Centre de chirurgie infantile de Sétif : Sauver des vies quoi qu’il en coûte !
Installé dans une aile du pôle mère et enfant d’El Bez, relevant du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Saâdna Mohamed Abdenour, un service aussi discret qu’essentiel redonne chaque jour espoir à des familles entières. Le Centre de Chirurgie Infantile (CCI), dirigé par la Pr Souhem Touabti, est l’un des rares pôles spécialisés en Algérie capables de prendre […] The post Centre de chirurgie infantile de Sétif : Sauver des vies quoi qu’il en coûte ! first appeared on L'Est Républicain.

Installé dans une aile du pôle mère et enfant d’El Bez, relevant du Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Saâdna Mohamed Abdenour, un service aussi discret qu’essentiel redonne chaque jour espoir à des familles entières. Le Centre de Chirurgie Infantile (CCI), dirigé par la Pr Souhem Touabti, est l’un des rares pôles spécialisés en Algérie capables de prendre en charge les pathologies les plus complexes chez les nouveau-nés, nourrissons et jeunes enfants. Ce service d’excellence réalise des prouesses chirurgicales dans des conditions souvent difficiles, voire précaires, grâce à une équipe soudée, passionnée et d’un niveau de compétence remarquable. Loin des projecteurs, l’équipe multidisciplinaire du service de chirurgie pédiatrique vient d’accomplir un véritable exploit en réalisant un remplacement œsophagien par voie combinée thoracoscopique (cœlioscopique) et abdominale sur un nourrisson de deux ans atteint d’une atrésie de l’œsophage de type 1 – une malformation congénitale grave entraînant une interruption de la continuité de l’œsophage. « Dès sa naissance, nous avons mis en place une gastrostomie – un tube d’alimentation introduit directement dans l’estomac – ainsi qu’une cervicostomie. Sa maman a été formée pour le nourrir jusqu’au jour de l’intervention. Deux ans, c’est l’âge optimal pour ce type d’opération, qui a duré plus de huit heures, avec mobilisation d’une portion gastrique. En Algérie, nous sommes le seul service public à pratiquer cette intervention, qui coûte environ 150 millions de centimes dans le privé. Une surveillance fibroscopique à long terme est nécessaire pour prévenir la dégénérescence de l’œsophage reconstruit », explique la Pr Touabti, cheffe du service, chirurgienne chevronnée formée en Algérie et qui a fait le choix de rester au pays pour soigner, transmettre et bâtir. Et d’ajouter : « Nous ne sommes pas de simples techniciens du bistouri. Chaque geste sur un enfant est une immense responsabilité. Nous intervenons sur un corps en devenir, fragile, qui exige précision extrême et vigilance permanente. Cette réussite démontre que la chirurgie pédiatrique algérienne est performante, compétitive et digne de confiance ».
Un service de référence
Repoussant sans cesse les limites, les équipes du CCI poursuivent leur mission. Sous la direction de la Pr Touabti, elles s’attaquent désormais à des pathologies encore plus lourdes, comme les malformations vésicales. Ces anomalies congénitales, décelées dès la naissance, compromettent gravement la qualité de vie des enfants – filles comme garçons – et exigent des interventions longues et délicates. « L’agrandissement de la vessie est une opération de pointe, mobilisant d’importants moyens humains et techniques. Elle peut durer jusqu’à douze heures et nécessite une préparation rigoureuse ainsi qu’une coordination parfaite entre les différentes équipes. La convalescence, tout aussi cruciale, s’étend sur 20 à 25 jours. C’est pour cela que nous opérons un seul patient par semaine. Durant cette période, l’enfant est placé sous étroite surveillance afin d’éviter toute complication post-opératoire. Chaque détail compte. Mais offrir une vie normale à ces enfants justifie tous les sacrifices ». Devenu centre national de référence, le service de Sétif, qui accueille des patients venus de tout le pays, prévoit d’opérer prochainement une trentaine d’enfants. « À ce jour, nous sommes les seuls à traiter cette pathologie en Algérie », souligne la chirurgienne, non sans fierté, rappelant que l’intervention est facturée pas moins de 400 millions de centimes dans le privé – une somme inaccessible pour la majorité des familles.
Lever les tabous
Sans jamais opter pour la facilité, le CCI s’attaque aussi à un sujet longtemps tabou : les troubles du développement sexuel (DSD), ou ambiguïtés sexuelles à la naissance. « La chirurgie de réassignation – féminisation et masculinisation – intervient après un bilan endocrinologique qui détermine le sexe biologique de l’enfant. L’intervention, d’une durée de quatre à cinq heures, est pratiquée uniquement ici et au CHU de Constantine. Ces jeunes vivent des situations psychologiques terribles, entre souffrance et confusion identitaire ». Autre avancée majeure : la reprise, après plusieurs années d’interruption (depuis 2016) de la chirurgie maxillo-faciale. « En juillet, quatre enfants porteurs de fente labiale (bec de lièvre) ont été opérés. Quatre autres le seront dans les prochains jours. Grâce à l’engagement de nos équipes, il n’y a pas de liste d’attente : le malade est opéré dans un délai de quinze jours ». La Pr Touabti se félicite aussi de l’héritage du défunt Pr Zinedine Soualili, fondateur de l’unité pour brûlés : « Avec ses douze lits, cette unité est l’unique structure de ce type à l’Est du pays. Malgré un cruel déficit en personnel paramédical, elle continue de fonctionner et de sauver des vies ». Derrière ces succès médicaux se cache une réalité beaucoup plus difficile. Le CCI fonctionne avec des moyens limités. « Nous manquons cruellement de matériel, notamment de colonnes de cœlioscopie. Nos deux appareils sont en panne : l’un depuis plus d’un an, l’autre depuis cinq mois. Nous sommes contraints d’en emprunter un au service de gynécologie pour continuer à travailler. Nous avons besoin de trois nouveaux respirateurs, au minimum », alerte la cheffe de service. Le manque de personnel se fait également sentir : « Il nous manque douze paramédicaux. La nuit, il n’y a même pas d’agent de service. Malgré cela, nous tenons bon, grâce à notre solidarité, à notre sens du devoir et à notre engagement envers ces enfants et leurs familles », conclut-elle, déterminée à poursuivre sa mission, en dépit des innombrables obstacles.
Kamel Beniaiche
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