Jijel: La bataille de Settara a mis en avant l’un des côtés les plus abjects de la barbarie coloniale
La bataille de Douar Sbih, les 26 et 27 avril 1958 dans la région de Settara (commune de Ghebala, dans la wilaya de Jijel), reste l’un des épisodes les plus héroïques des combattants algériens qui vinrent à bout de plus de 1.000 soldats français, mais aussi l’un des plus abjects de la barbarie coloniale. Le […]

La bataille de Douar Sbih, les 26 et 27 avril 1958 dans la région de Settara (commune de Ghebala, dans la wilaya de Jijel), reste l’un des épisodes les plus héroïques des combattants algériens qui vinrent à bout de plus de 1.000 soldats français, mais aussi l’un des plus abjects de la barbarie coloniale.
Le moudjahid Mohcen Ibrahim, un des rescapés de cette bataille au cours de laquelle 12 membres de sa famille avaient péri, a indiqué, dans un entretien avec l’APS, que la bataille de douar Sbih restera «toujours gravée dans sa mémoire du fait de l’indicible horreur de ce qui s’était passé». Il y a 67 ans, jour pour jour, raconte-t-il, «l’armée française avait massacré des centaines d’Algériens en utilisant des armes lourdes, en bombardant au moyen d’avions de guerre et en menant des offensives terrestres». Cependant, ajoute M. Ibrahim, «l’armada coloniale avait rencontré, ce jour-là, une résistance farouche et acharnée des Moudjahidine qui parvinrent à mettre hors de combat des centaines de soldats et à abattre deux avions dont des fragments sont visibles à ce jour, témoins immobiles de l’horreur». Tout avait commencé, selon ce témoin, «au matin du 26 avril 1958 lorsque l’ennemi français, informé d’un mouvement de djounoud dans la zone, avait encerclé toute la région avant de déclencher des attaques au moyen d’avions de guerre et de blindés près de Beni Sbih qui était, à l’époque, un centre commercial très animé et un point de passage entre Jijel, Skikda, Constantine et Mila». Il se souvient, surtout, de la quarantaine d’avions bombardiers qui lâchèrent des tonnes de napalm avant de laisser place à d’autres avions transportant des troupes aéroportées qui encerclèrent la région de toutes parts et utilisèrent des chars pour lancer leurs attaques. Des attaques, se rappelle-t-il encore, qui «se sont poursuivies de longues heures, donnant lieu à un combat héroïque des Moudjahidine et ce, jusqu’au soir qui vit l’affrontement se muer en affrontement au corps-à-corps, à l’arme blanche». Mohcen Ibrahim, alors âgé de 14 ans, avait essayé de se cacher dans une grotte qu’il finit par atteindre pour y découvrir des femmes avec leurs enfants, criant «Allah akbar» et poussant des you-yous. Etreint par l’émotion, il se souvient que les forces d’occupation avaient «encerclé la grotte où se trouvaient environ 30 personnes, en majorité des femmes et des enfants, avant d’y donner l’assaut, ouvrant le feu à bout portant sur tout le monde, sans exception». Parmi les 27 personnes tuées lors de l’attaque, ajoute le même témoin en réprimant un sanglot, «figurait un bébé de moins d’un an qui cherchait le sein de sa mère dont le corps nageait dans une mare de sang». Un soldat, observant ce spectacle, «mit en joue le nourrisson et l’abattit sans la moindre commisération, le faisant s’affaler contre la poitrine de sa mère déjà morte», relate le même témoin qui fut, lui-même, touché à la tête mais resta en vie grâce à Dieu, ce qui ne fut pas le cas de 12 membres de sa propre famille qui furent massacrés sous ses yeux. «Un spectacle que je n’oublierai jamais, une scène atroce qui m’accompagnera dans ma tombe», dit-il dans un profond soupir. Selon M. Daoud Bouguelmoun, président du Conseil scientifique et technique du musée du Moudjahid de Jijel, la bataille de Settara à Beni Sbih, fut l’une des plus importantes et des plus sanglantes de la guerre de libération nationale en raison de l’armement utilisé par l’occupant dont les troupes n’avaient épargné ni femmes, ni vieillards. Quelque 100 djounoud et 300 civils, pour la plupart des femmes, des enfants des personnes âgées, ont été tués, rapporte-t-il. Selon M. Bouguelmoun, «des survivants parmi les combattants algériens ont pu être évacués grâce au moudjahid Mustapha Filali qui avait réussi à trouver une brèche pour leur faire quitter les lieux au nez et à la barbe des soldats français qui assiégeaient la région». Aujourd’hui, une stèle commémorative, érigée à côté du cimetière des Martyrs de la commune de Ghebala, rappelle que 410 Algériens, entre combattants et civils, ont péri dans cette bataille au cours de laquelle 1.100 militaires français ont été tués.
Lalia Y./APS