Guerre de libération nationale : Belkacem Metidji, un rescapé de l’enfer du camp "Morand" de Médéa
MEDEA - Le "Camp Morand" à Ksar-El-Boukhari (ex-Boghari), au sud de Médéa, communément appelé "Camorra", est l’un des tristement célèbres lieux de détention, où des centaines d'Algériens furent torturés et exécutés de sang-froid par les tortionnaires de l’armée coloniale française, témoigne un des rescapés de cet enfer, le moudjahid Belkacem Metidji. "Camorra" avait servi, durant la seconde guerre mondiale, de lieu de détention pour les officiers et les soldats italiens et allemands faits prisonniers, puis transformé, à partir de 1956, en centre de détention et de torture, suite au vote d’une loi donnant des "pouvoirs spéciaux" aux militaires et légalisant, de la sorte, la pratique de la torture, a souligné Belkacem Metidji, interné au camp Morand de mai 1959 à avril 1962. "Le camp Morand est un lieu de non-droit où les détenus, en majorité des moudjahidine de l’Armée de libération nationale (ALN), subissaient, de jour comme de nuit, toutes sortes de brimades, d’humiliation, de torture et de sévices corporels, commis par des officiers et soldats de la légion étrangère qui étaient en charge de ce camp", raconte ce moudjahid interné dans ce sinistre endroit à l’âge de 17 ans. Le moudjahid Metidji fait partie du groupe des élèves du lycée Bencheneb de Médéa qui avaient répondu à l’appel de la Révolution pour la grève du 19 mai 1956 et avaient rejoint, peu de temps après, les maquis de la wilaya IV Historique. Il était affecté dans un hôpital de campagne des maquis du nord-est de Médéa en qualité d’infirmier secouriste, sous la direction du docteur Yahia Fares, froidement exécuté à Médéa le 11 juillet 1960. Malgré ses précautions pour échapper aux militaires français qui écumaient la région, en changeant de lieu chaque trois ou quatre semaines, Belkacem Metidji avait été fait prisonnier en mai 1959, lors d’une opération militaire déclenchée dans les maquis de la wilaya IV historique. Il fut interné au centre de détention de "Damiette", à la périphérie de Médéa, où le docteur Yahia Farès avait été torturé puis assassiné. Après avoir subi un interrogatoire musclé pendant 21 jours, Belkacem Metidji avait été transféré, en compagnie d’une vingtaine d’autres moudjahidine, vers le camp Morand pour y être détenu près de trois années, avant d'être libéré en avril 1962. Ce "camp de la mort" accueillait à son arrivée plus de 200 détenus et leur nombre s'est accru au fil des années, jusqu’à atteindre 900 détenus, parmi lesquels se trouvaient des moudjahidine blessés dans des accrochages et des amputés qui, en dépit de leur état, étaient maintenus en détention, se souvient M. Metidji, selon qui la vie des internés se réduisait à de longues et pénibles journées de travaux forcés exécutés à l'extérieur du camp, rythmées par des séances quotidiennes de torture. Les pires tortures pratiquées au camp Morand "L'appel du soir se faisait sous les coups de crosses", se remémore-t-il, ajoutant que certains soldats français affectés à ce camp "se faisaient un malin plaisir de boxer les pauvres prisonniers déjà éprouvés physiquement par les longues journées de travaux forcés". Il garde encore le souvenir des jours du Ramadhan où des soldats venaient uriner et cracher dans les marmites de soupe pendant que les détenus attendaient d’être servis pour rompre le jeûne, ou, encore, de l’exécution de sang-froid et sans motif de détenus, à l’instar de Meziane Kaddour et Mustapha Khaled, sortis des rangs lors de l’appel du soir puis abattus d’une balle devant leurs camarades. "Des moudjahidine y ont été internés pendant une courte durée et fusillés en secret, sans que l’on connaisse quoi que ce soit sur leur identité ou l’endroit où ils ont été faits prisonniers", ajoute ce rescapé. Les légionnaires affectés à ce camp à partir de 1957, ont introduit de nouvelles techniques de torture appelées régime "jockey spécial" qui consistait en des séances de bastonnades à coup de gourdin et de manche de pioche ainsi que de flagellations à l'aide de fouet et de tuyau en caoutchouc. Les tortionnaires ne connaissaient aucune limite à pousser l'horreur à son paroxysme, toujours prêts à "innover" quand il s'agissait d'exterminer les prisonniers, témoigne encore le rescapé du "camp de la mort". La fameuse "corvée de bois" est l’une des pratiques à laquelle les légionnaires, encouragés par les responsables du camp, avaient recours pour exécuter des prisonniers, poursuit Metidji. Utilisée d'abord en Indochine, la technique de "corvée de bois" fut pratiquée à nouveau au "Camp Morand" où elle a fait de nombreuses victimes, parmi lesquelles les chahids Maâmar Senouci, Mustapha Khalef, Abderrahmane Madani, Mustapha Kella et tant d'autres détenus, assassinés de dos et de sang-froid par les soldats du camp, sous prétexte de "tentative d'évasion". Toutefois, des prisonniers ont réussi à s'échapper de cet enfer. L'ancien détenu se souvient de l'évasion spectaculaire de plusieurs de ses compagnons de détention. Certains réussirent à regagner les maquis les plus proches

MEDEA - Le "Camp Morand" à Ksar-El-Boukhari (ex-Boghari), au sud de Médéa, communément appelé "Camorra", est l’un des tristement célèbres lieux de détention, où des centaines d'Algériens furent torturés et exécutés de sang-froid par les tortionnaires de l’armée coloniale française, témoigne un des rescapés de cet enfer, le moudjahid Belkacem Metidji.
"Camorra" avait servi, durant la seconde guerre mondiale, de lieu de détention pour les officiers et les soldats italiens et allemands faits prisonniers, puis transformé, à partir de 1956, en centre de détention et de torture, suite au vote d’une loi donnant des "pouvoirs spéciaux" aux militaires et légalisant, de la sorte, la pratique de la torture, a souligné Belkacem Metidji, interné au camp Morand de mai 1959 à avril 1962.
"Le camp Morand est un lieu de non-droit où les détenus, en majorité des moudjahidine de l’Armée de libération nationale (ALN), subissaient, de jour comme de nuit, toutes sortes de brimades, d’humiliation, de torture et de sévices corporels, commis par des officiers et soldats de la légion étrangère qui étaient en charge de ce camp", raconte ce moudjahid interné dans ce sinistre endroit à l’âge de 17 ans.
Le moudjahid Metidji fait partie du groupe des élèves du lycée Bencheneb de Médéa qui avaient répondu à l’appel de la Révolution pour la grève du 19 mai 1956 et avaient rejoint, peu de temps après, les maquis de la wilaya IV Historique.
Il était affecté dans un hôpital de campagne des maquis du nord-est de Médéa en qualité d’infirmier secouriste, sous la direction du docteur Yahia Fares, froidement exécuté à Médéa le 11 juillet 1960.
Malgré ses précautions pour échapper aux militaires français qui écumaient la région, en changeant de lieu chaque trois ou quatre semaines, Belkacem Metidji avait été fait prisonnier en mai 1959, lors d’une opération militaire déclenchée dans les maquis de la wilaya IV historique.
Il fut interné au centre de détention de "Damiette", à la périphérie de Médéa, où le docteur Yahia Farès avait été torturé puis assassiné.
Après avoir subi un interrogatoire musclé pendant 21 jours, Belkacem Metidji avait été transféré, en compagnie d’une vingtaine d’autres moudjahidine, vers le camp Morand pour y être détenu près de trois années, avant d'être libéré en avril 1962. Ce "camp de la mort" accueillait à son arrivée plus de 200 détenus et leur nombre s'est accru au fil des années, jusqu’à atteindre 900 détenus, parmi lesquels se trouvaient des moudjahidine blessés dans des accrochages et des amputés qui, en dépit de leur état, étaient maintenus en détention, se souvient M. Metidji, selon qui la vie des internés se réduisait à de longues et pénibles journées de travaux forcés exécutés à l'extérieur du camp, rythmées par des séances quotidiennes de torture.
Les pires tortures pratiquées au camp Morand "L'appel du soir se faisait sous les coups de crosses", se remémore-t-il, ajoutant que certains soldats français affectés à ce camp "se faisaient un malin plaisir de boxer les pauvres prisonniers déjà éprouvés physiquement par les longues journées de travaux forcés".
Il garde encore le souvenir des jours du Ramadhan où des soldats venaient uriner et cracher dans les marmites de soupe pendant que les détenus attendaient d’être servis pour rompre le jeûne, ou, encore, de l’exécution de sang-froid et sans motif de détenus, à l’instar de Meziane Kaddour et Mustapha Khaled, sortis des rangs lors de l’appel du soir puis abattus d’une balle devant leurs camarades.
"Des moudjahidine y ont été internés pendant une courte durée et fusillés en secret, sans que l’on connaisse quoi que ce soit sur leur identité ou l’endroit où ils ont été faits prisonniers", ajoute ce rescapé.
Les légionnaires affectés à ce camp à partir de 1957, ont introduit de nouvelles techniques de torture appelées régime "jockey spécial" qui consistait en des séances de bastonnades à coup de gourdin et de manche de pioche ainsi que de flagellations à l'aide de fouet et de tuyau en caoutchouc.
Les tortionnaires ne connaissaient aucune limite à pousser l'horreur à son paroxysme, toujours prêts à "innover" quand il s'agissait d'exterminer les prisonniers, témoigne encore le rescapé du "camp de la mort". La fameuse "corvée de bois" est l’une des pratiques à laquelle les légionnaires, encouragés par les responsables du camp, avaient recours pour exécuter des prisonniers, poursuit Metidji.
Utilisée d'abord en Indochine, la technique de "corvée de bois" fut pratiquée à nouveau au "Camp Morand" où elle a fait de nombreuses victimes, parmi lesquelles les chahids Maâmar Senouci, Mustapha Khalef, Abderrahmane Madani, Mustapha Kella et tant d'autres détenus, assassinés de dos et de sang-froid par les soldats du camp, sous prétexte de "tentative d'évasion".
Toutefois, des prisonniers ont réussi à s'échapper de cet enfer. L'ancien détenu se souvient de l'évasion spectaculaire de plusieurs de ses compagnons de détention. Certains réussirent à regagner les maquis les plus proches, comme ce fut le cas pour un groupe de détenus qui s’est évadé à Ouled Hamza, commune de Moudjebeur, à une vingtaine de km au nord de Ksar-El-Boukhari, et où douze militaires français ont été éliminés et leurs armes récupérées.
Metidji évoque, en outre, l’évasion réussie d’un autre groupe de détenus affecté à un chantier d’une sablière à Boughezoul. Deux soldats français avaient été faits prisonniers lors de cette évasion, se souvient-il, faisant mention, aussi, de l’évasion de neuf autres détenus dans les environs de Dira, dans la wilaya de Bouira, où ils accomplissaient des travaux sur un chantier.