Echec collectif

Par A. Boumezrag – La véritable question n’est pas de savoir si l’islam en France est un problème, mais comment comprendre ses dimensions profondes, comment reconnaître sa place légitime ? L’article Echec collectif est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Avr 28, 2025 - 18:57
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Echec collectif

Par A. Boumezrag – Il est fascinant de constater qu’aujourd’hui, dans un monde qui se veut globalisé, éclairé et plus que jamais connecté, l’histoire continue de nous échapper. Comme le disait Malcolm X, «l’ignorance de l’histoire est notre pire ennemie». Et force est de constater qu’il n’a jamais été aussi pertinent, notamment dans le contexte des débats sociaux et politiques qui secouent la France en 2025. On pourrait presque dire que si l’histoire était une matière scolaire, la France aurait raté son examen avec mention «échec collectif».

La révolte populaire en France, alimentée par des tensions sociales croissantes et des fractures historiques profondes, nous ramène toujours à la même question : pourquoi ? Pourquoi cette violence, pourquoi ces incompréhensions, pourquoi cette peur irrationnelle de l’islam, de l’immigration, de l’autre ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à sortir du cercle vicieux des stéréotypes et des préjugés qui gangrènent le tissu social ?

Peut-être tout simplement parce que la France refuse d’ouvrir les livres d’histoire. Pas seulement celle qui parle des rois et des batailles, mais celle qui raconte les cicatrices laissées par la colonisation. L’histoire qui nous explique comment des peuples ont été réduits à l’état d’objets de domination et comment, après avoir été pillés et écrasés, ces peuples se sont retrouvés dans un monde qui les voyait non pas comme des égaux, mais comme des réservoirs d’exploités.

L’ignorance de cette histoire-là nous poursuit, car elle ne fait pas partie des récits glorieux que l’on aime transmettre aux jeunes générations. On préfère célébrer la grandeur de la République tout en éludant les pages sombres de la colonisation, de l’exploitation et des injustices subies par des millions d’individus, notamment en Afrique du Nord. C’est cette amnésie collective qui façonne une grande partie des tensions actuelles.

Prenons un exemple récent pour illustrer cette ignorance historique qui continue à définir notre rapport à l’islam et aux immigrés. Le meurtre tragique d’un jeune Malien en pleine prière dans une mosquée, à La Grand-Combe, a ravivé les blessures du passé. Il serait naïf de croire que la question de l’islam en France est déconnectée de l’histoire coloniale.

Les discours populistes et les généralisations sur la religion musulmane ne font qu’amplifier cette peur irrationnelle, tout en occultant un fait : la France a été construite, en grande partie, grâce à l’exploitation coloniale, et une part de cette histoire persiste dans les relations avec les descendants des peuples colonisés. Ignorer ce passé, c’est ne pas comprendre les racines profondes de l’immigration et des tensions sociales.

Les autorités françaises jouent un jeu dangereux, celui de prétendre qu’il suffira de multiplier les lois et les discours pour résoudre des problèmes qui, à leur racine, sont structurels. L’islam n’est pas une menace en soi, mais l’incapacité à comprendre le passé, à voir comment des communautés entières ont été déracinées, opprimées et souvent laissées à l’écart de la société française, voilà le vrai problème.

Ne nous y trompons pas : l’ignorance de l’histoire n’est pas innocente. Elle est la meilleure alliée des discours de division. En ne revisitant jamais le passé colonial, en effaçant les mémoires de ceux qui ont souffert, on condamne une grande partie de la population à être vue comme l’autre, comme une menace, comme une entité étrangère. Chaque attentat, chaque acte de violence, chaque discours de haine devient une occasion en or pour entretenir cette peur, pour semer cette désunion.

Et au fond, quel est le résultat ? Une société fracturée, divisée, où les jeunes issus des quartiers populaires ne se sentent ni Français ni respectés, et où les discours de haine se nourrissent d’ignorance et de stéréotypes. C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux. L’histoire est comme un miroir : soit on l’observe pour comprendre et avancer, soit on préfère détourner les yeux, jusqu’à ce que l’image devienne trop déformée pour être reconnue.

Alors que faire ? Continuer à rejeter l’islam comme un problème sans s’attaquer aux racines de la question, ou enfin commencer à regarder l’histoire dans les yeux, avec toute sa complexité, ses douleurs et ses ambiguïtés ? Malcolm X avait raison, l’ignorance de l’histoire est l’obstacle majeur à la réconciliation. Une réconciliation qui ne peut se faire qu’en regardant le passé en face, en acceptant d’entendre les voix des victimes du colonialisme, en comprenant que les fractures sociales actuelles ne sont pas des anomalies, mais des héritages directs d’un passé de violence et de domination.

Au lieu de donner des leçons sur l’intégration et la laïcité, il est temps que la France se réconcilie avec son histoire. Le vrai défi n’est pas d’imposer des valeurs, mais d’apprendre à vivre ensemble dans une société inclusive, qui ne se contente pas de tolérer l’autre, mais qui l’accepte dans sa pleine humanité. Il est temps de reconnaître que l’islam de France n’est pas une menace, mais une réalité complexe qu’il est nécessaire de comprendre, pour mieux vivre ensemble.

Malcolm X nous invitait à ne pas vivre dans l’ignorance de l’histoire. Peut-être qu’en 2025, nous devrions commencer à l’écouter. Parce qu’il est clair que tant que l’histoire sera ignorée, le cercle des incompréhensions se perpétuera, et la France continuera à se chercher dans un miroir déformé, incapable de voir l’autre dans toute sa diversité et sa dignité.

Face à la violence et à la méfiance grandissante qui marquent les relations entre les communautés en France, il est devenu urgent de remettre l’histoire au centre du débat. Malcolm X l’a bien dit : l’ignorance de l’histoire est notre pire ennemie. Cette ignorance engendre des stéréotypes, alimente la peur et la division, et empêche toute possibilité de réconciliation véritable. Tant que nous continuerons à fuir les réalités complexes du passé colonial et à ignorer les racines sociales profondes des tensions actuelles, nous resterons pris dans un cycle infernal de malentendus et d’injustices.

La véritable question n’est pas de savoir si l’islam en France est un problème, mais comment comprendre ses dimensions profondes, comment reconnaître sa place légitime dans une société républicaine qui se veut inclusive. Repenser l’histoire, c’est également repenser la manière dont nous vivons ensemble. Il est grand temps de regarder cette réalité en face et d’accepter que pour avancer, nous devons d’abord reconnaître nos erreurs, apprendre de notre passé, et, surtout, ouvrir le dialogue.

Citation pour conclure : «L’histoire n’est pas là pour nous juger, mais pour nous enseigner.» Cette citation de Frantz Fanon, penseur de la décolonisation, résonne comme un appel à l’introspection collective. L’histoire, aussi douloureuse soit-elle, a beaucoup à nous apprendre. Mais encore faut-il que nous soyons prêts à l’écouter.

A. B.

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