Immersion: Constantine, un livre d’histoire à ciel ouvert

Constantine est une ville unique au monde. On pense qu’il faut vraiment ne pas avoir le vertige parce que tout est en hauteur. Tout commence sur les ponts suspendus et au-dessus des gorges du Rhumel… Hafit Zaouche Nous avons déjà consacré un reportage à la ville de Constantine, mais on ne s’ennuiera pas d’écrire et […]

Mai 26, 2025 - 22:39
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Immersion: Constantine, un livre d’histoire à ciel ouvert

Constantine est une ville unique au monde. On pense qu’il faut vraiment ne pas avoir le vertige parce que tout est en hauteur. Tout commence sur les ponts suspendus et au-dessus des gorges du Rhumel…

Hafit Zaouche

Nous avons déjà consacré un reportage à la ville de Constantine, mais on ne s’ennuiera pas d’écrire et
d’écrire encore et encore sur la ville du vieux rocher qui nous a volé notre cœur…
Nous pénétrons une fois de plus dans l’une des plus anciennes cités du monde, Constantine, ville perchée sur un rocher, «une ville imaginaire». Une ville historique regorgeant de secrets.
Dans les plus vielles ruelles de Constantine, l’esprit de Ben Badis résonne encore. C’est une figure emblématique de la ville de Constantine, rappelant son combat pour l’éducation et la renaissance culturelle de l’Algérie. «C’est un érudit, c’est un savant musulman, c’était quelqu’un qui a combattu la France avec le stylo, c’était un fervent défenseur des droits de l’homme, des libertés des Algériens, des indigènes», nous a déclaré un universitaire rencontré à Constantine
Constantine est une ville unique au monde et on pense qu’il faut vraiment ne pas avoir le vertige parce que tout est en hauteur.
Tout commence sur les ponts suspendus et au-dessus des gorges vertigineuses. Pour vraiment comprendre Constantine, il faut absolument explorer la face cachée de la ville, celle qui se trouve sous nos pieds

Randonnée urbaine
Quel plaisir de marcher dans les ruelles de la ville de Constantine avec les amis.
C’est une ville d’histoire et de savoir et ceux qui aiment parler de sciences et de culture. Nous ne trouveront pas mieux que Constantine pour le faire. Une ville plusieurs fois millénaire. L’antique Cirta nous ouvre chaque fois ses bras.
Nous ne nous lasserons pas de sillonner les moindres artères de la ville du vieux rocher, de la casbah, à Rahbat El Djamal , Trik djedida, les différents ponts, le monument aux morts, bab El Kentra, Filali, Silloc, Belle Vue, Bel Air…
La ville de Constantine est un livre d’histoire à ciel ouvert. Elle existe depuis 2 500 ans, sur le sol des vestiges de celle que l’on surnommait autrefois la cité de Cirta. Et voilà là juste comme ça, à côté d’une habitation, nous tombons sur un pilier romain
Constantine, une ville suspendue impossible à conquérir, la seule ville qui a été imprenable, la ville du diable comme les Français l’appelaient à l’époque

Monument aux morts, l’Arc de triomphe
Monument aux morts, l’Arc de triomphe où sont inscrits tous les morts de la ville de Constantine tombés pendant la Première Guerre mondiale, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans
Constantine est l’une des plus vieilles villes du Maghreb et du continent africain.
Elle a traversé les âges au rythme des mélanges et des influences, et nous avons envie de découvrir son histoire
Les siècles de civilisations successives et de prospérité ont laissé leurs traces, et pour les apercevoir il faut pénétrer dans les entrailles de la ville.
Pour vraiment comprendre Constantine, il faut un guide local pour vous faire découvrir les bas-fonds de la ville du vieux rocher.

Constantine
du sous-sol
Sous les rues animées, les bâtisses séculaires de Constantine, une autre ville existe, dissimulée dans l’ombre, un labyrinthe souterrain sculpté par le temps et les hommes. Il y a tout un système de tunnels sous la ville de Constantine. Nous ne sommes qu’à une centaine de mètres en-dessous de l’une des plus grandes villes d’Algérie, et nous avons pourtant le sentiment d’être transporté dans un autre monde.
Ici dans la pénombre, les murs murmurent les récits des fugitifs, des conspirateurs et même des fantômes. Il y a deux Constantine, celle d’en haut et celle du sous-sol.
C’est ici que le Rhumel coule. En arabe, Rhumel veut dire sable. Il y a des algues sur les murs, un climat tropical, et nous oublions complètement que nous sommes au centre-ville
L’histoire millénaire de Constantine est aussi unique que la création de cette ville sur un vieux rocher.
Des successions de civilisations et d’influences ont fait de la cité un lieu d’échange culturel, de savoir et d’art.

Le cuivre est sacré pour les Constantinois
Dans le quartier des artisans le bruit des marteaux résonne sur des plateaux en cuivre. Tout le monde à Constantine a du cuivre à la maison. Il fait partie des traditions constantinoises, au point que dans chaque maison on retrouve un plateau en cuivre, caractérisant la capitale de l’est algérien.
Nous faire un goûter constantinois, une «siniya», avant la prière d’El Asr. Toutes les grandes familles constantinoises prennent un café en début d’après-midi pour faire le briefing de la journée.
Sur les hauteurs de la ville trône le palais Ahmed-Bey, dernier bey de Constantine. Au sein de cette belle bâtisse, ses fontaines, ses jardins et les images du marbre nous offrent un instant hors du temps.

La mosquée Emir Abdelkader, emblème de la ville
Dans les parties les plus récentes de Constantine trône l’une des mosquées les plus grandes d’Afrique. C’est la deuxième mosquée d’Algérie après la Grande mosquée d’Alger. Emblème de la ville de Constantine, beaucoup de familles viennent se reposer au niveau de la placette principale de cette mosquée. D’une belle architecture, sa coupole fait 107 mètres de haut, ses mosaïques sont très fines et une certaine sérénité s’en dégage.
L’horreur de l’inquisition espagnole a forcé des milliers de juifs et de musulmans à fuir l’Andalousie où ils avaient prospéré. Parmi les refuges qu’ils ont trouvés, la ville de Constantine. C’est ainsi qu’est né le Malouf, musique envoutante née de cet exode douloureux, témoin de la fusion des cultures andalouse et nord-africaine. A Constantine, la douleur de l’exil se transforme en une mélodie poignante et les refugiés ont bâti une communauté florissante, au cœur d’une terre d’islam accueillante.

Souika, l’âme de Constantine
La seule partie de Constantine où il n’y a eu aucune intervention française est Souika. Si vous souhaitez voir Constantine aux époques mumide et romaine, il faut aller à Souika. C’est le cœur de Constantine, son âme, tout le monde s’accorde à le dire.
Constantine n’est pas seulement un lieu d’histoire mais un endroit où l’on vit ensemble. La population juive à Constantine a été imprégnée par la culture. Les juifs ont cohabité durant plusieurs siècles avec les musulmans et les chrétiens. D’ailleurs, beaucoup l’appelaient la Jérusalem du Maghreb. Pour diviser et mieux régner, les Français ont promulgué le décret Crémieux, un des méfaits du colonialisme. La stratégie coloniale illustre brillamment la maxime «diviser pour régner». 30 ans après la conquête de l’Algérie, l’administration française décide de scinder la population en octroyant la citoyenneté française aux juifs d’Algérie, les séparant du statut d’indigène imposé par le code de l’indigénat. En quelques générations, un fossé se creuse entre ces deux groupes.
Les musulmans sont de plus en plus exclus de la vie politique et économique, tandis que la communauté juive accepte l’assimilation offerte par la nouvelle citoyenneté française. Le décret Crémieux a déclenché un effet boule de neige au cœur d’une cité où les juifs et les musulmans ont coexisté plus de 2 500 ans.
Le nom de Constantine résonne comme une ville mystique. Le cœur de Constantine bat au rythme du Malouf, du rire des passants et du bouillonnement du Rhumel.
H. Z.