Opposition
Si les Européens ne perdent pas de temps pour critiquer Donald Trump et son équipe, n’hésitant pas à les accuser d’autoritarisme, il est étrange de constater à quel point leurs timides condamnations face à la situation actuelle en Turquie où le président Erdogan jette ses opposants en prison et réprime très violemment les manifestations populaires […]

Si les Européens ne perdent pas de temps pour critiquer Donald Trump et son équipe, n’hésitant pas à les accuser d’autoritarisme, il est étrange de constater à quel point leurs timides condamnations face à la situation actuelle en Turquie où le président Erdogan jette ses opposants en prison et réprime très violemment les manifestations populaires qui en ont découlé, contraste avec le ton adopté avec Washington. En effet, quatre jours après son arrestation qui a déclenché une vague de contestation en Turquie, un juge a ordonné hier l’incarcération pour «corruption» du maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a annoncé un de ses avocats à l’AFP. Également poursuivi pour «terrorisme», Ekrem Imamoglu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, avait été amené samedi soir avec 90 de ses co-accusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d’y être entendu à deux reprises dans la nuit. Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d’opposition auquel le maire d’Istanbul appartient, a dénoncé «un coup d’État politique». La justice a ordonné hier matin l’incarcération d’autres co-accusés du maire, dont l’un de ses proches conseillers, selon des médias turcs. Jusque tard, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville d’Istanbul pour le quatrième soir consécutif à l’appel de l’opposition, afin d’y soutenir Ekrem Imamoglu, qui a dénoncé des accusations «immorales et sans fondement» à son encontre. L’accusation de «soutien à une organisation terroriste» contre Ekrem Imamoglu, figure du CHP, fait redouter à ses soutiens son remplacement par un administrateur nommé par l’État à la tête de la plus grande ville du pays. Depuis mercredi, la vague de protestation déclenchée par son arrestation s’est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, parti de la place Taksim d’Istanbul, en 2013. Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l’AFP. Ces manifestations ont débouché sur des centaines d’arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités. En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d’Istanbul dans les années 1990, a juré de ne pas céder à la «terreur de la rue». Ekrem Imamoglu, 53 ans, est devenu la bête noire d’Erdogan en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l’État, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis vingt-cinq ans. L’édile d’opposition, triomphalement réélu en 2024, devait assister initialement hier à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028. Le CHP a décidé de maintenir l’organisation de cette primaire, qui a démarré à 8 h locales (5 h GMT), et a appelé tous les Turcs, même non-inscrits au parti, à y prendre part. Mais ce n’est pas la première fois que les Turcs tentent de s’opposer dans la rue à Erdogan et sa réponse extrêmement violente et l’incarcération pour de longues peines de prison de protestants, avaient terrifié la population et l’avait poussée au silence. Aujourd’hui, il semble utiliser les mêmes méthodes. Reste à voir s’il obtiendra les mêmes résultats. Du côté de Paris et Berlin, l’on condamne l’arrestation d’Ekrem Imamoglu, sans pointer du doigt directement Erdogan et sans essayer, à ce stade, d’utiliser le moindre levier pour obtenir la libération du maire d’Istanbul.
F. M.