Moudjahida torturée par les hordes coloniales: Fatima Saidani, une femme et un destin
La femme algérienne a joué un rôle primordial dans la lutte pour l’émancipation du peuple algérien de la bride coloniale. Certaines de ces femmes au destin mêlé au sang du sacrifice et aux larmes de la révolte, ont été aux premières loges du combat libérateur ; et d’autres anonymes, loin des feux de la rampe, […]
La femme algérienne a joué un rôle primordial dans la lutte pour l’émancipation du peuple algérien de la bride coloniale. Certaines de ces femmes au destin mêlé au sang du sacrifice et aux larmes de la révolte, ont été aux premières loges du combat libérateur ; et d’autres anonymes, loin des feux de la rampe, ont eu aussi leur lot de sacrifices et d’engagement infaillible pour que l’aube de l’indépendance soit visible dans le ciel chargé des nuages plantureux du colonialisme français.
Par Arezki Hatem
Des femmes d’honneur et de probité qui ont fait l’irrévocable serment d’accompagner les moudjahidine de l’ALN dans cette noble quête pour l’indépendance. Elles étaient comme des matrices intarissables perpétuant le combat du peuple algérien, longtemps objet de massacres et de génocides, donnant ainsi naissance à des hommes au courage inouï et aux ailes survolant les marécages du désespoir pour atterrir sur les limons féconds de l’espoir. Elles étaient comme des égéries, inspiratrices de liberté et semeuses de révolte dans les esprits les plus réfractaires pour l’idéal révolutionnaire. Il est vrai que la longue nuit coloniale a inoculé dans l’âme algérienne cette graine infestée du découragement, cependant la matrice colonne du peuple algérien, ce vecteur au creuset si profond dans la genèse de la nation algérienne est resté allumée par la ferveur d’un jour nouveau, le jour de botter hors des rivages de l’Algérie cette bête immonde, le colonialisme français. Et chaque combattant pour la libération nationale dans son engagement contre le geôlier de sa liberté est accompagné par l’ombre de sa femme, une ombre protectrice, insufflant dans l’esprit de son mari ce souffle qui rallume les braises de la lutte, bravant les vents des reniements.
Fatima Saidani, une lutteuse dans le même sillage que son mari, le maquisard
Ali Ameur
Fatima Saidani, épouse du maquisard Ali Ameur, l’un des grands baroudeurs de la Wilaya III historique et la fidèle ombre protectrice du colonel Muhand Oulhadj, le chef du maquis kabyle, reprenant le flambeau après la mort d’Amirouche, est un homme aux faits d’armes incontestables et relatés avec fierté par ses compagnons d’armes. L’homme a survécu aux affres de la guerre de Libération et à son engagement dans l’ANP et la lutte contre le terrorisme islamiste. Sa femme n’a pas été du reste des exactions de l’armée française et a subi les pires tortures pour faire pression sur son mari afin qu’il mette fin à son engagement dans l’ALN. Mais en femme d’honneur, elle a bravé la sauvagerie de ses tortionnaires et n’a pas cédé d’un iota de son honneur car elle portait depuis sa naissance sur cette terre irriguée par le sang de ses aïeuls cette colère revancharde contre les spoliateurs de sa terre, la terre de ses ancêtres.
Naissance d’une lutteuse
Elle était belle et rebelle. Elle était une belle étoile, cette aspérule odorante et dressée sur les prés du printemps : le printemps d’un pays renaissant d’une longue nuit coloniale. Elle n’était pas une belle au bois dormant, héroïne d’un conte populaire très connu en Europe, ni un personnage durassien tout sorti des romans de Marguerite Duras, déambulant dans la touffeur d’un penthouse tropical, mais la fille digne d’un pays aux ailes d’un aigle qui ne bat jamais d’ailes et continue son vol allègrement vers les horizons de la liberté. Ainsi était Fatima Saidani, née le premier août 1941 à Yakouren, cette région au massif forestier qui témoigne à nos jours de l’immensité de sa symbolique historique et l’aplomb des hommes qui en ont fait le PC de la Wilaya III historique. Fatima Saidani, née orpheline de mère dans un pays où la mortalité des parturientes était à son apogée (misère sociale et absence de couverture médicale). Sa mère a été fauchée par la mort à la fleur de l’âge, mais sa fille a survécu pour écrire son épopée en compagnie de son mari, main dans la main, comme deux êtres pétris dans la même argile, pour arrimer leur destin au quai de l’indépendance. Élevée dans le dénuement le plus total par la femme de son père, qui du reste l’avait emmitouflée de l’amour maternel, la petite Fatima grandira et forcera le destin mortifère de son époque pour qu’elle devienne une jeune fille pleine d’entrain et de courage. Engagée, comme toutes les jeunes filles de cette Algérie en pleine guerre d’indépendance à porter aide et secours aux maquisards de l’ALN, au péril de sa vie. C’était lors d’un repas offert aux moudjahidine que le grand maquisard Ali Ameur fit sa connaissance et la prendra comme épouse. Cette union dans la douleur étrenna une souffrance incommensurable pour Fatima Saidani.
Femme de parole et de résilience
Dés que l’armée française sut qu’elle était l’épouse du maquisard Ali Ameur, recherché avec une incroyable obstination afin d’ôter au maquis kabyle cet homme que les soldats français croyaient avoir sans coup férir, en usant d’intimidations et de tortures sur le corps frêle de son épouse mais dont l’ossature était forgée dans l’acier de la résistance. Vainement, les tortionnaires français essayèrent toutes les basses tortures, allant de la gégène jusqu’au fouettage avec des objets contondants (des séquelles de la maltraitance qu’elle portera sur corps meurtri jusqu’à la fin de sa vie), pour faire arracher à Fatima Saidani des renseignements sur son mari et l’amener ainsi à la reddition. Cependant, comme le disait
l’écrivaine Maria Maria de Naglowka : «La femme est la porte par laquelle on peut pénétrer dans le domaine de la mort comme celui de la vie éternelle». Et Fatima Saidani a choisi celui de la vie éternelle en gravant son nom sur le roc de la postérité. Décédée en 2023 à l’âge de 84 ans, Fatima Saidani a marqué sa vie en ce monde des mortels d’une indélébile empreinte, l’inoxydable empreinte d’une femme d’honneur.
A. H.
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