Bachir Hakem, représentant national de l’OSRA : «Il est temps de mettre à jour les retraites en suivant l’indexation des salaires»

À l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, célébrée le 1er mai, l’attention se porte généralement sur les revendications des salariés. Pourtant, une autre catégorie de citoyens, longtemps engagée dans la construction du pays, mérite, elle aussi, d’être entendue : les retraités. En Algérie, ils sont aujourd’hui  plus de 3,5 millions, dont une grande majorité […] The post Bachir Hakem, représentant national de l’OSRA : «Il est temps de mettre à jour les retraites en suivant l’indexation des salaires» appeared first on Le Jeune Indépendant.

Mai 4, 2025 - 01:33
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Bachir Hakem, représentant national de l’OSRA :  «Il est temps de mettre à jour les retraites en suivant l’indexation des salaires»

À l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, célébrée le 1er mai, l’attention se porte généralement sur les revendications des salariés. Pourtant, une autre catégorie de citoyens, longtemps engagée dans la construction du pays, mérite, elle aussi, d’être entendue : les retraités. En Algérie, ils sont aujourd’hui  plus de 3,5 millions, dont une grande majorité vit en dessous du seuil de dignité, confrontée à l’inflation, à la faiblesse des pensions et au manque d’accès aux soins.

Dans cet entretien, Bachir Hakem, représentant de l’Organisation syndicale des retraités algériens (OSRA), dresse un état des lieux de la situation des retraités, revient sur leurs luttes, exprime leurs espoirs et interpelle les pouvoirs publics sur l’urgence de mesures concrètes.

 

Le Jeune Indépendant : Quelle est la situation des retraités en Algérie selon l’OSRA ?

Bachir Hakem : Le nombre de retraités en Algérie ne cesse d’augmenter. Il est passé de 2 millions en 2010 à plus de 3,5 millions à la fin de 2024, avec une moyenne annuelle de 130 000 nouveaux pensionnés. Cette évolution exerce une pression croissante sur la Caisse nationale des retraites (CNR), dont le système repose désormais sur un ratio préoccupant de 2,2 cotisants pour un retraité,bien en dessous du seuil d’équilibre estimé à cinq cotisants.

La précarité touche une part importante de cette population : environ 1,5 million de retraités perçoivent une pension inférieure à 20 000 DA. Des revalorisations ont certes été appliquées depuis mai 2022, conformément aux instructions présidentielles (plus de 10 % pour les pensions inférieures à 15 000 DA, 5 % pour celles entre 15 000 et 20 000 DA, 3 % entre 20 000 et 43 000 DA, et 2 % pour les montants supérieurs), mais pour l’OSRA, ces ajustements restent largement insuffisants. Elle dénonce une politique de « deux poids, deux mesures », notamment après la revalorisation des salaires en 2024, estimée en moyenne à 53 %, alors que les pensions n’ont été relevées que de 10 à 15 %. Ce décalage croissant est perçu comme une atteinte au principe d’équité sociale.

En ce 1er mai 2025, l’OSRA demande une revalorisation des pensions alignée sur celle des salaires. Elle appelle à corriger les inégalités générées en 2024 et à réparer ce qu’elle qualifie d’« injustice de 2022 », lorsque plus de 50 000 retraités n’avaient bénéficié d’aucune augmentation.

 

Quels sont les principaux défis auxquels les retraités sont confrontés aujourd’hui, notamment en matière de pouvoir d’achat, de santé, de logement et d’isolement ?

Reconnu par la Fédération mondiale des syndicats (FSM) et l’Union internationale des syndicats des pensionnés et retraités (UIS des P&R), l’OSRA demeure à ce jour le seul syndicat représentant les retraités en Algérie, bien qu’il attende toujours son récépissé d’enregistrement officiel, nécessaire à la reconnaissance légale de son statut.

Malgré cet obstacle administratif, l’OSRA continue de défendre les droits des retraités et de porter plusieurs revendications pour améliorer leurs conditions de vie. Parmi celles-ci, la liberté d’association et la protection du droit syndical, le droit pour les retraités de créer leur propre syndicat, l’unification et le financement durable des caisses de retraite, la reconnaissance des retraités comme travailleurs passifs selon les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT), le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans pour les hommes et à 55 ans pour les femmes, avec prise en compte du service national, la suppression de l’impôt sur les pensions (IRG), un accès gratuit aux soins et aux médicaments sans exception, l’indexation des pensions sur les salaires pour mettre fin aux inégalités entre citoyens, ainsi que le droit à un logement pour tout retraité n’ayant jamais bénéficié d’un logement de l’Etat.

 

Peut-on parler d’une amélioration ou d’une dégradation des conditions de vie des retraités ces dernières années ?

Aujourd’hui, plus de 2 millions de retraités perçoivent moins de 30 000 DA par mois. Cela équivaut à environ 200 euros au taux officiel, et à peine 150 euros au taux parallèle, même après les dernières revalorisations. En revanche, seulement 1,5 million de pensionnés dépassent ce seuil. Dans ces conditions, toute amélioration réelle du niveau de vie reste illusoire : les augmentations annoncées ne suivent ni l’inflation ni l’évolution des salaires.

Depuis cinq ans, l’OSRA alerte sans relâche sur cette précarité croissante. Ce que certains appellent des revalorisations ne sont, en réalité, que de maigres augmentations offertes à ceux qui ont servi le pays toute leur vie. Aujourd’hui, de nombreux retraités sont contraints de reprendre un travail, de mendier, ou même de chercher leur subsistance dans les poubelles. Certains n’ont même plus de toit. Nous poursuivons notre combat, dans le respect de la légalité, pour que les retraités puissent enfin vivre avec dignité.

 

Quel est votre avis sur le montant actuel des pensions de retraite ? Est-il suffisant pour garantir une vie digne aux retraités ?

Lors du dépôt de son dossier en 2021, l’OSRA avait plaidé pour une pension minimale équivalant au salaire national minimum garanti (SNMG), soit 60 000 DA. Cependant, en raison de l’inflation et de la spéculation qui affectent le pays, notamment sur les produits de première nécessité, ce montant devrait aujourd’hui être bien supérieur à 60 000 DA pour permettre aux retraités de vivre dignement.

 

L’OSRA revendique-t-elle une revalorisation des pensions de retraite ? Si oui, selon quels critères ?

Pour parler de revalorisation, il faut d’abord revenir à son contexte de création. L’OSRA a été fondée après les fortes augmentations de salaires qu’a connues le pays, avec pour objectif de permettre aux pensions de se rapprocher des salaires. Cependant, cela reste impossible tant que toute revalorisation ne prend pas en compte l’inflation, le pouvoir d’achat, les salaires et leurs augmentations.

C’est pourquoi l’OSRA fait une distinction entre la revalorisation des pensions et leur simple augmentation. Pour rendre justice aux retraités, il est désormais nécessaire de revaloriser les pensions en fonction des réelles pertes de pouvoir d’achat par rapport aux salaires et d’indexer les pensions sur toutes les augmentations de salaires. Nous revendiquons une véritable justice sociale pour les pensions depuis 1962. Il est temps de mettre à jour les pensions en suivant l’indexation des salaires, comme cela se fait pour les autres caisses de retraite, afin d’éviter toute discrimination, ce que la Constitution condamne.

 

Existe-t-il un dialogue ouvert avec les pouvoirs publics ? Avez-vous été pris en compte dans leurs réponses ?

Les pouvoirs publics refusent tout dialogue avec l’OSRA et prennent note de nos revendications uniquement à travers la presse ou par courrier adressé au médiateur de la République et au président de la République. Cela a été le cas, par exemple, pour revendiquer notre récépissé d’enregistrement. Malheureusement, ces lettres sont restées sans réponse.

 

Le système de sécurité sociale et de couverture médicale répond-il aux besoins des retraités ?

Comparé à d’autres pays, notre système de retraite reste inadapté aux besoins spécifiques des retraités. Avec les moyens dont dispose l’Algérie, les prestations actuelles sont jugées insuffisantes et discriminatoires, notamment en raison des inégalités entre les différentes caisses de retraite.

L’OSRA revendique une prise en charge totale par la sécurité sociale pour les retraités : analyses, consultations, radios, interventions médicales doivent être remboursées à 100 %, car plus de 90 % des pensionnés souffrent de problèmes de santé. Le syndicat propose également la création de maisons de repos de qualité dans chaque wilaya, accessibles aux retraités dans le besoin, moyennant 50 % de leur pension.

A l’occasion du 1er mai, l’OSRA réitère ses principales revendications : retour à l’âge légal de la retraite à 60 ans maximum, instauration d’une pension minimale équivalente à 600 euros, indexation des pensions sur les salaires en cours, revalorisation immédiate de 10 à 15 %, unification des caisses de retraite et refus de leur privatisation, égalité salariale entre femmes et hommes, remboursement intégral des médicaments, droit pour les retraités de constituer des syndicats, calcul des pensions sur la base du meilleur mois de salaire, accès au logement pour les retraités sans toit et prise en charge dans des maisons de repos contre 50 % de la pension.

Malgré tout, les retraités restent mobilisés, convaincus de leur utilité sociale et bien décidés à faire entendre leurs voix.

Comment l’OSRA envisage-t-elle l’avenir des retraités en Algérie à court et moyen terme ?

L’OSRA appelle les autorités, les syndicats et la société civile à prêter une oreille attentive aux doléances des millions de retraités, souvent démunis et sans représentation, alors qu’ils continuent de pouvoir apporter leur contribution à la société. Avec près de 70 000 abonnés sur sa page Facebook, l’OSRA est devenue un véritable espace d’espoir pour ces citoyens. Nous demandons au président de la République une revalorisation équitable des pensions et une augmentation du pouvoir d’achat, à l’instar des salaires. Après quatre ans d’attente sans récépissé, le moral des retraités est au plus bas, et beaucoup ressentent un profond sentiment d’injustice. L’OSRA ne cherche qu’à agir dans le cadre légal, en vue de restaurer la justice et la dignité des retraités.

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