Jacques-Marie Bourget assène la vérité sur la sauvagerie française en Algérie
Dans une tribune intitulée ironiquement «Dans les grottes d’Algérie l’armée française n’a gazé que des poux», parue dans Mediapart, le... L’article Jacques-Marie Bourget assène la vérité sur la sauvagerie française en Algérie est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Dans une tribune intitulée ironiquement «Dans les grottes d’Algérie l’armée française n’a gazé que des poux», parue dans Mediapart, le journaliste français Jacques-Marie Bourget appuie son confrère Jean-Michel Apathie. Deux hommes qu’unissent un courage et une honnêteté intellectuelle devenus une denrée rare en France.
Nous relayons la chronique de Jacques-Marie Bourget avec son aimable autorisation.
Par Jacques-Marie Bourget – Jean-Michel Apathie a lancé une grenade dans la vitrine du mensonge. Celui qui perdure sur le comportement criminel de l’armée française en Algérie, comme l’usage d’armes chimiques.
Ceux qui s’indignent ou s’étonnent en apprenant qu’en Algérie, de Bugeaud à Mollet, Mitterrand, De Gaulle, on a gazé des enfants, des femmes et des hommes dans des grottes de montagne en Kabylie, dans les Aurès ou toute autre cavité, c’est qu’ils n’ont rien compris. Soixante-dix ans après les crimes, si la mémoire française reste sereine, c’est que l’acte était justifié. Ces êtres-là, asphyxiés, brûlés, n’ont jamais été admis au rang des humains. Alors, pourquoi un remord ou un pardon ? Louis Darquier de Pellepoix, commissaire général aux Questions juives, horreur créée par le régime de Vichy, nous a éclairés sur cette mécanique de la barbarie. Evoquant l’apocalypse de l’holocauste, il a déclaré : «A Auschwitz, on n’a gazé que des poux.» En réalité, dans les grottes et cavités algériennes, on ne tuait pas de vrais hommes. Pour conforter cette philosophie du crime, nous avons aujourd’hui l’exemple de Gaza, où plus de 50 000 non-humains ont aussi été écrasés dans l’indifférence.
Comme tout homme qui se révolte contre son envahisseur, son colon, Jean Moulin fut en son temps un «terroriste». Les révolutionnaires du FLN n’ont pas échappé à la même estampille : «Ces gazés, tués comme des mouches, n’étaient que des terroristes.» Des nuisibles éliminés au «Fly-Tox». Des assassins ayant le goût de la métaphore ont même qualifié ces abattoirs humains d’Algérie de «contraception tardive». Les victimes du 17 octobre 1961 à Paris étant, elles, noyées dans l’eau purificatrice de la Seine.
L’histoire continue d’être muette. Et ce sont maintenant les indignés des morts «chimiques» de Halabja – en Irak en 1988 – qui interdisent la diffusion du documentaire «Algérie, sections armes spéciales». Film parfait, pédagogique, au contenu calme et équilibré, pourtant programmé sur France 5. Et censuré. Depuis le film qu’Alain Resnais a consacré en 1959 à l’apocalypse atomique, nous savons tous que «l’on n’a rien vu à Hiroshima». Dans les grottes d’Algérie aussi, la fumée et les gaz ont aveuglé la mémoire française. Nous n’avons rien vu. Il ne s’est rien passé. Pourtant, la France est experte à dénoncer les crimes : ceux des autres, commis par des bourreaux d’ailleurs. Jamais les siens. Quand un citoyen bleu-blanc-rouge s’est risqué à lancer l’alerte, au temps où l’Algérie était la France, et je ne cite que Maurice Audin et Fernand Iveton – mais tous leurs amis furent égaux en héroïsme –, ils furent assassinés. Cinquante ans plus tard, le criminel Aussaresses pouvait, en grand père peinard, déguster des fruits de mer à «La Coupole».
Pourquoi la France, sans doute la bouche trop pleine d’étouffants «droits de l’Homme», ne peut parler de ses propres crimes ? Il est faux de croire que ce silence n’est que le produit d’une omerta imposée par le lobby militaire. Qui, du Pétain de 1917 assassinant les poilus «mutins», aux gazages, tortures et assassinats d’Algérie, interdirait l’examen des atrocités ? Si l’armée pousse à l’oubli, c’est le monde politique, presque dans son ensemble, qu’il faut accuser de cette complicité de crimes. Quel parti peut vivre sans se hausser sur une histoire héroïque, sans accrocs à la bannière ? Nous ne fûmes jamais bourreaux, jamais collabos.
Piocher dans les blessures béantes de la Guerre d’Algérie, c’est dire que François Mitterrand a laissé couper 45 têtes sans lever le pouce pour sauver ces vies de la guillotine. C’est dire encore que Guy Mollet, le même Mitterrand et leur Robert Lacoste, l’ignominieuse clique SFIO, ont conduit cette guerre pendant quatre ans, avec des coups de pouce des partis «chrétiens». Comment accuser un complice de crimes de guerre, devenu président abolitionniste, sans désespérer ces militants de gauche convaincus d’être les enfants naturels de Jaurès ?
Le Parti communiste étant, aux heures de guerre, le seul à protester, souvent mollement, contre «l’opération de maintien de l’ordre» algérienne. Le PCF laissant ses militants tenir individuellement l’honneur, puisque le Parti communiste algérien, soi-disant autonome, avait la charge de la lutte sur son propre terrain.
La droite aussi se sait honteuse des crimes d’Algérie, et préfère laisser l’histoire au creux de sa tombe et les boîtes d’archives sous scellées. Parlons du rôle de la «démocratie chrétienne» et de sa peste MRP. Parlons de Giscard et de ses bons amis de l’OAS, des alternances de la IVe République qui les ont mouillés dans un même fleuve de sang. Et les gaullistes donc ? Ils ne sont pas absents sur les lignes de l’acte d’accusation. N’oublions pas, en mai et juin 1945, les 45 000 morts des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, le général étant au pouvoir. Puis le retrouvant en 1958, alors que les grottes d’Algérie fumaient toujours. Comment, après tout cela, imaginer que le monde politique va dresser le crêpe noir du deuil sur son passé ?
Pour donner une seconde mort aux victimes algériennes, une rafale d’amnisties, murailles contre la vérité, vont ponctuer notre droit. D’abord en 1962, lors des «Accords d’Evian», puis les récidives en 1964, 1966 et 1968. Pour voir Mitterrand planter le dernier clou en 1982, là où il donne le pardon aux putschistes d’Alger, aux héros de l’OAS. Etonnons-nous alors qu’un simple documentaire soit interdit de diffusion par la télévision d’Etat… mais aussi dans une salle de cinéma du Quartier latin. Une fois pour toutes, nous devons en rester «aux bienfaits de la colonisation», concept promu par Raffarin et tamponné Chirac, par un article de loi du 23 février 2005. Ignoble baliverne qui fait encore le miel des «experts» qui exercent leur magistère sur les chaînes «d’information» ; lors de «débats» déshonorants où la place de celui qui pourrait dire la vérité est celle du mort. Alors, on daube sur cette Algérie «ingrate». Alors que la colonisation l’a fait passer du stade «cloaque» (version Zemmour) à «l’usage des routes et chemins de fer» (uniquement construits pour le bénéfice du commerce colon). Si l’on excepte l’explosion de honte exprimée par un Jean-Michel Apathie, trop las du sinistre mensonge, le curseur est aujourd’hui calé au point Retailleau, célèbre penseur de la philosophie ventre à choux.
Comme celle de Troie, la Guerre d’Algérie n’a donc pas eu lieu. Et l’on n’observe aucune retenue, pour raisons de mémoire, chez les propagandistes de la foi démocratique brandie comme un fouet qui fustige le «régime» d’Alger. Des hommes et des femmes, assignés à oublier un passé de souffrance, et qui méritent que se poursuive la leçon coloniale. Mieux, entre 1991 et 2000, alors que des fous d’Allah, nés des entrailles de Ben Laden et poussés par l’Occident, attaquaient la République, des moralistes français ont fait avaler à la croyance hexagonale l’horrible farce du «qui tue qui». Qu’en réalité, les Algériens s’exterminaient entre eux sans raison, comme d’autres aiment à tuer le temps. Aujourd’hui, des écrivains néo-colonisés, donc plumes françaises, continuent d’alimenter le brasier franco-algérien. Oubliant celui des grottes et le pardon attendu de la France. Semblable à celui exprimé par le Royaume-Uni après la répression des Mau Mau du Kenya et ses 100 000 morts dans les années 1950. Mais le pardon français reste figé, statue de sel, puisque, de 1830 à 1962, nous n’avons rien vu en Algérie.
A propos de «pardon», il ne faut pas oublier la lutte admirable de l’universitaire et chercheuse française Armelle Mabon qui, contre l’hostilité féroce de l’Etat, se bat «quoi qu’il en coûte» pour la reconnaissance des crimes commis par la France contre les tirailleurs sénégalais, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
J.-M. B.
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