Entretien/Dahmane Dahmani, détenteur de brevets en électronique aux USA et inventeur de jeux de société : «La diaspora scientifique peut et veut aider l’Algérie»

Dahmane Dahmani, un Algérien installé aux Etats-Unis depuis les années 1970, est détenteur de six brevets d’invention dans le domaine de l’électronique, obtenus au cours de sa carrière chez le géant de l’informatique Intel. Il a notamment un brevet lié aux circuits du clavier d’ordinateur qui a permis à Intel de prendre de l’avance sur […]

Jan 29, 2025 - 21:28
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Entretien/Dahmane Dahmani, détenteur de brevets en électronique aux USA et inventeur de jeux de société : «La diaspora scientifique peut et veut aider l’Algérie»

Dahmane Dahmani, un Algérien installé aux Etats-Unis depuis les années 1970, est détenteur de six brevets d’invention dans le domaine de l’électronique, obtenus au cours de sa carrière chez le géant de l’informatique Intel. Il a notamment un brevet lié aux circuits du clavier d’ordinateur qui a permis à Intel de prendre de l’avance sur son principal concurrent, AMD, dans les années 1990, et de gagner des millions de dollars. Après une riche carrière dans le domaine de l’électronique, Dahmane Dahmani s’est lancé dans le secteur des jeux de société où il a également obtenu un brevet d’invention tout en vivant une belle aventure familiale, puisqu’il a pour associé son jeune fils, déjà inventeur lorsqu’il avait à peine 10 ans. Il nous en parle.

Propos recueillis par Ahmed Mokhtar

Le Jour d’Algérie : Vous avez des brevets d’invention, notamment dans le domaine de l’électronique. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce propos ?
Dahmane Dahmani : J’ai six brevets d’invention dans le domaine des microprocesseurs/chipsets obtenus pendant ma carrière chez Intel. Ces inventions sont liées à la conception des circuits intégrés. Elles ont permis à Intel de prendre de l’avance sur son concurrent AMD. Mon premier brevet date de 1992. Il concerne un circuit qui contrôle le clavier des ordinateurs. Ce brevet nous a rapporté des millions de dollars chez Intel. Cette invention m’a aussi permis d’être promu du poste d’ingénieur à celui de Senior Engineer avec titre de chef de projet lié à la mise au point d’une autre puce. J’ai aussi obtenu un septième brevet avec mon fils Yanni dans le domaine des jeux de société, grâce à l’invention du jeu Zingamino. Yanni avait 10 ans à l’époque.

 Vous avez créé plusieurs entreprises dans le domaine des jeux de société. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai créé ma première startup en 2004 avec mon fils Yanni (qui avait alors 10 ans). La startup était active dans le secteur des jeux de société. Yanni a eu une excellente idée de faire entrer le jeu classique du Domino dans une toute nouvelle dimension. Il a inventé le jeu «Zingamino» dans lequel les joueurs doivent non seulement relier les chiffres sur les dominos mais il y a aussi quatre couleurs (rouge, jaune, vert et bleu) à composer. En 2007, nous avons accordé une licence pour le jeu Zingamino à une célèbre société de jeux américaine Jax, Ltd (les créateurs du jeu SEQUENCE). Jax, Ltd a renommé notre jeu LINKO et l’a vendu aux États-Unis, au Canada et au Mexique. L’accord relatif à cette licence était valable de 2007 à 2017.
En 2016, nous avons créé LZG Games- LLC pour nous attaquer aux marchés africain et européen. La devise des jeux LZG était : «Les jeux anciens avec une touche moderne».
En 2016 toujours, nous avons développé le jeu à deux joueurs «ZhiZhu !». Il s’agit d’un remake d’un jeu antique lié aux pharaons et qui a été en réalité introduit en Afrique du Nord par les Romains. J’ai trouvé une copie du jeu dans mon village (Ath Saida, Boudjellil, à Bejaïa). Elle avait été sculptée sur les rochers au lieu de rassemblement du village, « Tadjmaath ». Les villageois, jeunes et vieux, y jouaient. J’ai apporté des modifications à ce jeu pour le rendre plus difficile et avec ces modifications cela a rendu l’ancienne version du jeu (également appelée Nine Men Morris) obsolète.
Le «ZhiZhu !» a été officiellement lancé au Salon des jeux et jouets de Nuremberg (Allemagne) en 2017. En 2021, j’ai renommé LZG Games, LLC «345 Games, LLC» en hommage à mon philosophe et mathématicien grec préféré : Pythagore (son célèbre triangle 3, 4, 5) après avoir visité sa ville natale Samos, en Grèce.
En 2024, j’ai lancé Afri-Tek Innovations qui développe et commercialise des applications et des jeux numériques basés sur l’histoire et la culture riches et diversifiées de l’Afrique. Nous lancerons prochainement notre premier jeu : «ZhiZhu ! – The Spider» en version numérique sur Android et Apple IOS. Restez à l’écoute pour l’annonce prochainement.

nn Vous étiez dans l’informatique avant de passer au secteur des jeux. Comment s’est fait votre reconversion ?
J’ai rejoint Intel en 1981, juste après avoir obtenu mon diplôme de l’université de Washington, Seattle avec un BSEE et un MSEE (Baccalauréat et Master en génie électronique NDLR). J’ai débuté comme un «Test Engineer» sur le microprocesseur 8088, le premier microprocesseur installé sur le premier PC d’IBM en 1981. Après cette date, j’ai progressé dans ma carrière pour devenir Directeur de validation et des applications. J’ai travaillé sur les microprocesseurs et Chipsets (jeux de puces NDLR) X86 (186, 286, 386) et Pentium (1, 2, 3, 4). En 2006, j’ai pris ma retraite de chez Intel.
Je signale que je suis rentré en Algérie en 1984. J’ai fait mon service militaire entre 1885 et 1987. Après la fin de mon service militaire, en 1987, Intel m’a contacté et je suis reparti aux États-Unis.
De 2007 à 2013, j’ai rejoint quelques startup (Zilog, Magnum Semi et Atmel). De mai 2013 à septembre 2016, j’ai rejoint la société sans fil Qualcomm à San Diego, en tant que responsable du marketing technique du chipset Snapdragon. Puis en septembre 2016, j’ai quitté le secteur de la High Tech pour me concentrer sur le secteur des jeux de société, notamment sur le nouveau genre de jeux que j’ai inventé : les «Jeux anciens avec une touche moderne». D’une certaine manière, je suis dans le secteur du «recyclage des vieux jeux» (rires).

nn Le marché des jeux de société semble assez dynamique au niveau mondial. Est-ce que c’est aussi le cas en Algérie ?
Malheureusement, ce n’est pas le cas. Les jeux éducatifs sont très utiles car les enfants apprennent mieux en jouant dès leur plus jeune âge. J’aimerais développer la culture du jeu dans la société algérienne. C’est un business très intéressant puisqu’il peut créer des emplois et être très bénéfique à la société, notamment au niveau des écoles. Nos jeux s’adressent aux familles et aux amis. Ils peuvent être un bon complément pour le travail des écoles.
Je saisis cette opportunité, d’ailleurs, pour lancer un appel aux jeunes et aux investisseurs algériens qui souhaitent m’accompagner dans cette aventure pour me contacter.

nn Comment peut-on tirer profit des compétences algériennes établies à
l’étranger ?
L’Algérie peut profiter de sa diaspora scientifique en l’intégrant dans le cadre du développement.
La plupart des membres de la diaspora algérienne, qui ont commencé à travailler au début des années 80 dans les entreprises de haute technologie sont à la retraite ou sont sur le point de prendre leur retraite dans les prochaines années. Il existe donc énormément d’Algériens qui ont réussi, qui ont beaucoup d’expérience et des relations et qui ont aussi beaucoup de temps libre. Ils peuvent et veulent aider. Une idée que j’ai est de rassembler ces retraités hautement qualifiés dans le cadre d’une association capable de mettre leurs compétences au service des startup algériennes et/ou des entreprises déjà bien établies.
Je suis sûr que ce groupe de personnes ne recherche pas de l’argent ou de postes en Algérie, mais sont désireux de contribuer et de rendre à l’Algérie le bien qu’elle a fait pour eux.

nn Quels sont vos projets à moyen terme ?
Tout d’abord après le lancement d’Afri-Tek Innovations au WBAF (World Business Angel Investors Forum) à Bahreïn, je souhaite me lancer dans la production et mettre en place des équipes de développement dans 4 à 5 pays en 2025. J’espère que les premières seront en Algérie et au Cameroun (mon partenaire est Camerounais).
Comme pour mon autre société (345 Games, USA), je suis en train de développer des prototypes pour 3 jeux. J’ai donc décidé de m’installer en Chine en 2025 pour développer ces prototypes et, espérons-le, les lancer d’ici la fin de l’année 2025.
A. M.