, lui, s’est enfin tu. Le cessez-le-feu entre officiellement en vigueur, marquant la fin d’un conflit qui aura déchiré deux peuples et fait basculer […] The post 19 Mars 1962 – 19 Mars 2025 : La fin de l’Algérie de Papa appeared first on Le Jeune Indépendant.

Mars 18, 2025 - 20:04
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19 Mars 1962 – 19 Mars 2025 : La fin de l’Algérie de Papa

Ce 19 mars 1962, à 12h00 les armes se taisent. Après près de huit longues années de combat, l’Algérie se fige. Ce n’est pas encore la paix, mais le bruit des armes, lui, s’est enfin tu. Le cessez-le-feu entre officiellement en vigueur, marquant la fin d’un conflit qui aura déchiré deux peuples et fait basculer des millions de vies. Ce jour-là, à la même heure sur l’ensemble du territoire, les fusils cessent de tirer. L’Histoire retiendra cette date comme celle où la guerre de libération nationale entre dans sa dernière ligne droite. Mais avant ce silence lourd de promesses, il aura fallu gravir une montagne de souffrances, de combats acharnés et de négociations interminables.

Tout commence le 1er novembre 1954. Tandis que la métropole célèbre la Toussaint, à Batna, Arris et Biskra, les premiers coups de feu du FLN retentissent. La date est symbolique. Le peuple algérien, soumis depuis 1830 à une colonisation brutale, se lève. Après plus d’un siècle d’expropriation, de discriminations et d’humiliations, l’heure de la reconquête a sonné. Ce n’est plus une simple revendication d’égalité : c’est l’indépendance ou rien.

À Paris, le gouvernement reste sourd. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand, est catégorique : « L’Algérie, c’est la France. » Une phrase lourde de mépris qui enterre toute possibilité d’écoute. Ce refus de reconnaître au peuple algérien son droit à disposer de lui-même alimente la révolte. Très vite, la violence s’installe. La répression est féroce. La riposte du colonisateur se veut totale.

Dès 1956, le pouvoir colonial décide de « pacifier » l’Algérie. Un terme pudique pour une guerre sans merci. Près de 500 000 soldats français sont déployés, le territoire est quadrillé, les villages déplacés, les regroupements sous surveillance se multiplient. Surtout, la torture est institutionnalisée. En 1957, la Bataille d’Alger en est l’exemple le plus sinistre. Les paras du général Massu imposent un climat de terreur : arrestations arbitraires, tortures systématiques, disparitions. Mais loin de soumettre les Algériens, cette politique renforce leur détermination. La guérilla continue dans les Aurès, en Kabylie, dans le Sahara. Chaque montagne, chaque dune devient un refuge pour les moudjahidine.

 

De Tunis à New York, l’Algérie en vitrine de la décolonisation

 

Pendant que la lutte armée se poursuit sur le terrain, le combat diplomatique prend de l’ampleur. En exil à Tunis, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), créé en 1958, porte la voix des Algériens sur la scène internationale. Ferhat Abbas et ses hommes multiplient les contacts. Les pays arabes, africains, les États asiatiques fraîchement décolonisés, l’URSS et certains mouvements occidentaux soutiennent la cause algérienne. À l’ONU, la question algérienne s’invite régulièrement à l’ordre du jour. L’Algérie devient un symbole de la lutte contre l’oppression coloniale.

En métropole, la guerre de libération nationale provoque un véritable séisme politique. L’impasse militaire et diplomatique accélère la chute de la IVe République. Le 13 mai 1958, à Alger, les colons européens, soutenus par des militaires, fomentent un putsch. Ils réclament le retour du général de Gaulle, qu’ils pensent capable de sauver l’« Algérie française ». Le 1er juin 1958, de Gaulle revient au pouvoir, investi des pleins pouvoirs.
Mais l’homme du 18 juin a une vision plus lucide que ses partisans ultras. Il sait que la colonisation est une impasse. En septembre 1959, il prononce un discours historique sur l’autodétermination. Il ouvre la voie à l’indépendance, même si le mot n’est pas encore prononcé. Ce tournant provoque une rupture brutale avec les partisans de l’Algérie française, qui se radicalisent.

Face à ce qu’ils considèrent comme une trahison, les ultras de l’Algérie française fondent l’Organisation armée secrète (OAS). Cette organisation paramilitaire plonge Alger, Oran et Constantine dans un cycle de violences d’une intensité effroyable. Plasticages, assassinats ciblés, attentats à la bombe se multiplient. L’objectif : empêcher l’indépendance et faire plier Paris par la terreur. Mais rien n’y fera. Le processus est enclenché.

Après l’échec des pourparlers de Melun en 1960, c’est à Évian-les-Bains que les véritables négociations s’ouvrent, en mai 1961. Pendant dix mois, la délégation française et celle du GPRA discutent sans relâche. Le Sahara, avec ses immenses réserves de pétrole et de gaz, cristallise les tensions. Paris veut préserver ses intérêts économiques. Alger refuse catégoriquement de céder une parcelle de sa souveraineté. Le sort des pieds-noirs, des harkis et les garanties à accorder aux ressortissants européens sont également au cœur des débats. Finalement, le 18 mars 1962, les Accords d’Évian sont signés. La France reconnaît le droit du peuple algérien à l’autodétermination.

 

Cessez-le-feu sur le papier, bain de sang sur le terrain

 

À midi pile, le 19 mars 1962, le cessez-le-feu est effectif. Mais la violence continue. L’OAS poursuit ses exactions, semant la terreur jusqu’aux derniers jours de la colonisation. Des centaines de civils algériens sont massacrés dans des attentats aveugles. Pourtant, la dynamique est irréversible. Le 1er juillet 1962, le peuple algérien se rend massivement aux urnes : 99,7 % votent pour l’indépendance. Le 5 juillet, l’Algérie célèbre enfin sa liberté, au terme d’une lutte acharnée.

Le coût humain de cette guerre est effroyable. Côté algérien, 1,5 million de martyrs selon les autorités. Des hommes, des femmes, des enfants. Des villages entiers rasés, des familles décimées. La torture, les disparitions forcées, les camps de regroupement ont laissé des cicatrices profondes.
Côté français, 400 000 soldats mobilisés, dont des milliers ont perdu la vie ou sont revenus brisés psychologiquement. Les harkis, ces supplétifs de l’armée française, ont payé le prix fort. Abandonnés par Paris, ils ont subi de terribles représailles. Beaucoup furent massacrés, d’autres internés dans des camps insalubres en France.
Enfin, près d’un million de pieds-noirs quittèrent précipitamment l’Algérie, laissant derrière eux maisons, terres et souvenirs. Otages d’une histoire qu’ils avaient contribué à façonner mais dont ils furent aussi les victimes.

En Algérie, le 19 mars est un jour de victoire. Il marque la fin d’un siècle de colonisation, de spoliation, de dépossession. C’est le triomphe d’un peuple qui s’est levé pour conquérir sa liberté, au prix du sang et du sacrifice.
En France, cette date continue de diviser. Certains la considèrent comme une fin amère, marquée par la perte de l’Algérie française. D’autres y voient le début d’une prise de conscience sur les méfaits du colonialisme.
Mais l’histoire est têtue. Elle rappelle que la colonisation fut un système de domination, de violence, d’exploitation. La reconnaissance de cette vérité est essentielle, des deux côtés de la Méditerranée, pour apaiser les mémoires blessées.

Plus de soixante ans après le cessez-le-feu, la réconciliation reste un mirage lointain. L’Algérie, elle, avance, debout, digne et souveraine, forte d’une histoire écrite dans le sang et le sacrifice. Le 19 mars demeure un symbole vivant : celui d’un peuple qui s’est arraché aux chaînes de l’oppression pour retrouver sa liberté et sa dignité, au prix d’un million et demi de martyrs.

Face à cette mémoire meurtrie, la France officielle continue de détourner le regard, refusant d’assumer pleinement les crimes coloniaux qu’elle a perpétrés sur cette terre d’Algérie. Tortures systématiques, villages incendiés, massacres de populations civiles, disparitions forcées… Autant d’actes que la République coloniale a commis au nom de sa prétendue « mission civilisatrice ». Une barbarie maquillée par le silence d’État et l’amnésie politique. La reconnaissance sincère, pourtant indispensable, se fait toujours attendre. Tant que les vérités seront niées et les responsabilités esquivées, la justice et le respect resteront des promesses sans lendemain.

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