Sacrifice

Emmanuel Macron envisageait-il déjà, au moment de l’annonce des élections législatives anticipées de juin dernier, de refuser quoiqu’il en coûte de nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire ou du Rassemblement National ? Avait-il, avec l’aide de ses conseillers, fait le pari d’une mince victoire de l’opposition, laissant la porte ouverte à un gouvernement choisi par le président de la République lui-même, ou bien la très courte victoire de la gauche a-t-elle été une surprise qui a fourni à l’Élysée la parfaite excuse pour refuser de lui confier les clés de Matignon ? Autant d’interrogations qui font douter sur les véritables motivations d’Emmanuel Macron. Toutefois, du côté de l’opposition l’on n’est pas prêt à reculer et désormais Jean-Luc Mélenchon met au défi le président français de refuser de nommer la candidate du NFP après avoir annoncé une possible non-participation de LFI au gouvernement, la principale excuse avancée par l’Élysée pour refuser un gouvernement de gauche. En effet, alors que les responsables macronistes ont annoncé qu’ils censureraient un gouvernement du Nouveau Front Populaire en cas de ministres Insoumis, le chef de LFI a pris les devants. Invité au 13h de TF1 ce samedi, l’ex-candidat à l’élection présidentielle a interpellé les dirigeants du bloc central. «Le gouvernement de Lucie Castets, s’il ne comportait aucun ministre Insoumis, est-ce que vous vous engagez à ne pas voter la censure ?», a-t-il demandé. «Si vous nous répondez non, on dira que les ministres Insoumis, en fait, sont un prétexte. C’est du programme dont vous ne voulez pas», a-t-il ajouté. Façon de mettre dos au mur le camp présidentiel. «Nous ne serons jamais du côté du problème. Nous serons toujours du côté de la solution», a défendu Jean-Luc Mélenchon, sous-entendant qu’il n’excluait pas de «sacrifier» des ministères pour LFI si cela permet la mise en place d’un gouvernement NFP. «La gueule que doivent faire Attal et Séjourné», se marre un député socialiste, qui salue un geste «malin et courageux» de la part du chef des Insoumis. Coup de bluff ou non, Jean-Luc Mélenchon a pris tout le monde de court. Encore vendredi, lors du rendez-vous entre la gauche et Emmanuel Macron, Lucie Castets avait réaffirmé au chef de l’État qu’un gouvernement du Nouveau Front Populaire sans Insoumis n’était pas négociable. «Jean-Luc Mélenchon ouvre la voie à un soutien sans participation de La France Insoumise à un gouvernement de Lucie Castets. Le prétexte de la présence de ministres LFI n’existe plus. On attend maintenant la réponse de tous ceux qui pensaient avoir trouvé là un moyen de rejeter en bloc le NFP», a salué Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, sur X (ex-Twitter). Lucie Castets a, pour sa part, salué devant la presse «une position courageuse» de Jean-Luc Mélenchon et de LFI. «Ils ont posé la question, j’ai hâte d’avoir la réponse», a-t-elle affirmé, répétant qu’à ses yeux «les quatre forces du Nouveau Front Populaire avaient vocation à gouverner». Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a fait comprendre sur X que cette manœuvre de Jean-Luc Mélenchon ne changeait rien. «Si le gouvernement échoue, les Insoumis pourraient malgré tout dire qu’ils n’en sont pas comptables», note toutefois un parlementaire socialiste. Depuis Valence, les cadres Insoumis se félicitaient de cette nouvelle technique de «déstabilisation» de leur chef. «Ce qu’ils ne savent pas, c’est la deuxième étape. Nous allons tous adhérer au PS !», plaisante un député LFI. Reste à voir désormais si le sacrifice proposé par Mélenchon fera plier Emmanuel Macron, qui semble bien décidé à ne pas passer la main à la gauche, mais qui pourrait au vu de cette ultime manœuvre de Mélenchon se retrouver au pied du mur.