Auto-entrepreneur importateur : décret publié, dispositif en chantier

Le décret attendu sur la micro-importation a bien été publié dans les délais. Mais loin de permettre le lancement effectif de l’activité, plusieurs institutions doivent encore adapter leurs textes et dispositifs, le texte soulève de nombreuses zones d’ombre et appelle plusieurs clarifications. Le gouvernement a respecté l’échéance fixée en mai dernier par le président de […]

Juin 29, 2025 - 18:31
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Auto-entrepreneur importateur : décret publié, dispositif en chantier

Le décret attendu sur la micro-importation a bien été publié dans les délais. Mais loin de permettre le lancement effectif de l’activité, plusieurs institutions doivent encore adapter leurs textes et dispositifs, le texte soulève de nombreuses zones d’ombre et appelle plusieurs clarifications.

Le gouvernement a respecté l’échéance fixée en mai dernier par le président de la République en publiant, avant la fin juin, un décret exécutif « légalisant » le commerce dit du cabas, ou « trabendo », au profit des ressortissants nationaux, qu’ils soient résidents ou étrangers résidant en Algérie.

Cependant, la publication du texte n°25-170 du 28 juin, dans le Journal officiel n°40, ne permet pas, en l’état, le lancement effectif de l’activité de micro-importation par les auto-entrepreneurs. En effet, son exercice est soumis à une double autorisation : d’une part, l’obtention du statut et de la carte d’auto-entrepreneur (articles 3 et 6) ; d’autre part, une « autorisation générale pour l’exercice de l’activité de micro-importation », délivrée par les services du ministère chargé du Commerce extérieur (article 6).

Il faudra donc attendre, en premier lieu, une mise à jour réglementaire de la liste des activités éligibles au statut d’auto-entrepreneur, incluant explicitement l’importation de marchandises destinées à la revente en l’état, afin que l’Agence nationale de l’auto-entrepreneur (ANAE) puisse traiter les premières demandes. Ensuite, le ministère du Commerce extérieur devra publier un texte précisant les modalités de demande et d’octroi de la « fameuse » autorisation générale.

La rédaction de l’article 2 du décret appelle également une clarification, de la part du gouvernement et de la Banque d’Algérie. Le texte semble limiter l’exercice de l’activité aux seuls déplacements physiques de l’auto-entrepreneur. Il revient donc au gouvernement de dire si, dans un souci d’économie ou en cas d’absence de visa, l’importation pourra se faire à distance, sans déplacement à l’étranger, avec livraison en Algérie par fret aérien, maritime ou postal.

Le gouvernement devra aussi préciser si l’auto-entrepreneur, autorisé à importer dans la limite de deux opérations par mois pour un montant total de 1,8 million de dinars (environ 12 000 euros), est dispensé des formalités classiques du commerce extérieur — notamment la domiciliation bancaire ou le recours obligatoire à un transitaire. Il conviendra également d’interpréter l’expression « importation pour la vente en l’état de quantités limitées » (article 2). Qui sera habilité à juger du caractère « limité » de ces quantités ? Le ministère du Commerce extérieur, sur dossier, ou les douanes, au cas par cas, au risque de réintroduire l’arbitraire et la fraude ?

La Banque d’Algérie devra, elle aussi, adapter son dispositif. L’article 7 impose aux auto-entrepreneurs de disposer d’un compte en devises ouvert exclusivement auprès de la BEA (article 5), ce qui revient à les orienter vers le marché parallèle. Or, selon le Règlement n°24-05 du 13 octobre 2024, l’exportation de devises en espèces est plafonnée à 7 500 euros (ou équivalent) par an. La Banque d’Algérie devra donc indiquer si, dans ce nouveau cadre, les importateurs pourront voyager avec une somme supérieure et, surtout, s’ils seront autorisés à régler leurs achats à distance, par virement depuis leur compte en devises — une pratique aujourd’hui exclue pour les particuliers.

Par ailleurs, l’article 13 prévoit que le ministère des Start-up mette en place une plateforme numérique permettant aux importateurs de déclarer, préalablement à chaque opération, leur activité, sous peine de blocage.

Enfin, l’article 14 du décret du 28 juin soulève un double défi — à la fois logistique et culturel — pour les futurs micro-importateurs, en leur imposant d’étiqueter les produits avec leur nom, prénom et adresse personnelle…, sans en préciser la ou les langues d’étiquetage.

Par Larbi Ghazala