Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure d’agronomie : «Le modèle de consommation permet de mieux orienter les investissements agricoles»

Déplorant l’absence d’enquêtes de consommation alimentaire approfondies, Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure d’agronomie, a indiqué que «le temps est venu pour faire une enquête qui permettrait de voir plus clair en termes de besoins réels du pays en chaque produit. Le modèle de consommation permet de mieux orienter les investissements agricoles vers les produits […]

Nov 20, 2024 - 20:34
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Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure d’agronomie : «Le modèle de consommation permet de mieux orienter les investissements agricoles»

Déplorant l’absence d’enquêtes de consommation alimentaire approfondies, Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure d’agronomie, a indiqué que «le temps est venu pour faire une enquête qui permettrait de voir plus clair en termes de besoins réels du pays en chaque produit. Le modèle de consommation permet de mieux orienter les investissements agricoles vers les produits les plus demandés et de les proposer aux consommateurs à des prix abordables».

Par Thinhinane Khouchi 
La dépense globale des ménages algériens a été estimée à 8 016 milliards de DA en 2022, a indiqué l’Office nationale des statistiques. Par ménage, la dépense annuelle moyenne est de 870 279 DA, soit 72 500 DA par mois. L’alimentation et le logement représentent plus de la moitié des dépenses des Algériens. L’enquête montre des «disparités notables entre les différentes catégories de population». Les 30 % de la population aisée accaparent plus de 55 % des dépenses.   S’exprimant, hier, sur les ondes de la Radio nationale, Ali Daoudi, enseignant- chercheur à l’Ecole supérieure d’agronomie,  est revenu sur les résultats de cette  enquête sur les dépenses de consommation des ménages, rendue publique par l’Office national des statistiques.  L’intervenant a indiqué que l’étude a  fait ressortir que «l’alimentation des ménages algériens est en baisse relative. La part de l’alimentation dans le budget des ménages dans  l’enquête de 2011 était de 41 %, dans l’enquête de 2022,  les dépenses des ménages sur l’alimentation était de 34 %, donc une baisse de 7 % en 12 ans». Il a expliqué que malgré cette baisse «nous sommes encore un pays dont une grande partie des revenus des ménages  est consacrée à l’alimentation, d’où la sensibilité à toutes variations des prix  sur le marché». Il a précisé que «dans les pays développés, ce taux est de 7 à 8 % seulement et dans certains pays c’est beaucoup moins que ça». «Quand on réserve 34 % ou 40 % des revenus à l’alimentation, une petite variation de 3 ou 5 % dans les prix  des aliments est conséquente, d’où l’importance d’observer l’évolution des prix des aliments sur le marché agricole et de continuer de travailler sur  comment rendre et proposer des prix faibles et raisonnables pour permettre aux consommateurs de préserver leur pouvoir d’achat». Questionné sur le modèle de consommation des Algériens, l’intervenant a déploré l’absence d’enquêtes de consommation alimentaire. «La majorité des études faites sur la consommation des Algériens n’entrent pas dans les détails pour nous dire exactement ce qu’ils consomment».  Par contre, l’étude faite par l’ONS montre, a estimé M. Daoudi, que «la part des produits d’origine céréalière reste une part assez importante dans la consommation des Algériens». «Il y a plus de 30 ans qu’on n’a pas eu une vraie enquête de consommation alimentaire des ménages et il serait  temps d’en faire une, ce qui permettrait de voir plus clair en termes de besoins réels du pays  en chaque produit. Cela donnerait des éléments d’aide à la décision pour tout ce qui est planification stratégique en termes d’investissements agricoles. Le modèle de consommation permet de mieux orienter les investissements agricoles vers les produits les plus demandés». Revenant sur les perturbations des prix sur les différents marchés du pays, M. Daoudi a indiqué que «la variation des prix n’est pas valable pour tous les produits. il y a des produits dont les prix sont stables, notamment le pain, pâtes, café, sucre… vu qu’ils sont subventionnés par l’Etat». «Les produits qui connaissent des perturbations sont les fruits, légumes et viandes», dira l’intervenant, ajoutant que «ces dernières années, nous sommes sur une inflation très significative. Entre septembre 2023 et septembre 2024, la variation les prix des produits alimentaires est de l’ordre de 4,3 %. Et c’est la même variation pour ces dix dernières années. On déduit que la production des produits frais n’est pas stable ce qui donne lieu à ces variations des prix». Ces perturbations s’expliqueraient, selon lui, par des choix d’orientation des agriculteurs, qui privilégient certaines cultures en fonction de leurs prévisions basées sur les anticipations des prix de vente et des coûts de production. Un autre facteur expliquant cette fluctuation des prix est la stagnation, voire la baisse «des superficies consacrées à la culture maraîchère», a observé l’invité de la Chaîne 3. Il s’est appuyé sur les chiffres du ministère de l’Agriculture, qui révèlent une tendance à la réduction de la superficie totale dédiée à cette culture. Cette diminution, selon lui, est «préoccupante», surtout si l’on prend en compte l’évolution démographique de l’Algérie. «En 2012, on disposait de 120 m² de terres irriguées et cultivées par citoyen, et aujourd’hui, nous en avons seulement 90 m² par citoyen», a-t-il précisé. Pour y remédier, a jugé M. Daoudi,  «le défi des politiques publiques aujourd’hui est de trouver comment maintenir le taux de satisfaction de la demande par la production nationale et augmenter ce taux, car nous n’avons pas encore atteint les 100 %», ajoutant qu’il est nécessaire de savoir  «comment maintenir l’autosuffisance en fruits et légumes  tout en sachant que les ressources sont limitées. Aller chercher des ressources supplémentaires dans le Sud peut être une bonne initiative, mais il faut surtout le changement du modèle productif et l’introduction de  technologies nouvelles dans nos cultures irriguées pour améliorer la productivité».
T. K.

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