Un livre de Slimane Alem: «Taguemount Azouz, un village, une commune, une histoire»
Taguemount Azouz, village analogue aux strates de l’écorce terrestre, perpétuellement en proie aux soubresauts de la vie, comme le sont d’ailleurs tous les villages de la Kabylie, construits sur des collines, promontoires et pitons : les uns comme des diadèmes sur le front de légendaires reines ; les autres tels des colliers sur le cou […]
Taguemount Azouz, village analogue aux strates de l’écorce terrestre, perpétuellement en proie aux soubresauts de la vie, comme le sont d’ailleurs tous les villages de la Kabylie, construits sur des collines, promontoires et pitons : les uns comme des diadèmes sur le front de légendaires reines ; les autres tels des colliers sur le cou de jeunes nubiles le jour du rituel consacré à la fécondité de la terre.
Par Arezki Hatem
Les villages kabyles bien qu’ils sourdent tout au long des ans sur une terre à la topologie inhospitalière, sont néanmoins peuplés par des hommes à l’abnégation proverbiale et des femmes aux bras de fer, poussant la main âpre du destin à se défaire de son poing et à étaler la paume de sa main pour saluer le courage de ces villageois au visage, certes, sillonnés par des rides bien que profondes de la profondeur du sacrifice pour perpétuer et la race et la fécondité de la terre ; mais nullement entamé dans son substrat, socle à la pureté opaline qui se renouvelle telle une allègre aube à la racine du jour. Et tel le sillage d’un vaisseau amiral naviguant sur les eaux houleuses et profondes mais aux récifs riches d’une incommensurable richesse, le livre de Slimane Alem, «Taguemount Azouz : un village, une commune et une histoire», nous transporte, vent en poupe, sur sa proue pour un envoûtant voyage dans l’histoire de Taguemount Azouz.
Naissance d’un village
Slimane Alem, est un enfant de Taguemount Azouz, appartenant à la matrice essentielle ayant présidé à la fondation du village, aussi inspecteur de l’enseignement professionnel à la retraite et ancien président de la commune d’Ait Mahmoud dont dépend le village de Taguemout Azouz (le village constitue l’épine dorsale de la commune, et ceci, de par sa qualité de chef-lieu et sa forte population, quatrième des villages les plus peuplés en Kabylie). Il est au-dessus de tout, un passionné d’histoire et en particulier celle ayant trait à son village et de la Kabylie en général. Slimane Allem a toujours porté son regard scrutateur sur l’histoire de son village, un regard sondant et examinant profondément des sources cachées sur des pans entiers d’événements historiques ayant marqué de leur empreinte de fer son village, cependant demeurant tristement méconnus par un large éventail des nouvelles générations. Une méconnaissance qui n’aura que trop duré et engendrant, telle une érosion sur une terre arable, d’irréversibles glissements, emportant de larges pans de l’histoire de Taguemount Azouz. Néanmoins, l’auteur Slimane Alem, avec sa conscience toujours en état de veille, a su se pencher scrupuleusement sur le terreau anthropologique de son village, envahi par une débordante nébuleuse de poussière le rendant ainsi peu perceptible aux yeux des passionnés d’Histoire, pour l’exposer au grand jour sous une nouvelle lumière, une lumière révélatrice et rénovatrice.
Un village, une commune, une histoire, un récit captivant Le récit de Slimane Alem
s’étrenne par une préface rédigée par Chabane Imache , fils de l’un des fondateurs de «L’Étoile nord-africaine», Amar Imache ,où il nous donne un avant-goût sur le contenu du livre en soulignant la nécessité de lire ce récit historique pour que les nouvelles générations s’imprègnent du combat des ancêtres et préservent leur legs afin que leur mémoire soit toujours audible dans le tintamarre des trivialités de ces temps qui courent. L’idée d’écrire son livre a pris naissance dans l’esprit de Slimane Alem le jour où il a pensé à dresser son arbre généalogique pour remonter la lignée de ses ancêtres qui se confond inéluctablement avec le fondateur de Taguemount Azouz. Et comme l’appétit vient en mangeant, l’auteur a décidé d’élargir son champ de recherche en l’étendant vers un domaine plus diversifié pour draper son œuvre d’une tunique aux multiples symboles qui, chacun, raconte une séquence du village Taguemout Azouz. Le livre ne se borne pas aux limites territoriales et historiques du village, mais se déploie sur le terroir du voisinage immédiat du village dont il est intrinsèquement lié par un destin commun : par appartenance à la même Fédération pour la tribu d’Ait Mahmoud et à la Confédération d’Ait Aissi. Comme des alliances matrimoniales qui se font et se défont, l’Histoire a aussi son lot de divorces douloureux et sanglants. Et les exemples de ces derniers sont légion à travers des partis pris dans des conflits tribaux et des revirements de dernière minute pour s’aligner sur le Sof le plus puissant. Cependant, quand il s’agit d’un danger commun, les alliances tribales s’effacent pour laisser à l’union du sang le soin de botter hors de la terre des ancêtres l’étranger envahisseur. Et le village de Taguemount Azouz n’a pas été du reste dans la lutte contre les multiples agresseurs qui se sont succédé sur notre pays : les insurrections qui ont suivi la campagne militaire française en Algérie fut un véritable baptême de feu pour le village de Taguemount Azouz, un village qui n’hésita pas une seconde pour se jeter dans le feu de l’action, en rassemblant ses meilleurs combattants au service du devoir national. De l’insurrection de Fadma n’soumer, en passant par celle de 1871, et jusqu’à à la Révolution de novembre 1954 ; le lot de martyrs tombés au champ de l’honneur ne cessera jamais de s’allonger et d’imbiber le sol du village du sang de ses enfants.
Village pépinière aux semis fertiles
Il est notoirement connu que le village de Taguemount Azouz fut récipiendaire en 1873 de la première école pour garçons ; et en 1892 de la première école pour filles, fondées par les Pères blancs. Cette aubaine pour les villageois ne fut pas dénuée de toute arrière-pensée, car d’aucuns pensaient à l’époque que le but de la congrégation religieuse, à tort ou à raison, était de chercher par leur entreprise à capter les enfants de l’élite villageoise pour les christianiser. Cependant, quel que fût le but derrière la création de ces écoles, elles ont été durant des années un tremplin pour les enfants du village, de l’avis de l’auteur, pour une instruction de qualité et une ascension sociale dans un environnement en manque criard d’élites. Un fait notable à mettre en relief, selon l’auteur, est indéniablement l’accueil favorable réservé à la fondation des deux écoles, et cela dénote de la soif du savoir chez la population et leur intime conviction que le seul moyen de botter hors des rivages de l’Algérie le colonialisme français réside dans l’acquisition d’une bonne instruction. L’auteur, bien soucieux de donner l’exemple et de mettre en relief le sacrifice des anciens pour offrir à leur progéniture une éducation à la hauteur des défis de la vie, a cité dans son livre des hommes et des femmes qui ont marqué et le village et la commune par leur indélébile empreinte et qui sont à la fois une fierté et un modèle à suivre pour les générations futures. C’est le cas, notamment, de l’écrivain Rachid Aliche, Dehbia Abrous, le Dr Ouahes Ouamar, le chercheur Moh Cherbi, l’écrivaine Bahia Amellal, la linguiste Nacera Abrous, la célébrissime artiste Malika Domrane, le militant de la cause amazighe Smail Medjeber, etc. A. H.
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