L’armée syrienne moralement usée ?
Maintenant que le règne des al-Assad est tombé, ce que tout le monde soupçonnait, eu égard à la rapidité avec la rébellion a marché sur Damas, tend à se confirmer. En effet, si en une dizaine de jours seulement la chute du régime était acquise, c’est tout simplement parce que son armée, pour des raisons […]
Maintenant que le règne des al-Assad est tombé, ce que tout le monde soupçonnait, eu égard à la rapidité avec la rébellion a marché sur Damas, tend à se confirmer. En effet, si en une dizaine de jours seulement la chute du régime était acquise, c’est tout simplement parce que son armée, pour des raisons qu’il reste toutefois à déterminer, ne l’a pas défendu, tout en faisant semblant de le faire. D’après une source russe, l’ex-président Bachar Al-Assad, dont on sait maintenant qu’il est avec sa famille en Russie, lui-même ne comprenait pas au moment des faits pourquoi les forces armées syriennes opposaient une aussi faible résistance à l’avancée rebelle. Tout s’est passé comme si un accord était passé entre l’armée syrienne, l’opposition armée dominée par les islamistes de Haïat Tahrir Acham, anciennement section syrienne d’al-Qaïda, et probablement des parties encore inconnues qui avaient travaillé dans l’ombre, des Etats de la région et d’autres extérieurs à celle-ci, dans le rôle de garants. Il est probable que les rares combats qui ont eu lieu ici ou là entre Idlib et Damas aient été des mises en scène destinées à donner le change au président et à son entourage.
Aussi ne se pose-t-il 24 heures seulement après la chute du régime qu’une seule question digne de ce nom : l’armée syrienne a-t-elle trahi ou était-elle dans un état de délabrement matériel et moral tel qu’elle s’est purement et simplement trouvée dans l’incapacité de repousser l’offensive rebelle ? A première vue, si délabrement il y a, il n’est pas matériel. C’est l’hypothèse que semble privilégier le ministre iranien des Affaires étrangères, du moins en l’état actuel de ses informations. La démoralisation de l’armée syrienne est quelque chose de tout à fait plausible. Cette armée est sur la brèche depuis 2011 sans que la crise politique syrienne ait été résolue. 13 ans plus tard, le pays reste territorialement divisé. Il est toujours occupé au nord par la Turquie, à l’est de l’Euphrate par un millier de soldats américains, qui exploitent ses champs pétroliers, tout en soutenant la sécession kurde, sans parler de la région d’Idlib, où se sont concentrés tous les groupes, dont Jobhat Anosra, qui avaient dû quitter les positions qu’ils occupaient ailleurs en Syrie, conformément aux accords dits de désescalade conclus entre les parties prenantes au processus d’Astana : la Russie, l’Iran et la Turquie. Or il y a plus démoralisant encore que l’occupation étrangère et la paralysie politique : les frappes incessantes pendant des années de l’aviation israélienne, soi-disant contre des positions iraniennes et celles du Hezbollah libanais, mais en réalité contre tout ce qui constitue une menace pour Israël et qui se trouve sur le sol syrien. Le jour même où la chute du régime était proclamée, Israël effectuait des attaques aériennes au cœur de Damas, et ailleurs dans le pays, et avançait dans le Golan occupé, soi-disant dans une opération limitée dans le temps. Seule la Russie aurait pu arrêter les agressions d’Israël, ou du moins les dissuader. Elle n’a rien fait de concret à cet effet, se contentant de les condamner de temps à autre comme une flagrante atteinte à la souveraineté de l’Etat syrien. Elle a sauvé le régime syrien en 2015 alors qu’il était sur le point de tomber. Mais c’était pour laisser Israël amenuiser ses forces dans la durée et
l’abattre moralement.
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