Ali Ameur, dit Ali Magoura, maquisard de la première heure et commandant de l’ANP: Un destin forgé dans l’airain
Ali Ameur naquit le 8 septembre 1938 au village Magouda, actuelle commune de Zikri. Naître sous le ciel plantureux du colonialisme, dans cette Algérie soumise à toutes sortes de privations, est la plus ardente des naissances. Par Arezki Hatem Une délivrance douloureuse pour une mère en perpétuelle souffrance et un cri insurrectionnel du nouveau-né, car […]
Ali Ameur naquit le 8 septembre 1938 au village Magouda, actuelle commune de Zikri. Naître sous le ciel plantureux du colonialisme, dans cette Algérie soumise à toutes sortes de privations, est la plus ardente des naissances.
Par Arezki Hatem
Une délivrance douloureuse pour une mère en perpétuelle souffrance et un cri insurrectionnel du nouveau-né, car à l’unisson et le cri de la mère et celui de son enfant sont comme un oracle infaillible à l’intention du colonialisme. C’est ainsi que fut la naissance du maquisard de la liberté, Ameur Ali, une délivrance de la matrice maternelle et un appel pressant et coléreux, de cette colère à la lucidité des sages, pour une délivrance de la matrice oppressante du colonialisme français.
Enfant déjà, l’homme à poigne du Groupe de choc, fondé dans le maquis de la Wilaya Ill et ayant à son actif une ribambelle d’opérations plus spectaculaires les unes que les autres contre les godillots de l’armée française, était précocement éveillé aux exactions du colonialisme et la ségrégation criante appliquée inhumainement au peuple algérien. Cette maturité précoce le saisira à bras le corps et inculquera à son esprit l’inébranlable conviction que seule la lutte armée est porteuse en son sein d’une lueur d’espoir pour bouter hors des rivages de l’Algérie ce colonisateur qui n’aura que trop duré.
«Les sentinelles de l’Akfadou», un récit historique né dans le témoignage d’un intrépide combattant
Zahia Ameur, fille de Ali Ameur dit Ali Magoura, nom de guerre éponyme du village qui l’a vu naître en 1937, emprunte sa plume à son illustre et désintéressé père, car resté discret et loin des lumières aveuglantes et corruptrices des projecteurs, pour qu’il raconte la période charnière de son engagement dans les rangs de la Révolution algérienne, dans le maquis de la Wilaya III historique. Bien que l’engagement d’Ali Ameur remonte aux débuts de la guerre d’indépendance, un engagement naturel, inné, est né dans cette volonté d’en découdre avec le colonialisme abject et criminel. À l’image, d’ailleurs, de l’écrasante majorité de la population algérienne qui adhéra promptement à l’appel du premier novembre sans être au préalable structurée et organisée. Un engagement, de ces engagements qui se produisent par entraînement naturel qui couvait en sourdine dans l’âme tourmentée du peuple algérien. Ainsi fut l’engagement d’Ali Ameur au début du combat libérateur : un engagement spontané mais non structuré à ses débuts. Et le choix porté par l’autrice des «Sentinelles de l’Akafadou» s’inscrit, comme son titre l’indique, amplement dans ce parcours atypique d’Ali Ameur, un long chemin de lutte qui s’étrenna en sentinelle scrutant le moment opportun de rejoindre le maquis, tout en contribuant dans l’attente de ce moment de grande vérité de par sa contribution, on ne peut plus claire, à assurer une tâche et pas des moindres, aussi dangereuse que le maquis : le renseignement et la logistique, deux maillons essentiels dans la chaîne à peine naissante de la Révolution algérienne.
Aussitôt appelé sous le drapeau français pour rejoindre son casernement d’affectation, les responsables de la Wilaya III lui ordonnèrent de rejoindre le maquis et de passer ainsi d’homme de renseignement et de soutien à celui de combattant dans le feu de l’action , l’arme en bandoulière, catapultant avec enthousiasme et conviction sur les chemins sinueux et ardents du maquis kabyle. Cependant, la période précédant sa montée au maquis fut riche en contributions à cette lutte naissante dans le dénuement, mais portée avec courage et désintéressement par des hommes de la trempe d’Ali Ameur : des hommes qui ont prêté le serment d’honneur devant les sépultures de leur ancêtre, le serment de laver l’affront de la servitude et ses appendices mortifères. Ainsi fut le destin des combats libérateurs de par le monde entier pour l’émancipation du joug colonial, un sacrifice suprême et une inébranlable conviction dans l’idéal indépendantiste.
1957-1962, cinq ans dans le feu de l’action
Appelé sous le drapeau français en 1957, à peine âgé de 19 ans, Ali Ameur choisit le maquis à la servitude et rejoignit le maquis après avoir reçu l’ordre des responsables du maquis kabyle, car l’homme était déjà pleinement engagé dans les réseaux de soutien à la lutte armée. L’autrice raconte sur un ton objectif les propos de son père, cependant avec cet épanchement sentimental que l’on a peine à cacher, ce départ au maquis et cette charge émotionnelle, déversant son torrent de tristesse sur sa fratrie qui voit l’un des leurs partir sur le chemin du sacrifice suprême et dont le retour au bercail n’est qu’un ténu espoir dans cette Algérie de feu et de sang. Ali Ameur, sous la plume de Zahia Ameur, en homme déterminé à relever le défi de la lutte, pressa le pas pour rejoindre le maquis et servir son pays de la noblesse de son engagement et sa foi indomptable en l’indépendance de l’Algérie.
Zahia Ameur raconte dans son ouvrage qui jette la lumière sur Ali Magoura, comment cet homme est resté humble malgré ses immenses faits d’armes et n’a jamais cherché durant sa vie les lauriers de la gloire. Cette vertu d’homme du peuple l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle dans ce monde des mortels. Ali Ameur a inscrit son nom sur les sentiers encore parlants du maquis kabyle de par les opérations auxquelles il a participé et, du témoignage de ses compagnons d’armes, un infatigable baroudeur. Zahia Ameur raconte dans son livre une floraison de ces actions menées avec diligence et un haut degré de sacrifice par Ali Ameur et ses compagnons de lutte.
Dans ce sillage, l’autrice des «Sentinelles de l’Akfadou» raconte une triste séquence d’une embuscade menée par un groupe de maquisards, dont fait partie feu Ali Ameur, et qui s’était soldée par la mort de soldats français : après avoir dépouillé les soldats morts de leurs armes et la fouille de leurs documents, un maquisard de l’ALN trouva une lettre adressée par une mère d’un appelé de l’armée française, à peine âgé de 20 ans , et dont la quille était le lendemain de l’embuscade. Une lettre où la mère brosse tous les préparatifs pour l’accueillir à son retour en France, un accueil en pompe où une célébration grandiose devait lui être réservée. À la lecture de cette lettre, Ali Ameur et ses compagnons sombrèrent dans une grande tristesse et apportèrent à leur tour la lettre au colonel Muhand Oulhadj, chef de la Wilaya III, qui ne resta pas de marbre face à cette émouvante situation. Le colonel rédigea une lettre de condoléances à l’adresse de la mère du soldat tué, où il alla, de toute sa sagesse et son sens de la responsabilité, démontrer à la mère éplorée que la mort de son fils n’est que le résultat de la politique criminelle de la France coloniale en Algérie et ses visées expansionnistes, dont son fils, jeune appelé à la fleur de l’âge, n’était qu’offrande sur l’autel de la guerre.
Cette tragique séquence du témoignage raconté par Zahia Ameur de la bouche même de son père, témoigne du fossé infranchissable qui sépare l’idéal révolutionnaire des combattants de l’ALN de celui l’armée française : une ALN pétrie dans le creuset du respect de la vie humaine, soucieuse d’humanisme et de probité. Et une armée française impitoyable et inhumaine dans ses actions, allant jusqu’à sacrifier ses propres enfants sur une terre qui n’est pas la sienne.
«Les sentinelles de l’Akfadou», un hymne à un homme d’honneur
En se penchant sur l’écriture de son livre, l’autrice Zahia Ameur a voulu non seulement rendre hommage à cet homme humble qui est son père, mais en dépoussiérant cette période allant de 1957 jusqu’à 1962, une période riche en événements et rebondissements qui ont failli emporter la Révolution algérienne par les vents de la conspiration, dont l’opération Jumelle fut la plus connue, si ce n’était le haut degré de vigilance des responsables de la Révolution qui avaient su porter la main sur la plaie et arrêter l’hémorragie.
Et c’est dans cette noble perspective que s’inscrit l’œuvre de Zahia Ameur : poser la main du lecteur sur ce corps où s’abritent les sentinelles de l’Akfadou et sentir leur regard scrutant, à travers un texte subtilement ciselé et richement documenté, l’horizon de l’indépendance avec ferveur et passion. A. H.
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